 |
| Selon le MINAE, l’agriculture représente 23% du PIB du pays. |
Pour stimuler le développement agricole, Madagascar met en œuvre une nouvelle approche stratégique. Selon le ministère en charge de ce secteur, qui représente 23% du Produit intérieur brut (PIB), l’objectif est d’augmenter sensiblement la productivité et d’atteindre l’autosuffisance alimentaire d’ici 2028.
Le ministère de l’Agriculture et de l’Élevage (MINAE) a récemment partagé sa nouvelle stratégie ambitieuse visant à stimuler le développement agricole et à contribuer à la Politique générale de l’État (PGE).
« Avec un secteur agricole représentant 23% du PIB et employant 85% de la population rurale, Madagascar cherche à renforcer son potentiel agricole pour atteindre l’autosuffisance alimentaire d’ici 2028. Dans cette optique, le MINAE a mis en place une approche stratégique articulée autour de trois piliers fondamentaux : le soutien renforcé aux exploitations agricoles familiales, la promotion de l’agripreneuriat des jeunes et le développement de l’agribusiness à grande échelle », a-t-on fait savoir.
Ainsi, les exploitations agricoles familiales, considérées comme l’épine dorsale de l’agriculture malgache, bénéficieront d’un appui accru. Dans ce cadre, des programmes de formation et des initiatives telles que le projet présidentiel « Ankohonana miarina » et le « Titre vert » sont prévus pour renforcer les capacités des ménages vulnérables et des jeunes agripreneurs. Plus de trois mille neuf cents ménages ont déjà bénéficié de formations sur les techniques agricoles, et des plans sont en place pour étendre ces programmes à plus de cinquante mille ménages d’ici la fin de cette année.
Reconnaissant le rôle crucial des jeunes dans le développement agricole, le MINAE compte aussi sur cette nouvelle approche stratégique pour encourager activement l’installation de jeunes agripreneurs à travers des projets tels que les "titres verts". En collaboration avec des partenaires comme Fihariana, plus de vingt mille jeunes devraient se lancer dans des projets agricoles d’ici 2028. En outre, « pour exploiter pleinement le potentiel agricole de Madagascar », le développement de l’agrobusiness à grande échelle sera priorisé. Des partenariats public-privé seront développés afin notamment de booster les investissements. Le MINAE a rappelé que des projets tels que Riz Plus et Talaky Be ont déjà permis de capter des financements dépassant les 110 millions de dollars depuis janvier 2024.
L’objectif principal est d’atteindre l’autosuffisance alimentaire, notamment en riz. Pour 2024, 100 000 hectares de terres devraient être exploitées et les rendements du riz devraient augmenter de 10 à 15%. Dans les cinq prochaines années, les importations de riz devraient se réduire drastiquement. « L’agriculture est également liée à la promotion de l’élevage, comme l’amélioration de la progéniture des bovins, l’élevage de vaches laitières et l’élevage de bovins à grande vitesse », a aussi expliqué le MINAE.
On sait en outre que l’amélioration de l’irrigation et de la production rizicole fait partie des prochaines étapes des réalisations publiques dans le domaine agricole. Plus de soixante-trois travaux ont déjà été achevés, permettant l’irrigation de plus de 30 900 hectares. De nouvelles variétés de riz, adaptées aux changements climatiques, ont été introduites pour augmenter la productivité. Des partenariats avec des pays comme la Corée du Sud sont en place pour améliorer les techniques de production.
Parallèlement, la facilitation de l’accès aux intrants agricoles a été assurée, avec plus de cent dix-huit mille kits distribués et des accords conclus pour la mise en place d’usines d’engrais biologiques et chimiques.
En mode recensement
Dans le cadre de la promotion de l’élevage et de l’accès au marché, les mesures prises visent à améliorer les infrastructures et les abattoirs, ainsi qu’à renforcer les exportations et établir des zones d’émergence agricole. Mais le MINAE constate aussi qu’en parallèle de ces avancées, le pays est confronté à un défi majeur avec la prolifération des ravageurs agricoles, en particulier les acridiens. Ainsi, un renforcement de la collaboration avec des partenaires internationaux est au programme pour lutter de subsistance des agriculteurs.
À savoir également qu’un programme dénommé « Recensement Général de l’Agriculture et de l’Élevage » est en cours. Selon les explications fournies, il s’agit d’opérations de « dénombrement » des ménages dans les 23 régions de Madagascar. L’objectif de ce recensement est de constituer une base de données pour sélectionner les ménages à enquêter et évaluer les rendements agricoles.
Les opérations se déroulent dans huit cent quatre-vingt-quatre communes à travers Madagascar au cours du mois de juin. Un total de cinq cent soixante-huit techniciens du ministère de l’Agriculture et de l’Élevage, ainsi que de l’Instat, sont impliqués dans ce programme. Parmi eux, cinq cent quinze effectuent le dénombrement sous la supervision de quarante-six superviseurs, tandis que sept autres techniciens supervisent les opérations de manière dématérialisée.
« Le Recensement Général de l’Agriculture vise à actualiser les statistiques agricoles. Afin de garantir une collecte de données précises, une formation régionale a été organisée pour les équipes. Cette formation portait sur la conduite des enquêtes, les entretiens, ainsi que sur l’utilisation des outils nécessaires tels que les tablettes et les cartes ZD (Zone de Dénombrement). Il est important de souligner que le financement du RGA provient de la Banque mondiale, dans le cadre du projet Statcap II, sous la supervision de l’Instat », a-t-on également rapporté.
Pour les responsables, les différentes initiatives menées pour matérialiser la stratégie agricole du pays accordent un intérêt prioritaire à l’innovation. « Le MINAE reste déterminé à mettre en œuvre des solutions innovantes et à renforcer la résilience du secteur agricole de Madagascar, assurant ainsi un avenir durable pour ses citoyens et son économie », a souligné le ministre Suzelin Ratohiarijaona. Ce dernier a indiqué que les réflexions menées sur l’adaptation dans les systèmes agricoles, basées sur les modélisations du Potsdam-Institut für Klimafolgenforschung (PIK), s’inscrivent également dans cette perspective. Rappelons qu’un atelier sur ce thème a été organisé à Antananarivo le jeudi 30 mai 2024 par le projet global « Systèmes agricoles durables et politique agricole » (AgSys) et le projet « Promotion et Adaptation des chaînes de valeur agricoles au changement climatique » (PrAda 2).
Pour une agriculture mécanisée
Un autre grand défi partagé est la mécanisation du système agricole malgache. Les responsables publics et les techniciens sont unanimes : la Grande île doit accélérer dans le domaine de l’agriculture mécanisée pour accroître le poids économique de son secteur primaire et répondre au besoin croissant de la population en produits agroalimentaires. « Pour augmenter la productivité et la rentabilité, les acteurs du monde rural doivent pouvoir utiliser des équipements modernes », a-t-on souligné.
Dans ce cadre, des efforts sont déployés pour doter les agriculteurs de moyens innovants et mécanisés. À titre d’exemple, le MINAE mentionne le programme de mise à disposition, sous forme de vente, location ou leasing, d’une centaine de batteuses-vanneuses motorisées, de faucheuses automotrices, de mini-moissonneuses-batteuses, de repiqueuses et de sarcleuses motorisées à raison de deux par région dans les pôles rizicoles, ainsi que des décortiqueuses modernes avec trieur et gradateur. Des rizeries combinées seront par ailleurs mises en place dans seize pôles rizicoles.
Il est à noter que depuis 2017, le Centre de Formation et d’Application du Machinisme Agricole (CFAMA), en collaboration avec le ministère de tutelle, organise la Foire de la Mécanisation Agricole à Antsirabe. Cette manifestation met en lumière le rôle de la mécanisation agricole dans l’émergence harmonieuse du monde rural. La dernière édition de cet événement a permis de cerner les besoins du pays en matière d’agriculture mécanisée et de constater que la force humaine représente encore la principale source d’énergie pour les travaux agricoles dans le pays.
Selon les dernières données disponibles, près de 33% des exploitations agricoles à Madagascar utilisent des charrues à bœufs et 28,8% une herse à bœufs. Bêches, pelles, charrues, herses, sarcleuses et charrettes restent les équipements les plus courants. En ce qui concerne la vente de tracteurs, il est capital de renverser la tendance : trois cent cinquante tracteurs de 60 à 80 CV étaient vendus annuellement dans les années 1970, contre à peine cent tracteurs par an au cours des dernières années.
 |
| Madagascar mise sur la promotion d’agripreunariat jeune. |
Des partenariats à développer
Pour rattraper son retard, Madagascar mise notamment sur ses pays partenaires, à l’instar de la Chine qui a fait don d’une transplanteuse de riz. « La modernisation du secteur agricole ainsi que la mécanisation agricole font partie des stratégies adoptées par l’État malagasy pour atteindre l’autosuffisance alimentaire et l’autonomie rizicole en 2024 », a-t-on indiqué à l’occasion de la remise de ce matériel.
Il a également été souligné que dans le cadre de la mécanisation agricole, le MINAE a déjà élaboré sa stratégie. Plusieurs actions ont été menées à cet effet, telles que l’acquisition de tracteurs, des démonstrations d’utilisation de machines agricoles comme la faucheuse mécanisée et la repiqueuse motorisée avec le projet Papriz, ainsi que des labours mécanisés des parcelles de producteurs dans le cadre des projets AD2M et Projermo. « L’utilisation de la transplanteuse de riz va permettre de réduire la main-d’œuvre agricole et d’améliorer le rendement du travail des riziculteurs. Cette dotation de la Chine n’est que la première étape d’une coopération ambitieuse en matière de mécanisation agricole », a-t-on fait savoir.
Notons par ailleurs que Madagascar dispose aujourd’hui d’une offre plus étoffée en matière de formation en mécanisation agricole. Depuis 2016, l’université annexe d’Antananarivo, en partenariat avec le CFAMA, propose un cycle de Master en Machinisme agricole. On constate également que de plus en plus de centres de formation privés enseignent l’agriculture mécanisée. Il est également connu que le pays bénéficie de l’appui de quelques universités étrangères, dont l’université de Bogor en Indonésie et l’université de Kobe au Japon, pour ce qui est du domaine de l’équipement technique et technologique. À noter enfin que le centre de recherche FOFIFA est appelé à s’impliquer davantage dans la modernisation des pratiques agricoles en multipliant les initiatives, comme celle réalisée avec Formaprod en partenariat avec la société 4F, dans l’expérimentation sur la motorisation du repiquage de riz par la pratique des pépinières en mottes.
ADAPTATION AGRICOLE
Réalisation de travaux de modélisation
 |
| Des retards à rattraper dans la mécanisation agricole. |
Un atelier de réflexion sur l’adaptation des systèmes agricoles, basé sur les modélisations du Potsdam-Institut für Klimafolgenforschung (PIK), a récemment été organisé par les projets globaux « Systèmes agricoles durables et politique agricole » (AgSys) ainsi que par le projet « Promotion et Adaptation des chaînes de valeur agricoles au changement climatique » (PrAda 2). Cet événement a permis de présenter les résultats des modélisations réalisées par le PIK, d’expliquer leur développement et d’engager une réflexion sur les réponses à apporter aux défis du changement climatique.
En effet, à Madagascar, où l’agriculture assure les moyens de subsistance d’une grande partie de la population, le pays figure parmi les plus vulnérables au changement climatique. Les acteurs clés du secteur agricole au niveau national ont souvent une connaissance limitée quant à la mise en œuvre d’activités d’adaptation au changement climatique adaptées au contexte national et régional.
Les modélisations ont été effectuées dans le but de développer une « étude de justification climatique », mettant en lumière les changements climatiques à venir et leur impact sur différentes cultures. Ces modélisations ont porté sur les cultures vivrières telles que le maïs et le riz, ainsi que sur certaines cultures des chaînes de valeur du projet PrAda 2 comme le café et l'arachide, dans trois régions de Madagascar : Atsimo Atsinanana, Anosy et Androy. Elles ont permis de mettre en évidence les effets du changement climatique sur les rendements agricoles et de développer des stratégies adaptées au contexte local.
VERBATIM
Suzelin Ratohiarijaona, ministre de l’Agriculture et de l’Élevage
« Reconnaissant le rôle crucial des jeunes dans le développement agricole, le MINAE a adopté une stratégie qui encourage activement l’installation de jeunes agripreneurs à travers des projets tels que les "titres verts". En collaboration avec divers partenaires, le ministère vise à installer plus de vingt mille jeunes dans des initiatives agricoles d’ici 2028. Nous allons aussi promouvoir l’agrobusiness à grande échelle ».
Issa Sanogo, coordonnateur résident des Nations unies à Madagascar
« L’agriculture et l’élevage constituent des secteurs importants permettant d’assurer un développement durable tout en accélérant la réalisation de la sécurité alimentaire. C’est pourquoi nous soutenons activement le développement de l’agriculture et la transformation des systèmes alimentaires à Madagascar ».
LE SECTEUR AGRICOLE EN CHIFFRES
L'Express de Madagascar