Maire à boire

Remporter les élections communales à Antananarivo est un objectif commun à tous les partis politiques. Diriger la capitale représente à la fois un symbole de la puissance d’un parti et un atout important dans la conquête de la présidentielle. Du moins, depuis vingt ans, où la mairie d’Antananarivo a servi de tremplin vers la présidence de la République. Après des années d’anarchie et de désordre indescriptibles, la capitale a retrouvé, comme par enchantement, ses lustres perdus entre 1999 et 2001. L’auteur de ce miracle a été propulsé à la tête de l’État avec une razzia à l’élection présidentielle.

Des péripéties politiques ont fait que la capitale est retombée dans ses travers, ballottée entre des ambitions déplacées et un clientélisme électoral devenu leitmotiv. Beaucoup de promesses ont été faites pour redresser une situation frôlant la catastrophe, mais toute tentative de réforme s’est heurtée à une contestation dictée par la pauvreté et limitée par une insuffisance chronique de budgets et de moyens. La capitale est devenue compliquée à gérer, avec une population multipliée par six en un demi-siècle, dont la plupart ne sont pas adaptées à la vie citadine. Le manque d’éducation et de civisme constituent les causes d’une anarchie inénarrable. Cela rend impossible toute tentative d’assainissement dans la circulation, le transport en commun, la gestion des marchés et des déchets ménagers.

La tâche du maire a été multipliée par dix, alors que ses moyens ont diminué d’autant. Quand des nids-de-poule restent là où ils sont des semaines voire des mois, c’est que la ville ne peut plus compter sur la mairie, impuissante et désemparée.

La situation a empiré depuis que la capitale a été déclassée parmi les communes rurales, perdant son statut spécial au lendemain de la victoire d’un jeune  « opposant » aux élections communales de 2007. Une sanction prise justement pour empêcher le maire d’Antananarivo de monter à l’étage supérieur.

Aujourd’hui, la capitale fait face à un nouveau défi. Il est immense, avec un héritage laissé par le maire élu nommé ministre, lourd à porter. Conformément à la loi, il devrait être remplacé par un Président de la délégation spéciale que le ministère de l’Aménagement du Territoire et de la Décentralisation nommera. Une tâche compliquée, puisqu’il faudra débusquer l’oiseau rare pour occuper le poste. Vu l’immensité de la tâche et la complexité des problèmes, il faut être extrêmement teigneux pour oser accepter cette responsabilité. C’est d’autant plus difficile que des résultats de la gestion de la capitale pourraient dépendre l’issue des prochaines législatives et, plus tard, des élections communales. À dire vrai, c’est un Maire à boire.

Sylvain Ranjalahy

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