Les avis controversés de Paul Minault sur le climat malgache

Dans un voyage, il faut prévoir la traversée d’une rivière à gué.

Dans sa livraison du 17 juin 1897, le journal Le Temps publie plusieurs lettres du missionnaire Paul Minault, assassiné un mois plus tôt, le 21 mai à Ambatondradama. Ces lettres portent des avis très sévères sur le climat malgache, l’auteur posant ce principe : « Madagascar est un terrible climat pour les Européens. »

Aussitôt, ceux qui connaissent mieux la Grande ile, réfutent cette assertion étant donné la variété géographique que l’on y rencontre. Il est des contrées où les Européens s’acclimatent difficilement et d’autres, plus nombreux, où ils peuvent vivre « en aussi parfait état de santé qu’en Europe ». Ils illustrent leurs propos par l’exemple du Betsileo, qui possède un climat très sain.

Paul Minault évoque les pertes françaises subies pendant la campagne, sur l’axe Mahajanga-Antananarivo. Situation excep­tionnelle, précisent ceux qui ne partagent pas son opinion. « Les soldats vivaient dans des conditions absolument anormales. » Ils rappellent alors l’histoire de beaucoup de guerres qu’a subies l’Europe, pour savoir que toute armée éprouve, par suite des fatigues et des privations, « un déchet considérable ».

Le missionnaire français écrit aussi qu’à Toamasina, « tous les Européens ressemblent à des squelettes ». « Là encore, il exagère », ripostent les autres qui soutiennent que beaucoup ont vécu des années dans la ville, « sans revêtir le fâcheux aspect qu’il a décrit ». 

Et surtout, ils renient surtout le doute qu’a Paul Minault de la possibilité d’amener à Madagascar des femmes et des enfants nés en France. « C’est une inspiration venue de Dieu que la pensée que j’ai eue de laisser Pierre (son fils) en France… Je suis maintenant tourmenté par la grosse question de savoir si je dois faire venir mes enfants à Madagascar… »

Le missionnaire évoque alors son terrible déplacement  de Toamasina à Antananarivo. « Je ne peux essayer de vous donner une idée de tous nos contretemps, de toutes nos fatigues pendant ce voyage. » Il ajoute même qu’il est très « impressionné» pour ses enfants et il en arrive à craindre que Dieu lui demande « le terrible sacrifice de me séparer de mes enfants ».

À quoi rétorquent les autres Européens que bon nombre de compatriotes, qui ne se sont pas montrés aussi timorés, ont amené leurs familles avec eux et n’ont pas eu à se repentir de leur décision. Ils citent ainsi le cas de Bompard, Deschamps, Tribe, le Dr Besson venus avec femme et enfants.

Les critiques pleuvent aussi sur Paul Minault à cause de sa « particulière antipathie » pour les voyages en filanjana. Pourtant, on ne compte plus le nombre des Européens « qui ont fait et font usage de ce mode de locomotion ». Mesdames Bompard, Deschamps, Tribe, Besson, et bien d’autres, « Françaises, Anglaises, Norvégiennes », ont voyagé en filanjana et, cependant, le voyage ne leur laisse pas un souvenir de fatigue.

Ils soulignent même le cas de « la courageuse Mme Besson » qui a fait le même trajet que Paul Minault, de Toamasina à Fianarantsoa, « dans un état de grossesse avancée ». Ce qui ne l’a pas empêchée, après son arrivée à Fianarantsoa, de donner le jour à un très bel enfant.

En fait, selon ces Européens qui connaissent bien la Grande ile, « Paul Minault a eu, en débarquant, une fâcheuse impression». Ils expliquent que, de quelques exemples d’Européens malades qu’il a sous les yeux ou qu’on lui cite, il conclut que le climat de Madagascar est toujours funeste aux Européens. « C’est une généralisation trop prompte d’un esprit insuffisamment préparé, semble-t-il, à la vie coloniale. »

Et ces Européens qui ne partagent pas l’avis de Paul Minault, de conclure : « Mais il y a lieu d’être surpris que la Société des missions évangéliques, qui est en mesure d’être bien renseignée, ait laissé publier ces lettres et contribué ainsi à jeter la défaveur sur notre nouvelle colonie, alors que tous les efforts devraient s’unir pour en développer la prospérité. »

Pela Ravalitera

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