Xénophobe, mais favorable au progrès

Ranavalona Ire défend la tradition en interdisant à ses sujets de se moderniser

Le roi Radama Ier et les gouvernements malgaches ultérieurs ont cherché, quoique sans l’avouer, en patronnant et en favorisant les écoles, à fortifier leur empire sur les plus utiles et les plus capables de leurs sujets, et on peut constater tout de suite que les écoles dirigées par un gouvernement qui reposait sur la corvée, ont pu, pour beaucoup de gens, revêtir l’aspect d’un nouveau mode d’oppression » (Rev. Thorne).

La population en arrive à considérer la fréquentation des classes comme étant de même nature que l’obligation d’accomplir le service militaire, « autre innovation d’origine étrangère ». Et selon Jean Valette, archiviste-paléographe, l’autorité du gouvernement s’exerce de façon capricieuse. « Il eut le tort de vouloir commander sans payer. » Tous les frais de l’œuvre incombent, en effet, aux missions qui font elles-mêmes appel à des contributions volontaires, tant sur place qu’à l’extérieur, mais sans jamais pouvoir couvrir qu’une minime partie de leurs frais.

À la mort du roi, Ranavalona Ire, malgré son désir de supprimer les influences étrangères, n’ose pas les détruire brutalement. Jusqu’en 1832, le nombre des écoles s’accroît, mais celui des élèves ne dépasse pas deux mille cinq cents. La lutte ouverte commence quand les enfants d’esclaves sont écartés des locaux scolaires. Il faut dire que certains font preuve d’insoumission et veulent échapper à leur condition serve.

En 1834, la reine entend limiter aux seules écoles contrôlées par son gouvernement l’enseignement de la lecture et de l’écriture, proscrivant ainsi la diffusion de la « morale chrétienne, pernicieuse aux traditions ».

La souveraine s’en prend ensuite aux missionnaires, en interdisant l’arrivée de nouveaux enseignants et en refusant le renouvellement de leur permis de séjour à ceux qui sont déjà sur place. En 1835, elle exige que tous les livres distribués par les Européens soient réunis pour être détruits. 

« D’ailleurs, n’avait-elle pas fait briser, peu après son avènement, la première presse d’imprimerie introduite à Tananarive ? » La même année, le fameux Kabary du 1er mars interdit à tous les Malgaches de collaborer, « de quelque manière que ce soit », avec les missionnaires. Enfin, en 1836, le dernier enseignant doit quitter la capitale.

Néanmoins, tout n’est pas détruit car l’écriture subsiste. Il est difficile au gouvernement de la reine de s’en passer. En devenant plus complexe au fur et à mesure que s’étendent les territoires conquis, il doit faire appel à un plus grand nombre de scribes. Ceux-ci sont recrutés parmi les anciens élèves des missionnaires. « C’est à eux que l’on doit, en particulier, cette magnifique série de registres de la correspondance royale qui couvre tout le règne de Ranavalona Ire », souligne le Rev. Thorne.

L’accession au trône de Ranavalona a aussi de grandes conséquences dans l’évolution de la formation professionnelle. Cependant, la reine est, sur ce plan, beaucoup plus prudente et  se montre beaucoup plus modérée qu’elle ne l’est par rapport à d’autres innovations introduites par son époux. Ainsi, elle hésite à détruire complètement l’œuvre des missionnaires anglais et de leurs émules français. 

En réalité, elle comprend l’importance réelle des progrès réalisés par son peuple grâce à cette influence. « Il lui était aussi indispensable de ne pas se priver brutalement des services de ceux qui étaient les seuls à pouvoir fabriquer, sur place, les produits nécessaires à la vie quotidienne, qu’elle se refusait à acheter à l’extérieur. »

Aussi Ranavalona est-elle décidée à conserver les services de deux missionnaires, Chick et Cameron. Elle conclut même un contrat avec eux, prévoyant la fabrication d’une importante quantité de savon, le montage de machines et, d’une façon générale, le développement des ressources du pays. Elle a surtout besoin de poudre à canon. Elle propose alors à Cameron « plus du double du prix convenu », s’il accepte de se charger non seulement des machines, des adductions d’eau, des réservoirs, mais aussi de la fabrication de la poudre. 

« Mais le fidèle serviteur de la Mission ne voulut y consentir que si on le laissait libre de continuer son activité religieuse. Ce que la souveraine ne pouvait accorder.» Son rôle sera repris et amplifié, au-delà de toute mesure, par celui qui est le véritable créateur de l’industrie malgache, Jean Laborde.

Pela Ravalitera 

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