DÉVELOPPEMENT - La finance inclusive gagne du terrain

Le PIC 3 (Banque mondiale) appuie le Projet d’Inclusion Financière de Madagascar (PIFM).

Considérée comme un instrument de premier plan dans la lutte pour la réduction de la pauvreté, la finance inclusive s’est déployée progressivement ces deux dernières décennies. Mais la Grande île doit s’activer davantage pour rattraper son retard.

Le bilan des initiatives menées dans le domaine de la finance inclusive n’est pas mauvais, mais nombre d’observateurs estiment qu’il est nécessaire d’accélérer la cadence. D’où la décision des autorités de donner une place de choix à la finance inclusive dans la nouvelle feuille de route du gouvernement. Selon les résultats de la dernière enquête « FinScope », près de 30 % des adultes sont inclus financièrement à Madagascar. On constate, en outre, que le nombre d’accès aux services financiers a connu une hausse significative ces dernières années.

En plus des points de distribution de mobile money et des deux cent cinquante-cinq agences de la Paositra Malagasy, qui est en train de lancer Paositra Finances, on recense aujourd’hui plus de sept cent cinquante points de services des établissements de microfinance (2,3 millions de personnes servies) et plus de cinq cents agences bancaires. Sans oublier les centaines de guichets automatiques de banque répartis un peu partout à travers le pays. Quant au taux de pénétration des ménages aux services de microfinance, il est actuellement de 45,40 %.

Le ratio est aujourd’hui de cent neuf points d’accès aux services financiers de base pour dix mille adultes, ce qui est encore en deçà de la moyenne africaine. Raison pour laquelle les responsables ont cherché à renforcer la coopération avec les partenaires techniques et financiers. Ainsi, dans le cadre de la mise en œuvre de l’axe de la Politique Générale de l’État (PGE) relatif à la digitalisation, et pour la contribution au renforcement de l’environnement des affaires, le ministère de l’Économie et des Finances (MEF), en accord avec la Banque mondiale, a pris la décision de poursuivre la mise en œuvre de certaines activités du Projet d’Inclusion Financière de Madagascar (PIFM) à travers le Projet de Transformation Économique pour une Croissance Inclusive (PIC3).

Ces activités concernent l’appui auprès de Banky Foiben’i Madagasikara (BFM) pour la mise en place du Switch National de Paiement, et l’appui aux Institutions de Microfinance (IMF) pour la digitalisation et l’expansion de leurs services, ainsi que la mise en place d’un SIG mutualisé performant. Il y a tout juste quelques jours, une étape importante a été franchie avec la signature du contrat entre le Projet PIC3 représenté par son coordonnateur national, Ladislas Adrien Rakotondrazaka, et la société Banking Payment Context (BPC), représentée par son directeur général, Daniel Paltrinieri, pour la reprise des travaux de mise en place du Switch National de Paiement. La cérémonie s’est déroulée en présence de Aivo Andrianarivelo, gouverneur de Banky Foiben’I Madagasikara (BFM).

Selon les explications fournies, cette initiative promet de nombreux avantages, notamment une amélioration des services aux entreprises et un accès élargi aux services financiers, la rapidité et l’efficacité du traitement des paiements, la sécurisation des transactions électroniques, mais surtout le renforcement de l’inclusion financière. « La signature du contrat témoigne de l'engagement du Projet PIC3 en faveur du secteur privé et de l'inclusion financière. La Banque mondiale se félicite de la reprise de cette activité critique et s'engage à apporter un soutien technique pour la bonne marche du projet », a-t-on souligné.

Des initiatives qui se structurent

Le gouverneur de BFM note l'importance capitale de ce projet pour le secteur financier, qui constitue l’une des priorités pour BFM à l’heure actuelle, tout en insistant sur le respect du calendrier de mise en œuvre. Une séance de travail a également permis d'effectuer une présentation détaillée du projet, de l'infrastructure et des étapes clés à venir. Les résolutions fixent des objectifs clairs, notamment la réception opérationnelle de la plateforme dans un délai de neuf mois maximum.

Chaque année, la Coordination Nationale de la Finance Inclusive (CNFI) rend compte, à travers un rapport d’activités en lien avec ses missions, à savoir la mise en œuvre de la politique du gouvernement pour la promotion et le développement de l’inclusion financière, et la coordination des interventions des différents acteurs, tant nationaux qu’internationaux, du secteur de l’inclusion financière. Rattachée à la direction des opérations financières, la CNFI est une structure du ministère de l’Économie et des Finances, au sein de la direction générale du Trésor (DGT).

Rappelons aussi que c’est en 2021 que Madagascar a élaboré le Document Cadre Stratégique d'Éducation Financière. L’année suivante, le programme national correspondant a été approuvé par toutes les parties prenantes de l'inclusion financière. Parallèlement, le cadre réglementaire régissant la base de données sur l'inclusion financière a été mis en place. Le décret relatif à la transmission d'informations pour alimenter la base de données sur l'inclusion financière à Madagascar a été adopté par le Conseil du gouvernement du 2 mars 2022.

Et en raison de l'augmentation des infractions commises par des individus malveillants et de leur succès en justice en raison de l'inadaptation des textes aux activités des institutions financières, l'APIMF (Association des institutions de microfinance à Madagascar) a pris l'initiative de créer une plateforme d'échange regroupant les acteurs du secteur financier, les associations professionnelles et l'État. C’est dans ce cadre qu’a été créé un comité ad hoc composé de plusieurs entités dont la Banque centrale et l’Association professionnelle des banques.

Selon ce comité, malgré la diversité des institutions financières existantes (banques, institutions de microfinance, établissements de monnaie électronique, compagnies d’assurance, institutions financières non bancaires et caisses de pension), le niveau d’inclusion financière dans le pays est encore relativement faible et inégalement réparti sur le territoire national. Les études menées montrent que cette situation s’explique notamment par le faible niveau d’alphabétisation, les contraintes infrastructurelles (route, réseau, connectivité, électricité…), un écosystème de paiement sous-développé et le faible niveau d’éducation financière.

Finance inclusive et éducation financière vont de paire.

Groupes d’épargne

Pour intégrer davantage les ménages pauvres, les groupes d’épargne ont été créés. Ce sont surtout les Organisations Non Gouvernementales (ONG) telles que CARE International et Catholic Relief Services (CRS) qui ont initié la mise en place des groupes en faveur des personnes vulnérables, non desservies et mal desservies, dans les zones rurales.

Actuellement, différents projets visant à promouvoir l’inclusion financière des populations vulnérables ont développé des modèles de groupe d’épargne de type Village Savings and Loan Association (VSLA), Savings and Internal Lending Communities (SILC), Association Villageois d’Épargne et de Crédit (AVEC), Groupement Villageois d’Entraide Communautaire (GVEC), Groupe d'Épargne et de Crédit (GEC), Lakile Telo ou VOAMAMI à Madagascar.

Un groupe d’épargne est constitué de quinze à vingt-cint personnes qui se choisissent elles-mêmes pour mettre de côté de l’argent qui leur servira par la suite à des emprunts à l’interne. C’est un moyen d’avoir accès aux services financiers de base (épargne et crédit) et aux services non financiers tels que l’éducation financière, la comptabilité simplifiée et la gestion d’association. Les activités des groupes d’épargne fonctionnent en « cycle » d’une durée d’environ 9 à 12 mois. À la fin d’un cycle, les épargnes accumulées et les bénéfices tirés des prêts sont répartis entre les membres proportionnellement au montant qu’ils ont épargné. Toutes les transactions des groupes d’épargne sont réalisées devant les membres au cours des réunions afin d’assurer une plus grande transparence et de maintenir la confiance entre les membres.

Sur recommandation de la Coordination Nationale de la Finance Inclusive (CNFI) et de la Commission de Supervision Bancaire et Financière (CSBF), le Réseau des Promoteurs des Groupes d'Épargne dans le pays (RPGEM) a été créé. Le Réseau est une association regroupant les promoteurs de groupes d’épargne dans le pays. Il sert de plateforme d’échange de bonnes pratiques d’expériences relatives aux groupes d’épargne entre les promoteurs et les partenaires techniques et financiers qui soutiennent ces initiatives.

Une intervention prioritaire pour les groupes d’épargne dans l’axe stratégique relatif à l’accès et l’utilisation des services financiers a été intégrée dans la Stratégie Nationale d’Inclusion Financière (SNIM). Le RPGEM intervient dans la mise en œuvre de cette intervention stratégique afin d’assurer un meilleur suivi des groupes d’épargne.

Au mois d’août 2023, une Assemblée Générale Extraordinaire (AGE) des membres du RPGEM a eu lieu à Antananarivo pour renouveler les membres du Conseil d’Administration, asseoir une compréhension commune des défis institutionnels et opérationnels actuels des groupes d’épargne et du RPGEM en tant que structure et rallier les membres autour d’une vision et d’un plan d’action communs. Cinq membres, dont le Tranoben’ny Tantsaha, ont été élus pour siéger au Conseil d’Administration du RPGEM pour le nouveau mandat pour la période allant de 2023 à 2025. À cette occasion, le ministère de l’Économie et des Finances, à travers la CNFI et le Service des Institutions Financières (SIF) ont présenté respectivement le rôle des groupes d’épargne dans l’inclusion financière des populations vulnérables à Madagascar et l’arrêté sur les groupes d’épargne.

Éducation financière
Un des piliers de la politique d’inclusion

Remise d’outils informatiques aux institutions de microfinance.
Supervisées par le ministère de l'Économie et des Finances, les initiatives d'éducation financière du pays sont mises en œuvre par des acteurs répartis en trois niveaux, à savoir macro (ministères et banque centrale), mezzo (groupe de travail sur l'éducation financière) et micro (les bénéficiaires finaux).

Madagascar a commencé son parcours d'éducation financière en 2012 en partenariat avec l'Association Professionnelle des Institutions de Microfinance (APIMF) et le Groupe Consultatif d’Assistance aux Pauvres (CGAP). Les initiatives d'éducation financière pour les enfants, les jeunes et les adultes dans les zones urbaines et rurales se sont développées à travers le pays. Ces initiatives ont gagné du terrain au cours de la dernière décennie. En 2016, Madagascar a participé pour la première fois à la Global Money Week (GMW). Les activités GMW dans le pays ont depuis touché directement près de cinquante mille enfants et jeunes, et jusqu'à trois millions indirectement dans les écoles et les universités du pays.
Une politique d’inclusion financière ne peut réussir sans un programme d’éducation financière. Ainsi, le plan d'action de la Stratégie Nationale d'Inclusion Financière a prévu avant tout l'intégration de l'éducation financière dans le cursus scolaire national. La première phase, toujours en cours, a débuté en 2020 dans une centaine d'écoles à travers le pays. Suite logique à la coordination active d’activités au fil des ans, Madagascar a lancé un programme d'éducation financière à échelle nationale. Ce processus s’est lancé sur la base de recommandations faites dans l'étude diagnostique nationale 2019 sur l'état de l'éducation financière.
Ces initiatives sont basées sur le « Toolkit Stratégie Nationale d'Éducation Financière » produit par les institutions membres de l'AFI. La publication et la mise en œuvre des nouveaux documents devraient être achevées d'ici à 2027. « L'élaboration de stratégies d'éducation financière bien informées et leur alignement efficace sur les activités du marché sont essentiels pour tirer parti des synergies mutuellement bénéfiques entre l'offre et la demande, en particulier en temps de crise », a-t-on indiqué.
Le Toolkit Stratégie Nationale d’Éducation Financière de l’AFI et la Note d'Orientation complémentaire fournissent des étapes pratiques, des conseils, des exemples et des checklists pour guider les principales parties prenantes à travers les quatre étapes de la création d'une stratégie nationale d'éducation financière : pré-formulation, formulation, mise en œuvre, suivi et évaluation.

VERBATIM


Aivo Andrianarivelo, gouverneur de Banky Foiben’i Madagasikara
« Grâce à divers partenariats, nous travaillons à améliorer notre mission statutaire qui consiste à renforcer la politique monétaire du pays et la supervision des institutions financières afin de développer la finance inclusive et de soutenir l'activité économique. Et les systèmes d’information sur le crédit font partie des infrastructures qui jouent un rôle clé dans l’expansion de l’inclusion financière à Madagascar ».

Richard Ranarison, directeur général de la Paositra Malagasy
« Devenir un acteur majeur en inclusion financière à Madagascar. C’est la nouvelle vision de Paositra Malagasy pour les prochaines années avec sa toute nouvelle branche, la Paositra Finances, spécialisée dans la microfinance et dans la monnaie électronique. Prochainement, les citoyens pourront bénéficier de services financiers dans les différentes agences de la Paositra à Madagascar, dont l'octroi des crédits et la distribution des monnaies électroniques ».

LA FINANCE INCLUSIVE EN CHIFFRES



L'Express de Madagascar

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