Les intenses attaques incessantes des Malgaches dans le Canal

Les « Iles malagasy » ou « Iles éparses » en question. 

Les auteurs du XVIIIe siècle, tels Fressanges ou Beniowsky, se targuent d’être les initiateurs des Malgaches en matière de navigation et leur auraient enseigné la route vers Anjouan. Guillain, lui, y voit une prouesse des pirates établis sur la côte Est. Ils ne peuvent croire en ces prouesses et audaces de la part d’un tel peuple de «sauvages». «Ces affirmations teintées de racisme et de préjugés coloniaux sont donc en contradiction totale avec les données historiques des autres auteurs plus anciens, y compris les Arabes. Même Deschamps au XXe siècle qualifiait encore ces expéditions d’extraordinaires et d’incroyables» (Ramisan-drazana Rakotoariseheno, membre titulaire de l’Académie malgache De la thalassocratie Waq-Waq à la thalassocratie Antalaotra dans le Canal de Mozambique , lire Notes du mardi 13 aout et lundi 12 aout). 

D’après l’académicienne, les sources écrites citées par Jean-Claude Hébert, membre de l’Académie malgache, font état des intrusions des Européens dans la région, pour des raisons de navi-gation et de traite. Et, par ricochet, elles relatent de façon systématique les guerres des princes des quatre iles des Comores aux prises avec les pirates malgaches et qui demandent de l’aide à tous les navires européens.  Pour lui,  « la vérité sur l’origine des expéditions malgaches nous est révélée par plusieurs sources comoriennes ».

Il publie, en 1983, les Documents sur les razzias malgaches aux iles Comores et sur la côte orientale africaine- 1790-1820 dans Études océan Indien (Conflits dans l’océan Indien Institut national des Langues et Civilisations orientales, Centre océan Indien occidental). Il critique aussi l’affirmation de l’abbé Rochon disant que les Arabes des Comores et de Mada-gascar ont ruiné plusieurs établissements portugais dans les siècles précédents. Il souligne enfin que les princes des Comores ont, à plusieurs reprises, recours aux mercenaires malgaches pour se faire la guerre. 

Ramisandrazana Rakoto-ariseheno apporte, cependant, quelques précisions. Hébert avance que ce n’est que « vers fin 1793 que dut avoir lieu la première véritable expédition malgache d’après les sources françaises ». Mais elle estime, quant à elle, que ce sont les expéditions séculaires des Malgaches qui prennent une nouvelle forme vers la fin du XVIIIe siècle, « avec cet aspect de mercenariat qui leur est doublement profitable ». Ils font leur razzia habituelle pour leurs propres comptes et, en même temps, ils se font payer par les princes qui les enrôlent. « Ce que les sources comoriennes omettent de dire expressément. » 

De son côté, le scien-tifique Raymond Decary avance que ces expéditions remontent assez loin dans le temps, en se référant aux travaux de J.M Faublée (Madagascar vu par les auteurs arabes avant le XIe siècle, Communication au Congrès d’Histoire maritime de Lourenço Marquès, 1962). Decary indique que « vers 1505, un prince du Boeny nommé Diva Mamé ou Andriamamy, s’établit avec ses gens à Mayotte, sur les bords d’une grande baie à laquelle ils donnèrent le nom même de Boeny en souvenir de leur origine » (Les Satellites de Madagascar et l’ancienne navigation dans le Canal de Mozambique, Bulletin de l’Académie malgache, tome XX, 1937).

Il rapporte dans son ouvrage de multiples attaques des Malgaches devenus très intenses entre 1800 et 1820. En 1805, « eut lieu une expédition contre la Grande Comore. Les pirates débarquent en deux points et envahissent Iconi, la plus grande ville. Malgré le courage des habitants, ils furent toujours vaincus. Leur chef est tué d’un coup de sagaie et les femmes se précipitèrent à la mer du haut d’une falaise ». En 1808, c’est le tour d’Anjouan. La capitale Mutsamudu soutient un siège si long que deux cents femmes, réfugiées avec leurs enfants dans un bâtiment fortifié qui sert de magasin à poudre, après avoir épuisé leurs provisions, finissent par mettre le feu à la poudrière et s’ensevelissent sous les ruines. 

« La situation est devenue si tragique que les Anjouanais se décident à implorer le secours des nations européennes contre les Malgaches.» Le gouver-nement de Bombay leur fournit des armes et des munitions : soixante-dix barils de poudre, quatre-vingt mousquets, un canon de fer, six livres de balles et  mille cinq cents pierres à fusil. En 1812, le gouverneur du Cap les ravitaille à son tour et leur envoie la frégate anglaise le Nisus . Deux ans plus tard, Sir Robert Farquhar intervient auprès de Radama Ier pour faire cesser ces expéditions. En 1816, le gouvernement de Bourbon est sollicité à son tour, mais le ministre de la Marine à qui la supplique est transmise, déclare ne pouvoir envoyer de secours.

Pela Ravalitera

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