L’approche environnementale d’aujourd’hui peut nous éclairer sur l’histoire ancienne et le mode de vie des Tompontany», indiquent l’historienne Ramisandrazana Rakotoariseheno et son confrère Socrate Ranaivoson dans leur étude sur les premiers migrants Tompontany. La disparition des grands animaux (« vorompatra, lalomena »), expliquent-ils, est due en partie aux besoins alimentaires. D’ailleurs, ajoutent-ils, l’exploitation et la valorisation des ressources naturelles garantissent la survie des communautés autochtones et font l’objet actuellement de l’ethnobotanique.
Jusqu’à présent, les tubercules sauvages (« oviala, babo, sosa, fangitsy ») et le miel sont des complémentations alimentaires humaines qui aident les ruraux à surmonter la période de disette, offertes aussi bien par la forêt dense sèche du Sud et du Sud- ouest que dans la forêt dense humide de l’Est.
L’utilisation du ficus est le propre de, pratiquement, toutes les sociétés malgaches, d’abord en tant qu’arbre fruitier, mais surtout pour ses vertus thérapeutiques (Verohanitra Rafidison ). La plante est utilisée pour soigner les maux de ventre et les maladies de la peau ainsi que pour faciliter l’accouchement. L’ethno-botanique menée par la scientifique, nous éclaire davantage sur le rôle des ficus à travers les millénaires.
La prise de possession des Tompontany s’accompagne de l’organisation spatiale du terroir et du territoire et l’affectation des parcelles (village, enclos à bœufs, champs, pâturages) qui caractérisent la mise en place d’un système de production. En outre, « l’organisation de l’espace n’est autre que l’organisation sociale gravée sur le territoire ». Les limites des terroirs anciens semblent être faites de ficus. Ainsi en est-il de « l’adabo ». Chaque groupe statutaire a son ficus symbole. Aussi, plantent-ils des figuiers pour marquer, symboliser et sacraliser leurs territoires, précise la scientifique.
Les plus grands arbres sont porteurs d’humidité et signes de bonne terre, de miel (Bera et Berni). Multifonctionnels, les figuiers se trouvent à la fois dans les espaces agricoles et forestiers anthropisés, affirme Verohanitra Rafidison. Et ce, par l’intermédiaire des activités quotidiennes des populations (agriculture, élevage, extractivisme) et de son rôle social et identitaire.
Les contraintes diverses liées à la survie donnent naissance à une logique comportementale qui régit la vie des groupes humains. Aussi, l’entrée en symbiose identitaire avec l’espace-ressource peut-elle prendre différentes formes, précisent les deux auteurs de l’ «Atlas provisoire des Tompontany malagasy avant le XVe siècle ». Les traditions de certains groupes font toujours référence à leur animalité ancestrale comme les sirènes et les crocodiles dans les zones proches des lacs et rivières et les hérissons dans les forêts, signalent-ils. Des arbres et des animaux seraient dotés d’une puissance magique et bénéfique pour les êtres humains.
Concernant les arbres, les plus cités sont l’ « aviavy » (Ficus trichopoda) et le « hazomanga» (bois bleu). En pays Betsileo, le « hazomanga» est une sorte d’amulette en forme d’un bâton en bois de « Ravensara aromatica» (Lauraceae) de 10 cm de long. Ils sont destinés à protéger le lignage ou la famille. S’il y a violation de tabou, le fautif doit se purifier en buvant l’eau contenant une pièce d’argent et le mélange de petits copeaux de «hazomanga» et d’ «aviavy», note V. Rafidison. Le «hazomanga» est aussi utilisé dans les serments de fraternité par le sang «fatidra» et dans le «hazary» qui est une aspersion d’eau pratiquée sur la famille ou sur le troupeau de zébus pour assurer la prospérité et la santé, explique toujours V. Rafidison.
Le ficus est au centre de l’entrée du village, en symbiose des groupes humains avec leur environnement. Les arbres du genre ficus sont dotés de pouvoirs magiques supérieurs, qui permettent de les considérer comme le symbole de la royauté (« amontana : Ficus lutea » et « nonoka : Ficus reflexa ») dont la puissance et la supériorité sont en analogie avec leur capacité à croître dans des milieux hostiles et à la puissance de leur enracinement. La plantation de ces types d’arbre est une prérogative des groupes statutaires andriana. Le nombre de branches d’un « nonoka » représente le nombre de rois et de ses descendants qui peuvent encore régner sur le lieu (V. Rafidison).
Pela Ravalitera