La stèle de Jean Ralaimongo à Antananarivo. |
Lorsque le Teny Soa Hanalan'Andro parut en janvier 1866, il y avait seulement cinq ans que Ranavalona Ire était morte, quatre ans que les imprimeries existantes à Tananarive fonctionnaient à nouveau, après un silence d'environ vingt-cinq ans. » Ainsi, selon Razoharinoro Randriamboavonjy archiviste-paléographe, durant ce quart de siècle, les Malgaches n'avaient que la Bible à lire, et encore, en cachette et sur des exemplaires soustraits des yeux des émissaires de la reine. Dans ces circonstances, il n'est pas étonnant que le Teny Soa soit bien accueilli par la population.
C'est une revue de la London Missionary Society imprimée à Imarivolanitra par John Parrett. D'abord bimestrielle, elle devient mensuelle à partir de 1869. C’est essentiellement une revue d'éducation et d'information religieuses, puisque son but est d'approfondir la connaissance de la Bible chez ses lecteurs. Ses colonnes favorisent aussi leur culture générale par des articles littéraires, historiques, scientifiques...
La parution du Teny Soa devait ouvrir la voie à d'autres titres édités par les diverses missions présentes à Madagascar. Tels que le Resaka Malagasy des catholiques en 1874 ; le Mpiaro des anglicans en 1875, où l'on peut apprécier les premières traductions en malgache de la littérature française et anglaise de l'époque ; le Mpanolo-tsaina de la LMS en 1877 ; le Mpamangy de la Mission norvégienne en 1882 ; le Sakaizan'ny Ankizy Madinika devenu le Sakaizan'ny Tanora en 1884.
Le but poursuivi par ces divers journaux et périodiques est à peu près le même : ce sont des périodiques d'éducation et d'information religieuses et de culture générale. Outre ces différentes missions religieuses, les particuliers se mettent aussi à éditer peu à peu leurs journaux. Toamasina, notamment, qui a son imprimerie introduite par Lalané de la Couronne dès 1879, est « un centre important du journalisme ». Deux titres y paraissent en 1881, La Cloche et L'Opinion Publique, et en 1891, le Ministériel et le Courrier de Madagascar en français et en malgache.
À son tour, Antsiranana fait paraître en 1894 Le Clairon et l' Avenir de Diego-Suarez. Vers la même époque (1883-1885), dans la capitale, le Madagascar Times de Tacchi et le Madagascar News d'Harvey sont édités. Tous deux suivent une ligne éditoriale qui défend la politique du gouvernement de Rainilaiarivony. « À la suite de ces deux journaux en anglais, le résident général de France fait paraître le Progrès de l'Imerina et le Malagasy pour contrebalancer les opinions émises par les journaux anglais. »
Mentionnons également la Gazety Malagasy parue en 1875 sous l'inspiration du Dr Davidson- le premier à faire de l'enseignement médical à Madagascar- et du Rev. Jukes avec Street comme rédacteur en chef. Il s'agit d'un journal politique et de critique sociale à tendance presque révolutionnaire pour l'époque « puisqu'il touche aux problèmes de la polygamie et de l'esclavage ».
Rainilaiarivony ne pardonne pas à ces articles qui dénoncent aussi les abus commis par certains « fonctionnaires, dignitaires de la Cour ». D'ailleurs, la Gazety Malagasy ne paraît qu'un an, jusqu'en juin 1876, malgré sa popularité avec mille exemplaires mensuels.
Jusqu'en 1901, Madagascar jouit de la liberté totale de la presse. Mais à partir de cette date, le gouvernement colonial y met fin. « Ou plus exactement, il instaure deux régimes de la presse jusqu'en 1938, où la liberté de presse est rétablie pour tous. » Effectivement, le décret du 16 février 1901 instaure le régime de l'autorisation préalable à demander au gouverneur général pour les journaux en langue malgache. Ce régime limite leur liberté et il leur est interdit d'aborder les questions politiques ou relatives à l'Administration. Et l'autorisation accordée peut être révocable.
En ce qui concerne la presse en langue française, elle continue à jouir de la liberté accordée par la loi du 29 juillet 1883. Ainsi, de 1896 à 1938, une quarantaine de titres sont édités par les Français. Pour ce qui est de la presse d'opinion, c'est Jean Ralaimongo qui l'inaugure. Il fonde Le Libéré en 1923 alors qu'il est encore en France, après la première guerre mondiale. Il n'en tire que quelques numéros. Beaucoup plus important est L'Opinion de Diego qu'il crée en 1927, dès son retour au pays, avec le Dr Joseph Ravoahangy Andrianavalona et Paul Dussac, colon socialiste de Nosy Be. Paraissent ensuite le Réveil malgache (1929) devenu le Réveil de Madagascar auquel travaillent Dussac et Razafy Abraham, et bien d'autres titres tels que Ny Rariny-Justice (1936). C'est dans cette dernière parution que Jules Ranaivo tente de faire passer des articles politiques en malgache avec la traduction en français. L'objet de tous ces journaux est la lutte pour l'égalité des droits et contre les divers abus de l'administration (indigénat, service de la main-d'œuvre pour les travaux d'intérêt général, prestations...)
Pela Ravalitera