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| Visite d’une unité de production d’huiles essentielles de girofle par le ministre Edgard Razafindravahy. |
Madagascar est de plus en plus souvent appelé à l'étranger l'île des huiles essentielles. Mais le pays compte encore accroitre sa part de marché tout en cherchant à mieux rémunérer les paysans et moderniser les techniques de traitement des plantes.
L’endémicité évaluée à 80% et les vertus thérapeutiques des plantes malgaches fait de sa filière huiles essentielles l'un des secteurs économiques les plus rentables. Le pays est riche de soixante-et-onze espèces de plantes aromatiques, dont trente sont endémiques. À savoir que l’on distingue deux grandes catégories d’huiles essentielles. La première regroupe les produits traditionnels qui proviennent des anciennes exploitations coloniales tels que le girofle, l’ylang-ylang ou encore le poivre. La seconde catégorie concerne les nouveaux produits qui sont des espèces introduites dans le pays ou endémiques et qui ont fait leur apparition vers les années 1980. Il s’agit entre autres du ravintsara, du niaouli ou du gingembre.
« La majorité des plantes aromatiques et médicinales existants sont des plantes endémiques de Madagascar. Sur les vingt-cinq espèces de plantes mises en exploitation, on en dénombre onze espèces destinées à la collecte, quatorze sont cultivés et 95% de la production est destinée à l’exportation », précise Hantasoa Raveloson, qui gère une entreprise exportatrice d’huile essentielle de ravintsara depuis plus de 5 ans. Autre constat : les sites de production sont souvent situés près des plantations des matières premières afin de minimiser les frais. À titre d’exemple : la cannelle se retrouve à Toamasina, Mananjary, Maroantsetra tandis que le géranium est retrouvé à Antananarivo qui possède un sol ferralitique.
Avec une demande sur le marché mondiale qui ne cesse de croître, Madagascar écoule plus de 90% de sa production à l’international. Selon la société Floribis, Madagascar dispose des ressources naturelles considérables pour exploiter durablement la filière des huiles essentielles. « Ajouter à cela la forte demande en huiles essentielles pour l’agroalimentaire ou encore le cosmétique ainsi que le soutien de plusieurs organismes pour le développement de cette filière, l’huile essentielle est aujourd’hui en seconde place dans l’exportation de Madagascar vers l’Inde ».
Mais cette forte demande n'est pas toujours synonyme de développement pour les producteurs à la base de la chaîne de production. Souvent déconnectés des marchés et manquant d'infrastructures, ils ne sont pas toujours rémunérés à leur juste valeur. Ce sont les sociétés d’exportation qui captent la grande partie de la plus-value sur les huiles essentielles. « À Madagascar, les sociétés d'exportations influent grandement sur la fixation des prix. Pour subvenir à leurs besoins, et toucher rapidement un peu d'argent, les paysans bradent le produit de leurs efforts », reconnait un cadre d’une grande entreprise exportatrice. Mais ce dernier ajoute que cette tendance est en train de s’inverser car les principaux acteurs de la filière ont choisi de mener une politique de développement durable de la filière pour, notamment, rassurer leurs clients internationaux.
Mieux rémunérer les paysans
Actuellement, à Madagascar, le paysan-récolteur s’occupe de la récolte de plantes aromatiques. Il revend la masse verte aux sociétés pour moins de 0,50 euro le kilo. Ce prix incite le paysan à collecter au maximum dans l’espoir d’augmenter son revenu. Mais il lui est difficile de récolter plus de 200kg par mois. Le paysan-producteur, lui, exerce une activité plus rémunératrice. Il ne se limite pas à la récolte, mais s’attaque aussi à l’extraction et la commercialisation à petite échelle des huiles essentielles. On l’appelle aussi « petit producteur ». Contrairement au récolteur, les plantes aromatiques peuvent représenter sa source principale de revenu. Il peut gagner mensuellement jusqu’à plus de 30 euros.
Le paysan-planteur est, pour sa part, salarié auprès d’exploitants privés. Il cultive les plantes aromatiques pour un revenu de 30 à 35 euros, qui s’ajoutent à son activité principale. Ce système pourrait avoir un impact positif sur leurs développements, car il permet au paysan-planteur d'acquérir suffisamment de savoir pour développer sa propre exploitation. Toutefois, faute de ressources financières, il reste souvent salarié. Dans tous les cas, les observateurs estiment que la politique de prix appliquée par les exportateurs qui peut gagner jusqu’à 300 euros sur chaque litre d'huile essentielle doit être révisée afin de mettre un terme au cercle vicieux de la pauvreté pour les paysans.
À constater en outre qu'aujourd’hui, le traitement traditionnel des oléagineux est complété ou totalement remplacé par de nouvelles techniques permettant de faciliter leur transformation. Des organisations non gouvernementales accompagnent les paysans dans ce sens à l'instar de l'association Cœur de Forêt qui apporte les équipements et dispense des formations pour appuyer les producteurs locaux et faciliter la production d’huiles végétales.
En 2022, le projet DESIRA-Makis, mené en partenariat avec le centre de recherche Cirad, a été aussi lancé pour inciter et soutenir les innovations agricoles dans les petites exploitations familiales. Dans la continuité du travail mené sur la production d’huiles essentielles, un volet est dédié à l’amélioration de la fabrication d’huile de feuille de girofle. Dernièrement, les équipes ont réalisé une enquête pour poser les jalons de cette action. Cette première étape vise à mieux comprendre les pratiques paysannes de distillation et à faire émerger des solutions pour réduire l’utilisation du bois-énergie, nécessaire au fonctionnement des distillateurs mais source de déforestation.
En janvier 2024, six facilitateurs ont été formés à Antananarivo sur l’organisation de partenariats multi-acteurs, la gestion des différends et l’engagement des parties prenantes. Ils joueront un rôle clé dans l’amélioration des modèles d’accompagnement et de co-construction de l’innovation. Grâce à ce nouveau projet, une démarche participative se met en place, stimulant l’expérimentation et l’innovation au sein des communautés agricoles de la côte est. Les années à venir promettent des avancées significatives, non seulement dans la production plus durable d’huiles essentielles mais également dans les dynamiques de création et diffusion des innovations agricoles avec et auprès des communautés paysannes de Madagascar.
Lancement d'une plateforme dédiée
Pour gagner plus de part de marché, Madagascar mise aussi sur la plateforme baptisée « Huiles Essentielles de A à Z » lancé officiellement le 24 mai dernier à Antananarivo en présence du ministre de l’Environnement et du Développement durable, Max Andonirina Fontaine, du country manager représentant résident de la Banque mondiale à Madagascar, Atou Seck, et du chef de coopération de l'Union européenne, Arnaud Borchard.
Mise en place grâce au partenariat avec la Banque mondiale, et avec le soutien de l’Union européenne, cette plateforme est le fruit d’une collaboration entre le secteur privé et l'État. Plusieurs départements ministériels ont ainsi répondu présents à ce lancement, dont le ministère de l’Industrialisation et du Commerce, représenté par le conseiller, Christian Rasoamanana, le ministère de l’Économie et des Finances, ainsi que l'Economic development board of Madagascar (EDBM).
Côté secteur privé, le Groupement des Exportateurs d’huiles essentielles, extraits et oléorésines de Madagascar (GEHEM) était représenté par son président, Andrandraina Rasolonjatovo. Lors de son allocution, il a exprimé les remerciements du groupement et de ses membres pour l'aboutissement de cette plateforme, un outil concret répondant aux attentes des acteurs du secteur. De nombreuses entreprises opérant dans la filière, qu’il s’agisse de production, de commercialisation ou d’exportation, ont également participé à l’événement.
Lors des différentes interventions, l'importance de l'accès aux informations fiables et actualisées sur la filière pour les acteurs de la chaîne de valeur ainsi que le potentiel de développement du secteur ont été soulignés. Le chef de coopération de la délégation de l’Union européenne a également souligné la nécessité de hausser le volume d'exportation. En outre, les intervenants ont mis en lumière les opportunités d'industrialisation pouvant résulter à la création potentielle de milliers d'emplois, ainsi que la forte demande pour les produits sur les marchés européen et américain, ouvrant ainsi des perspectives prometteuses pour les exportations.
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| Madagascar est de plus en plus souvent appelé à l’étranger l’île des huiles essentielles. |
Dialogue renforcé avec le privé
Hébergée par l'EDBM, cette plateforme est destinée à tous les acteurs de la filière, "de la plante au flacon", et simplifie l'accès à des informations cruciales telles que les différentes procédures ou encore les actualités sectorielles. À l’issue du lancement, une feuille de route en vue de faciliter les formalités et les procédures devrait être introduite afin d’appuyer la compétitivité de la filière, une initiative qui nécessiterait des dialogues public-privé (DPP) que l’EDBM est appelé à coordonner.
À savoir également que dans le cadre de l'amélioration de l'environnement des affaires, avec l’appui du programme CLIM-INVEST, on a organisé à l’issue de cinq sessions préparatoires, des rencontres au mois de mars 2024, centrées sur la filière "Huiles Essentielles et Extraits" dans la Région Haute-Matsiatra. L’initiative a réuni un éventail de participants représentant le secteur public tels que la Région Haute Matsiatra, la Commune Urbaine de Fianarantsoa mais aussi des représentants de ministères. Le secteur privé a été représenté par la Plateforme de Concertation et d’Appui à la Filière Huiles Essentielles (PCAF), le Fivondronan’ny Mpandraharaha Malagasy (FIVMPAMA), Entreprendre au Féminin de l’océan Indien (EFOI), la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) et le Groupement des exportateurs des huiles essentielles (GEHEM).
À l’issue des échanges, un plan d'actions prioritaires a été élaboré et validé, comprenant notamment l'amélioration de la coordination, de la commercialisation et de la fiscalité, ainsi que le renforcement de la formalisation du secteur informel dans la filière huiles essentielles. Un comité de suivi a été galement mis en place pour suivre la mise en œuvre du plan d'actions avec une fréquence de réunion trimestrielle.
Recherches scientifiques
Appelées à booster la filière
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| Lancement de la plateforme en ligne « Huiles Essentielles de A à Z» le 24 mai 2024. |
La Chambre de commerce et d'industrie d'Antananarivo (CCIA) a signé, en 2023, une convention avec la Faculté des Sciences d’Antananarivo qui a pour but de mettre en relation la recherche scientifique et le secteur privé. Ce, pour la mise en valeur des résultats des recherches et pour arrimer ces derniers aux besoins du secteur privé. Une première étape de cette convention a été effectuée suite à la visite des laboratoires de recherches de la Faculté des Sciences par la filière huiles essentielles, qui a vu la participation des représentants du GEHEM.
La délégation des représentants de la filière huiles essentielles a été dirigée par son président ainsi que le représentant du Syndicat malagasy de l'agriculture biologique (Symabio). « Cette visite s'est avérée fructueuse, dévoilant des capacités d'analyse des produits pouvant être traités localement à Madagascar. Cela représente une avancée significative, car, les entreprises sont contraintes d'envoyer leurs échantillons à des laboratoires à l'étranger, principalement dans les pays voisins et même en Europe », a rapporté la CCIA. Cette dernière qui a aussi fait savoir qu'elle organisera prochainement une rencontre entre des chercheurs et des opérateurs en huiles essentielles pour discuter des possibilités de coopération à établir et recenser les problèmes rencontrés sur le terrain pour qu’ils soient traités au niveau académique.
« Pour consolider sa place au niveau mondial, la filière huiles essentielles doit monter en qualité, se diversifier et se doter d'une chaîne de valeur plus compétitive et durable. Raison pour laquelle ce rapprochement avec les laboratoires de recherches de la Faculté des Sciences revêt un sens stratégique, selon l'un des entrepreneurs qui ont participé à la visite », a-t-on aussi fait savoir.
VERBATIM
Josielle Rafidy, directrice générale de l’EDBM
« Pour la préparation de l’avant-projet de loi relative à l’Accès et partages des avantages (APA) des ressources génétiques et connaissances traditionnelles, une réunion du Dialogue Public-Privé s’est tenue à l’initiative du Groupement des exportateurs d’huiles essentielles de Madagascar (GEHEM) via le FIVMPAMA, cette rencontre visait à améliorer la version initiale de l’avant-projet de loi APA ».
Andrandraina Rasolonjatovo, président du GEHEM
« La filière huiles essentielles est devenue l’un des piliers de l’économie verte au service du développement durable du pays. La filière a généré plus de 18 millions de dollars pour l’État en 2023, soit le triple d’il y a seulement quatre ans. Les prévisions du GEHEM indiquent, d’ailleurs, une projection de 64 millions de dollars d’ici 2030 ».
LA FILIERE HUILES ESSENTIELLES EN CHIFFRES
L'Express de Madagascar