C’est sur l’emplacement du Palais Imarivolanitra que Ranavalona Ire fait construire Manjakamiadana. |
Du vivant de son père, Andriantsimitoviamin-driandehibe, Andriamasi-navalona (1684-1710) « régna à Alasora en attendant son tour et gouverna l’Imerinatsimo de telle sorte qu’il avait appris les bonnes habitudes en matière de gouvernance » ((Ramisandrazana Rakotoariseheno Testaments politiques et mode de gouvernance des souverains de l’Imerina VIIIe-XVIIIe siècle , communication à l’Académie malgache, 19 décembre 2019). Dès l’âge de 15 ans, il a déjà la charge du Vakinisisaony. « L’anecdote relative au testament de son père, semble être un retour vers le Fanjakana ifanoavana d’Andrianamboniravina et de Rangita», se demande l’historienne.
Dans tous les cas, ajoute-t-elle, la continuité du pouvoir par la descendance masculine issue du ventre dynastique, Rangita, ou le « mitohy-vakana », collier de perles enfilées, héritage des Rafandrana, est la norme depuis Andriamanelo. Mais le concept du « Fanjakana ifanoavana », précise-t-elle, semble être également une permanence à travers le concept du « zanak’anabavy» (enfant de la sœur). Les ruptures ne sont alors que conjoncturelles pour arranger les successions difficiles et permettre au souverain de confisquer le pouvoir temporairement, et paradoxalement, d’agrandir l’État, comme l’ont fait Andrianerinerina II et Andriamanelo.
Andriamasinavalona reprend aussi le mode de gouvernance en associant de son vivant tous ses enfants, dès leur plus jeune âge, comme cela a toujours été la tradition. « Ces derniers durent faire de grands travaux d’aménagements avec le peuple sous le regard du roi pour que ce dernier puisse apprécier les qualités des princes, mais aussi le respect et la fidélité du peuple envers ces futurs régnants », précise l’académicienne. Cette dernière souligne qu’il bâtit un palais appelé Imarivolanitra à l’emplacement du Manjakamiadana actuel. Mais Ranavalona Ire transfère le bâtiment à Mahazoarivo pour qu’elle puisse y bâtir le sien.
Selon le pasteur Rainitovo, Andriamasinavalona aime à dire souvent : « Ianareo Merina no Tanety ary ireo zanako ireo no tsimbotry, ka mivelona aminy. » C’est-à-dire que ses sujets, les Merina, sont la terre nourricière de ses enfants
Le souverain dénomme également les Merina avec des métaphores dont les consonances sont très flatteuses: « Valam-parihin’Andriamasinavalona, Farihibe Mahamasina, Vodivato Mahandriana, lamba ka tsy misy atiny sy vohony, Fandridrano ka tsy misy avo sy iva, Molo-bilany ka indray mihodina ihany, Vato ifaharana, Ala ikirizina, Vodivona iaferana, Akanga tsy roa volo solon’ny 12 Manjaka. »
Ramisandrazana Rakotoariseheno déclare que toutes ces appellations soulignent, à la fois, « le grand nombre, la valeur intrinsèque du roi ou le hasina, l’égalité des sujets, leur solidarité, leur solidité à l’instar des rochers, la forêt qui permet de vivre, le territoire qui nourrit, la pintade à l’unique robe symbole des Douze anciens souverains». Bref, « il n’y a de roi qu’avec le peuple».
Dans ses interventions publiques (kabary), Andriamasinavalona rappelle « qu’il n’avait ni argent ni patrimoine et que seul le riz était son bien. Qu’il n’aurait plus d’ennemi, seul son rival était la famine, qu’il n’avait aucun rempart, mais seules les digues étaient son rempart ». Ces paroles se retrouveront, plus tard, dans la bouche d’un autre souverain, fait remarquer l’auteure de l’étude. C’est pourquoi il continue les travaux des digues, depuis Ambohitran-driananahary jusqu’à Andriantany. Le Betsimitatatra ainsi endigué a une superficie allant du sud d’Ambohimanga jusqu’au sud d’Antsahadinta, d’Alasora à l’est jusqu’à Ambohimanoa à l’ouest.
L’académicienne évoque le cas d’Andriampanarivofonamanjaka du Fanongoavana, qui se rallie de plein gré au roi d’Antaninarivo. Il semblerait qu’il a moins de sujets et d’armes pour résister à Andriamasinavalona, alors qu’il a sous sa sujétion les Bezanozano de Lohasaha, les Ontaiva. Son territoire englobe alors l’Angavo, et tout le Vakiniadiana. Il a deux fils qu’il marie aux maisons royales.
Malgré ce ralliement et les imbrications généalogiques de la descendance des deux rois, l’Ankay reste un territoire des Sihanaka et des Bezanozano jusqu’à la conquête d’Andrianampoinimerina à la fin du XVIIIe siècle. « Ce cas est donc un deuxième exemple de limite de la gouvernance des Merinas dans les marges du royaume. Les sujets n’étaient plus du groupe merina et donc il était difficile d’avoir des Loholona représentatifs du peuple pour assurer la fidélité au roi. » D’après le pasteur Rainitovo, un certain Andrianarivo crée même quatre cités chez les Zafimamy et les Zanakandrianato pour se défendre des attaques des Bezanozano et des Sihanaka.
Pela Ravalitera