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| Le tsiperifery est facilement reconnaissable à sa petite queue. |
Il pousse sur des lianes dans la canopée des forêts naturelles. Selon les spécialistes, les qualités gustatives du voatsiperifery, appelé aussi poivre sauvage blanc de Madagascar, sont exceptionnelles, ce qui a provoqué un boom de la demande ces dernières années.
La plante est assez facilement reconnaissable à sa petite queue. Cette variété de poivre (Piper borbonense) pousse à l’état sauvage, notamment dans la forêt tropicale du Sud-est de Madagascar. La couleur du poivre est rouge et peut varier en fonction de la durée et du type de séchage post-récolte. Voatsiperifery est la contraction, en malgache, de « voa » qui signifie fruit et de «tsiperifery» qui signifie « qui fait que les plaies n’existent pas ». Ce nom est issu de l’usage médicinal de cette plante pour cicatriser les plaies et désigne la baie elle-même, alors que tsiperifery est le nom donné à la plante. De la famille des pipéracées, c’est un cousin du poivre noir (Piper nigrum). Jusqu’ici, le tsiperifery n’a pas encore de nom scientifique valide.
La demande mondiale de voatsiperifery n’a cessé de croître depuis la décennie précédente. Considéré comme l'un des meilleurs poivres au monde, il possède un goût d’une subtilité rare, avec plus de saveurs et de senteurs et moins de piquant que les autres poivres. Une fois séchées, les baies produisent des arômes à la fois boisés, terreux et fruités ; fraîches, ses saveurs et senteurs sont encore plus équilibrées. Le voatsiperifery est présenté comme « l’illustration parfaite des services écosystémiques dits culturels que fournissent les forêts naturelles de Madagascar et leur biodiversité ». À noter également que sa cueillette difficile n’empêche pas sa surexploitation avec des techniques impactantes pour la forêt. C'est pourquoi des programmes menés par le Centre national de recherche appliquée au développement rural (Fofifa) et le Cirad, avec des cueilleurs, ont pour but de cultiver cette liane.
Bien que le voatsiperifery ne contribue pas à la sécurité alimentaire, Harizoly Razafimandimby, Maître de Recherche en Gestion des Ressources Naturelles et Développement au Fofifa, a soutenu qu'en plus de fournir un plaisir gustatif à des gastronomes du monde entier, il constitue une raison de plus d’investir dans la conservation de la biodiversité. Sa cueillette constitue également une source de revenus pour les paysans vivant en lisière de forêts, notamment pendant la période de soudure, entre deux récoltes, où les ressources alimentaires sont rares. « Il est aussi le parfait ambassadeur de Madagascar. C’est la seule épice exportée qui soit endémique de la Grande île », a-t-il ajouté.
Exploité de façon traditionnelle
À noter que les premières références écrites à la liane de tsiperifery remontent à l’époque coloniale. Des écrits du XIXe siècle et du début du XXe siècle décrivent un poivre rond utilisé localement à des fins médicinales, pour soigner des maladies vénériennes, des coliques et pour noircir les dents. Des spécimens collectés par les premiers explorateurs européens sont conservés au Muséum national d’histoire naturelle de Paris.
Les populations riveraines des forêts exploitent et utilisent de façon traditionnelle le tsiperifery pour ses valeurs culinaires, médicinales, mais aussi culturelles et spirituelles. Les feuilles sont utilisées dans des rites pour se protéger de la foudre et empêcher la pluie de tomber. Les tiges et racines sont préparées dans des tisanes contre les mauvais sorts. En plus d’être un bon cicatrisant, il est utilisé pour soigner des maladies respiratoires, vénériennes, dermatologiques et les troubles sexuels.
Les qualités spécifiques du tsiperifery ont été découvertes il y a une quinzaine d’années par deux « découvreurs d’épices », Olivier Roellinger et Gérard Vives. À partir de 2010, la demande a connu une hausse importante. L’exploitation de cette ressource s’appuie sur les circuits de collecte existants : les cueilleurs s’enfoncent en forêt et vendent des baies fraîches à des collecteurs. Ces derniers collectent tout type de produit forestier et les revendent à des opérateurs économiques qui assurent la transformation, l’ensachage et l’exportation (plus de 300 tonnes par an). Ces derniers capturent l’essentiel de la rente de la chaîne de valeur. Mais la cueillette de ce poivre sauvage est difficile.
En forêt naturelle, les lianes fructifient très haut dans la canopée. Arracher la liane fructifère, voire abattre l’arbre qui lui sert de tuteur est alors la solution la plus simple.
À peine découvert, le poivre sauvage se voit déjà menacé de disparition et contribue à la destruction de son habitat. Des chercheurs malgaches et français initient plusieurs programmes de recherche interdisciplinaires pour acquérir rapidement les connaissances permettant d’accompagner le développement de la filière d’exportation du tsiperifery.
Ces recherches portent sur la biologie et l’écologie des lianes, sur son aire de distribution, l’économie de leur chaîne de valeur et sur la chimie de leur transformation. Elles aboutissent à la production de guides de bonnes pratiques pour la culture et la transformation du tsiperifery. À l’instar d’autres produits forestiers non ligneux (PFNL) comme les champignons, certaines écorces ou le miel, les retombées de l’exploitation du tsiperifery devraient bénéficier davantage aux populations riveraines de forêts. C’est en tout cas le principe à l’origine du protocole de Nagoya, qui traite notamment du partage juste et équitable des résultats de recherches ou financiers liés à l’exploitation des ressources.
Dans les forêts malgaches, les PFNL sont traditionnellement en accès libre, donc rapidement surexploités. Et toute forme de régulation étatique est considérée comme difficile. Les instruments de régulation des filières comme la certification butent sur le vide juridique qui encadre la collecte de produits sauvages en forêt. Les travaux de recherche en cours visent à sortir de ce paradigme en accélérant le processus de domestication du tsiperifery, à l’instar de ses cousins pipers. Des lianes cultivées sont susceptibles d’être considérées comme des ressources privées ou associatives, protégées par ceux qui les exploitent. Cette promesse plausible a servi de principe d’action à deux programmes de recherche concertée menés par le Cirad et le Fofifa en concertation avec quatre villages de cueilleurs de voatsiperifery.
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| Le voatsiperifery est très prisé des gastronomes. |
Le tsiperifery a changé de statut…
Dans deux d’entre eux, la concurrence avec d’autres cultures plus lucratives – la vanille et les fruits de la passion – a conduit à un abandon de la tentative de domestication. Dans les deux autres, les recherches ont permis de maîtriser les premières étapes de multiplication par bouturage et germination.
Les premières enquêtes conduites après la replantation de lianes en forêt mettent en évidence une hausse sensible de la densité en lianes de tsiperifery, y compris dans des zones hors plantation. Les riverains de la forêt ont donc abandonné l’arrachage des lianes, en replantant et opérant une surveillance des parcelles forestières qui les abritent. Le tsiperifery a ainsi changé de statut.
De liane sauvage en libre accès, il est devenu un argument en faveur de la conservation de la forêt.
Mais les scientifiques estiment que le chemin vers la domestication du poivre sauvage est long. Il faut à présent investir dans des aspects agronomiques comme la fertilisation, la sélection variétale et la protection des cultures. Au niveau de la filière, les paysans ne cultiveront du tsiperifery que s’ils sont convaincus de pouvoir écouler leurs produits à un prix acceptable. Une évolution des relations entre amont et aval de la filière semble nécessaire à cet égard.
Pour les gastronomes, ce poivre au goût atypique avec des notes d’agrumes est un « cadeau du ciel ». Il se marie idéalement dans les salades de fruits. De même, il peut être utilisé dans des ganaches ou simplement avec des fraises et un peu de sirop d’agave. Concernant le salé, on l’utilise dans des entrées ou avec du poisson, des viandes ou de la charcuterie. Pour les utilisations générales, il s’utilise en poivre de table avec les moulins à épices manuels. Il s’associe bien avec le piment, les oignons et le gingembre frais.
Pour les desserts, les experts culinaires proposent une salade de fruits composée de bananes, pommes, citron vert et quelques fraises. En entrée, il apportera de la fraîcheur aux banquets. Il peut être utilisé dans un taboulé avec de la semoule et de l’huile d’olive. De même, pour les entrées, on l’utilise avec de la charcuterie. C’est pourquoi, on peut en parsemer sur les tranches de salami ou de bacon. Il sera aussi idéal parsemé sur du jambon accompagné d’une tranche de melon. Pour les plats, il est parfait avec une sauce aux poivres sur une viande rouge. On l’ajoute aussi sur des poissons blancs avec un peu de citron vert et une sauce à la crème.
Prix du voatsiperifery
Plusieurs critères pris en compte
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| Le Fofifa et le Cirad travaillent pour pérenniser la filière voatsiperifery. |
Les prix du voatsiperifery varient en fonction de plusieurs critères. Tout d’abord, la qualité, elle est déterminée par un grade 1, grade 2 ou grade 3.
Le premier grade étant la meilleure qualité possible. Pour la saisonnalité, les spécialistes soulignent que plus on sera éloigné de la saison de la récolte, plus le poivre sauvage sera rare, donc plus cher. En outre, les prix varient comme tout produit en fonction des frais de transport.
Pour le prix selon les grades, les revendeurs en France notent que le poivre sauvage grade 1 au kilo va de 80 à 150 € sur le marché. Le grade 2 commence à 35 € jusqu’à 75 €. Enfin le grade 3 n’est pas forcément d’une bonne qualité mais est très accessible. Il se vend de 25 à 35 €. Par ailleurs, concernant la saisonnalité, le voatsiperifery est récolté de juin à août puis séché 2 mois. C’est pourquoi, il est préférable de l’acheter de septembre à mai. Cela impacte aussi le prix dans la mesure où il se raréfie après la saison de récolte, ce qui influe également sur la qualité du produit.
Le plus souvent fermiers ou paysans, les cueilleurs n'ont pas l'organisation ni les infrastructures nécessaires à la transformation du poivre. C'est pourquoi ils vendent leur récolte sur les marchés locaux aux collecteurs. Le collecteur effectue un tri des baies de qualité selon ce qu'il recherche et prend en charge la transformation du poivre noir en poivre blanc ainsi que le séchage et le triage. Si l'on tient compte de sa cueillette dangereuse et éreintante, de la zone géographique restreinte et presque impraticable, on comprend bien pourquoi ce poivre appartient au cercle des poivres les plus rares au monde. En moyenne, les cueilleurs peuvent rapporter 5 kg par jour. Sachant qu'il faut à peu près 10 kg de baies récoltées pour obtenir 1 kg de poivre séché et qu'une liane ne peut produire des fruits qu'une année sur deux, le prix de ce poivre est tout à fait honnête.
À savoir enfin que les frais de transport jouent sur le prix. En effet, même avec des gros volumes, le prix d’expédition à partir de Madagascar est élevé. « Bien que le transit maritime soit censé être profitable pour les importateurs, celui-ci a considérablement augmenté depuis la crise de Covid-19 », a-t-on expliqué.
VERBATIM
Jérome Queste, coordonnateur de recherches au Cirad
« À Madagascar, le voatsiperifery est un poivre sauvage endémique qui suscite les convoitises et son exploitation s'accompagne d'une destruction de son milieu. Des chercheurs malgaches et français, dont nous faisons partie, initient plusieurs programmes de recherche interdisciplinaires pour acquérir, dans l’urgence, les connaissances permettant d’accompagner le développement de la filière d’exportation du tsiperifery ».
Le Pr Hanitra Andrianoelisoa, directeur de Département de recherche au Fofifa
« Il est important d’assurer la pérennité du poivre sauvage de Madagascar. Raison pour laquelle des initiatives ont été prises comme par exemple la formation des communautés locales de base résidant aux alentours des forêts à Anjozorobe qui sont regroupées au sein des coopératives, en matière de technique de collecte de tsiperifery. Ce qui permettra d’obtenir un rendement plus élevé ».
LE TSIPERIFERY EN CHIFFRES
L'Express de Madagascar