Le secteur minier représente plus de 30% des exportations malgaches. |
Après l’adoption du nouveau code minier, mais aussi d'autres initiatives telles que la nouvelle loi sur les investissements, la Grande île estime pouvoir accélérer la réalisation de sa stratégie pour un secteur minier plus responsable. Cette option est bien accueillie et soutenue par les partenaires techniques et financiers ainsi que par des pays amis tels que les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Union européenne ou encore le Canada.
Le secteur minier, en raison de son passé, ne jouit pas d'une excellente réputation.
En raison des impacts significatifs de l’exploitation minière sur l’environnement naturel et humain, celle-ci est souvent perçue comme ayant des conséquences sociales négatives, malgré les bénéfices que la société peut en retirer. Toutefois, des changements sont survenus ces dernières années et de nombreux observateurs estiment qu'il est désormais « réaliste » de parler de mines responsables et durables à Madagascar.
Les autorités de la Grande île soutiennent même que le pays progresse dans sa politique visant à mettre en place un secteur minier conforme aux objectifs de développement durable. De son côté, le cabinet international PwC souligne que l'industrie minière est un secteur clé pour certaines économies des pays d’Afrique subsaharienne, dont Madagascar. Elle représente une part importante des exportations et contribue de manière significative au PIB. Actuellement, le secteur minier représente 4% du PIB et 30% des recettes d’exportation, soit 600 millions de dollars. Le cabinet note également que la hausse mondiale des prix des matières premières, les besoins croissants en investissements et la découverte de ressources encore inexploitées ouvrent de nouvelles perspectives, mais incitent également les acteurs publics à accorder une attention accrue au concept de mines responsables.
Il convient de noter que la transition énergétique, visant à remplacer un système énergétique utilisant des énergies fossiles par un nouveau modèle axé sur les énergies renouvelables, implique un besoin accru de ressources minières, communément appelées minerais critiques (lithium, cobalt, manganèse, graphite, nickel, terres rares, cuivre et zinc). La transition vers une énergie décarbonée pourrait générer une demande d'ici 2050 pour 3 milliards de tonnes de minéraux et de métaux nécessaires au déploiement des infrastructures dites vertes. Les pressions se multiplient donc pour que l'extraction de ces matières indispensables au développement des technologies vertes, telles que les panneaux solaires et les batteries, se fasse de manière responsable.
Des filières à assainir
L'heure est donc aux initiatives visant à accélérer l'application du concept de mines responsables. Dans cette optique, dans le but d'améliorer les pratiques de l'exploitation minière locale, le Partenariat européen pour les minéraux responsables (EPRM) a lancé un appel à projets. Selon ses promoteurs, ce projet, destiné à améliorer les conditions au sein de l'exploitation minière artisanale et à petite échelle (ASM), est sur le point de générer des transformations positives sur les plans social, environnemental et économique pour les travailleurs des mines et les communautés minières locales.
Selon les explications fournies, l'appel à projets englobe une gamme de minéraux essentiels, notamment l'étain, le tantale, le tungstène, le lithium, le graphite naturel, le cobalt, le cuivre et le nickel. À noter que l'exclusion de l'or de cet appel s'inscrit dans la stratégie de l'EPRM. Avec un budget de 2 millions d'euros, l'EPRM envisage des projets visant à établir des chaînes d'approvisionnement durables, à avoir un impact durable, à partager la responsabilité, à promouvoir l'égalité des genres, la protection de l'environnement, l’engagement et la transformation.
Il convient également de noter que Madagascar cherche à assainir sa filière mica. La Grande île fait aujourd’hui partie des principaux pays producteurs et exportateurs de cette matière première. Toutefois, la filière doit être assainie pour mieux contribuer au développement socio-économique de l’île et surtout pour mettre fin au travail des enfants dans les mines. L'année dernière, une délégation conduite par Caroline Anstey, présidente de l'ONG Pact Madagascar, a rencontré le ministre des Mines et des Ressources stratégiques, Olivier Herindrainy Rakotomalala. Les discussions ont porté sur les actions à entreprendre pour mieux lutter contre le travail des enfants sur les sites miniers dans le Sud.
On sait également qu’une mission était à Tolagnaro dans le cadre du lancement d'un projet pour la lutte et l'éradication du travail des enfants dans les mines de mica dans le Sud du pays, notamment dans la région d'Anosy. L’objectif était de constater de visu les réalités sur le terrain et de conjuguer les efforts avec les responsables étatiques et les communautés locales. Selon Pact Madagascar, il s’agit d’un pas de plus pour renforcer la quête commune déjà engagée par les parties prenantes, dont l’Administration, à travers les actions gouvernementales déjà initiées dans ce sens, impliquant les départements ministériels concernés, notamment celui de l'Emploi et celui des Mines. L'objectif étant d'instaurer « un environnement protecteur au sein de cette filière minière ».
Affirmant être bien conscients des enjeux en question, le ministre en charge des Mines a saisi l’occasion pour partager son souhait d'élargir le projet dans l'élimination du travail des enfants dans les autres filières comme l'exploitation artisanale de l’or. De son côté, l’ONG a fait savoir qu’elle allait se pencher sur cette sollicitation et « comptait concrétiser ensemble un projet dans cette optique ». À titre de rappel, des réunions conjointes et un atelier de finalisation et de validation du plan d'action pour assainir l’exercice des activités dans les mines se sont tenus depuis 2020, ayant vu la participation active des diverses parties prenantes.
Le guichet unique de l’exportation de l’or est opérationnel. |
L’EITI s’active pour plus de transparence
L’Extractive Industries Transparency Initiative (EITI), l'Initiative pour la transparence dans les industries extractives est la norme mondiale pour la promotion d’une gouvernance ouverte et redevable des ressources pétrolières, gazières et minières. L’EITI est soutenue, dans chacun des cinquante-quatre pays de mise en œuvre, par une coalition formée par le gouvernement, les entreprises et la société civile présidée par le Champion. Elle est guidée par la conviction que les ressources naturelles d’un pays appartiennent à ses citoyens. Aussi, vise-telle à renforcer les systèmes du gouvernement et à éclairer les débats publics.
La mise en œuvre de l’EITI repose sur deux mécanismes principaux à savoir le développement d’une plateforme multipartite et la publication annuelle des paiements versés par les entreprises extractives à l’État avec les recettes réellement perçues par le gouvernement à travers les différents rapports EITI. Le 18 mars dernier, Marc Sergio Clerc, le directeur exécutif par intérim de l’EITI-Madagascar, a fait savoir que la Grande île s’était vue reconfirmer son adhésion parmi les cinquante-sept pays de mise en œuvre de la norme de cette Initiative. Cette décision a été prise malgré le score « assez faible » que le Conseil d’administration de l’EITI avait attribué au pays à l’issue de sa troisième validation dans la mise en œuvre de cette norme.
Madagascar avait obtenu un score de 67 points sur 100 lors de cette récente validation, reflétant la moyenne de ses scores pour les trois composantes que sont l’engagement des parties prenantes, la transparence et les résultats et impacts. Parmi les points faibles constatés pour Madagascar, notons les défis persistants pour le financement durable du processus de cette initiative pour la transparence, les faiblesses de coordination et la communication entre les représentants de la société civile au Groupe multipartite (GMP) et hors GMP ou encore le peu de progrès faits par le pays dans la divulgation des contrats.
Quoi qu’il en soit, EITI-Madagascar, qui a organisé un débat public sur "les enjeux de la transparence du secteur extractif à Madagascar" au mois d’octobre dernier, affirme vouloir aller de l’avant pour que le concept de mines responsables s’impose au pays. C’est dans ce cadre que l’organisation travaille actuellement pour la mise en place d’une plateforme en ligne qui réunit les informations sur le secteur extractif dans le pays. Ainsi, l’organisation, avec l’appui du gouvernement américain, se dotera de serveurs et des équipements adéquats. Viendra ensuite la phase d’optimisation du site internet d’EITI-Madagascar qui permettra aux parties prenantes d’accéder directement à la plateforme pour y envoyer les données. Selon ses promoteurs, cette plateforme va avant tout garantir la disponibilité et la transparence des statistiques du secteur minier, ce qui bénéficiera aux chercheurs, aux étudiants et aux investisseurs en quête d’informations fiables.
Code minier
Une place de choix pour la RSE
Marc Sergio Clerc, D.E. par intérim de l’EITI-Madagascar. |
L’adoption du nouveau Code minier, qui a remplacé celui qui datait de 2005, est vue par les autorités comme une opportunité d’assainir le secteur et donc de mieux faire profiter la population des richesses naturelles tout en renforçant la protection de l’environnement.
Pour le ministère chargé des Mines, l’exploitation des ressources minières, qui ne sont pas renouvelables, doit désormais mieux prendre en compte les défis d’ordre économique, environnemental et social. « La recherche d’un équilibre constant entre ces défis devrait être la priorité de toutes les parties prenantes œuvrant dans le secteur », a-t-on souligné. Raison pour laquelle les responsables publics ont tenu à placer la responsabilité sociale des entreprises (RSE) et le contenu local au centre des nouveaux enjeux du secteur. « La notion de Responsabilité Sociétale des Entreprises joue désormais un rôle de premier ordre lorsqu’il s’agit de promouvoir les investissements dans le secteur minier », a-t-on aussi expliqué. Les composantes de cette RSE s’articulent notamment autour des questions de relations avec les collectivités, d’achat local, d’investissements sociaux, de santé et sécurité des populations, de l’emploi local et de l’accès à la terre.
« Sur le volet Environnement, la RSE devient désormais une obligation pour toute entreprise minière. Par conséquent, l’implication des collectivités territoriales décentralisées (CTD) dans le suivi des activités minières est requise, avec une possibilité de perception à la source des droits et taxes spéciaux sur les produits miniers », a aussi indiqué le ministère de tutelle avant de rappeler que ce nouveau code minier est le résultat des consultations menées depuis une dizaine d’années avec les principaux acteurs, notamment le secteur privé.
Du côté des opérateurs privés du secteur minier, on reconnaît l’importance d'accorder une place de choix à la RSE. Mais les entreprises estiment qu'il est tout aussi nécessaire d’améliorer le climat des affaires pour mieux séduire les investisseurs. Lors de l'atelier sur la Programmation Industrielle, au mois de mai dernier, le secrétaire exécutif de la Chambre des Mines, Willy Ranjatoelina, a lancé que si Madagascar souhaite attirer les IDEs, « nous devons œuvrer pour l'atténuation du risque-pays ». Pour lui, d'importants manques à gagner et des préjudices certains, aussi bien pour les investisseurs que pour le pays, ont été engendrés par certaines situations comme le blocage dû à la non-délivrance des licences ou encore la suspension de projets en cours de développement...
VERBATIM
Olivier Herindrainy Rakotomalala, ministre des Mines et des Ressources stratégiques
« Une grande étape a été franchie dernièrement suite à la dotation d’équipements modernes au guichet unique de l’exportation de l’or. Ces équipements garantiront, en effet, la transparence et la traçabilité des lingots d’or qui seront exportés. Les initiatives du ministère des Mines témoignent de sa volonté de garantir des exportations officielles conformes aux normes internationales et de promouvoir une industrie minière responsable et transparente dans le pays, suivant les orientations stratégiques de la Politique générale de l’État ».
Yvon Ralambomanana, président de la Fédération des opérateurs miniers malagasy (FOMM)
« L’objectif des opérateurs de la filière est d’améliorer les produits de Madagascar, l’environnement des affaires et les retombées sociales de leurs activités. C’est ainsi que nous avons par exemple noué des partenariats avec l’Organisation internationale du travail (OIT), l’Unicef, etc., pour élaborer un projet pilote pour une mine responsable avec les ministères chargés des Mines, de l’Industrialisation et de la Population ».
LE SECTEUR MINIER EN CHIFFRES
L'Express de Madagascar