Soixante-douze heures après le scrutin, aucun résultat des six arrondissements de la capitale n’a été publié par la Ceni. C’est ainsi depuis les élections présidentielles de 2013 et de 2018. Aucune explication valable n’a été fournie à l’époque pour justifier ce retard qui s’était étendu en une dizaine de jours. C’est d’autant plus incompréhensible que d’autres résultats venant de contrées lointaines sont déjà parvenus et publiés par la Ceni. À croire que le recours aux nouvelles technologies n’a pas servi à grand-chose. N’allez pas avancer que l’état des routes nationales ne permet pas d’acheminer à temps les résultats de la capitale.
En 1982, lors de la présidentielle entre Didier Ratsiraka et Monja Jaona, de même que lors de la présidentielle de 1989 entre Didier Ratsiraka et Manandafy Rakotonirina, les résultats des six arrondissements de la capitale étaient publiés avant minuit par le ministère de l’Intérieur. À l’arrivée, Ratsiraka l’emportait toujours avec 51 % des voix.
Quel recul en quarante ans. À moins qu’à l’époque les résultats étaient prêts avant même la tenue du vote. Ce qui n’est pas à écarter. C’est en tout cas le meilleur moyen pour trafiquer les résultats au lieu de se compliquer la vie avec les histoires de bourrage d’urnes, d’envoi de contingents militaires dans les bureaux de vote... Des procédés fastidieux et peu efficaces qui n’ont aucune influence sur le vote, étant donné qu’il faut bourrer des milliers d’urnes et envoyer des milliers de soldats pour renverser la tendance.
On a créé la Ceni justement pour organiser des élections irréprochables aussi bien avant, pendant qu’après le scrutin. Visiblement ce n’est pas le cas. Si la Ceni est incapable de publier les résultats des six arrondissements de la capitale dans la nuit suivant le scrutin ou au plus tard le lendemain, quelle crédibilité peut-on accorder au reste des résultats ? Déjà que la neutralité et l’indépendance de la Ceni sont sujettes à caution.
Tout retard pris dans la publication des résultats est source de suspicion, de tension, et de diverses interprétations. C’est d’autant plus vrai si les chiffres publiés par la Ceni sont différents de ceux constatés par les délégués des candidats durant le dépouillement public des voix, ou de ceux publiés sur les réseaux sociaux par les candidats ou de ceux notés dans les procès-verbaux.
L’atmosphère est déjà tendue entre les camps des candidats. Il suffit d’une bavure pour que la situation barde. On en a eu un aperçu sur ce qui peut se passer avec la mise à feu des bureaux de la commission électorale à Tsihombe. Un incident qui pourrait faire tâche d’huile si on ne fait pas attention. Plus les résultats tardent, plus la tension monte et plus les risques d’affrontements sont élevés.
Pour éviter le pire, il n’y a pas d’autres solutions que la publication des résultats dans les meilleurs délais. Du moins pour les districts se trouvant à proximité de la Ceni. Pour ceux qui sont loin, on a déjà choisi de comprendre avec l’état des routes. Est-ce trop demander ?
Sylvain Ranjalahy