Au XVIIIe siècle, un pan de l’histoire qui, dit-on, a été éclairé par les lumières de la raison, les optimistes étaient mus par une foi en une future victoire de l’épanouissement humain apportée par la progression du savoir. Et aujourd’hui, alors que les sciences et techniques ont atteint un niveau inédit, la connaissance est plus démocratisée que jamais grâce aux vertus d’internet, mais les vices de ce dernier sont cependant aussi difficilement esquivables. Le monde est constamment exposé aux bruits qui ont surtout intensifié la force de frappe des vacarmes de la vanité, un phénomène dont le pouvoir d’accaparement s’est toujours exercé sur les esprits.
On raconte qu’un jour Diogène de Sinope, la figure emblématique de l’école cynique, a prononcé un discours dans lequel les sujets sérieux eurent une place privilégiée. Ces paroles furent cependant filtrées par les oreilles des citoyens qui n’y prêtèrent pas attention. Ignoré et sans auditeurs, Diogène se mit à débiter des balivernes, à chanter des couplets obscènes… Des mots qui attirèrent, cette fois-ci, une foule considérable. Ce fut alors que notre penseur prononça un constat qui reste d’une actualité flagrante: “Je vous reconnais bien là, vous n’avez que dédain pour les choses sérieuses et grand intérêt pour ce qui est vulgaire.” Un diagnostic dont la véracité se vérifie, tous les jours, sur les réseaux sociaux et autres canaux offerts par le monde du numérique.
Le monde est actuellement submergé dans un capharnaüm verbal, ce qui est vraiment important pour la survie et la conservation de cette grande dignité humaine, si chère à Pic de la Mirandole et à l’Humanisme, est noyé, enseveli sous un déluge de publications superficielles, instruments du triomphe de la frivolité qui, portée par le piédestal virtuel, a le monopole des likes et partages. Cette domination sans limite de la vanité, qui a l’exclusivité du buzz, submerge alors les consciences et l’accès est devenu ardu pour les graines du développement intellectuel et le potentiel cérébral reste grandement inexploité.
Le spectacle, omniprésent dans nos vies, a fini par balayer le réel et ses contenus qui méritent d’être de grandes préoccupations. Les tendances éphémères, les répliques et gestes des stars fugaces des émissions de téléréalité prennent une importance disproportionnée qui écrase les productions éducatives, comme les
documentaires, qui peuvent servir la grandeur de l’intellect. Et d’autres grands motifs de réflexion, comme les impacts du changement climatique, ont du mal à se frayer un chemin au milieu de toute cette pollution.
Et ainsi va la vie et ainsi aussi va le monde, régi par la loi de la légèreté qui préfère ignorer la pesanteur. Mais un jour, tout ce poids, qu’on ne cesse d’éviter, finira par se faire sentir. Rester dans l’ignorance, enfant de cette vacuité, nous entraînera alors dans une chute encore plus douloureuse.
Fenitra Ratefiarivony