Ce tableau de Ranavalona Ire, comme tous les autres, est le fruit de l'imagination d'un peintre talentueux, car elle a toujours refusé de se faire photographier |
Radama Ier tourne le dos à son peuple, le 28 juillet 1828. Depuis ce mardi-là jusqu'au dimanche 2 août, selon le chroniqueur-historien Raombana, le corps du roi gît sur le lit à la Maison d'Argent. C'est-à-dire dans la Tranovola qu'il a fait bâtir pour son épouse sakalava Rasalimo, mère de sa fille Raketaka et de son fils Rabobalahy. Il faut dire que le chroniqueur déteste Ranavalona Ire et son récit diverge de ceux d'Ellis et de Malzac,Voici un extrait de sa relation :
« Il était dans le pire état de décomposition. On n'en avait pris aucun soin. Aucun lamba ne l'enveloppait, comme c'est la coutume pour tous les morts, du rang le plus bas au plus élevé. Les quelques Tsimandoa qui demeuraient là, étaient seuls autorisés à entrer à la Tranovola et à pleurer sur le corps inerte. »
Pourtant, le lundi 3 août, tout apparaît calme et la reine estime qu'il n'y a plus d'opposition à craindre. Elle ordonne de convoquer le peuple pour pleurer la mort de Radama et assister à ses funérailles. Elle envoie chercher d'innombrables bœufs dans les parcs royaux pour les offrir en festin au peuple assemblé à Andohalo. Par la voix de ses ministres Ranavalona Ire transmet un discours dans lequel il est précisé « que la volonté d'Andrianampoinimerina et de Radama était pleinement accomplie, car tous avaient décidé que Ranavalomanjaka devait leur succéder, que le royaume n'était pas tombé dans des mains d'usurpateurs auxquels ils n'auraient pas légué leur souveraineté ».
La reine ordonne alors à chacun d'accomplir les cérémonies « Milefona omby » et « Misotro vokaka ». Et « quiconque tenterait d'installer à sa place un autre souverain, ou de faire agir contre elle sorcellerie ou magie, serait puni de mort », en vertu du caractère sacrée de ces deux cérémonies. En outre, tous doivent se couper les cheveux, se raser la tête en signe de deuil. La reine devient ainsi la protectrice de tous ses sujets et promet qu'elle ne changera rien à ce qu'Andrianampoinimerina et Radama ont accompli ou prévu de réaliser.
Raombana souligne alors que la peine du peuple, en apprenant la mort du roi, est accrue par le regret d'entendre que la famille de Radama ne lui succède pas. « Tous savaient bien que les affirmations de la reine sur sa désignation par les souverains précédents n'étaient que mensonges. » Le chroniqueur tient, en effet, à préciser que Ranavalomanjaka ne descend que d'un parent éloigné d'Andrianampoinimerina qui, s'il l'a donnée en mariage à son fils, n'a certainement jamais pensé à en faire son successeur. D'autant qu’en dehors d’elle, Radama a eu de ses autres femmes des enfants, filles et garçons.
De surcroit, ajoute-t-il, Ranavalona avait peut-être dix ans de plus que Radama. Certes, « dans un mariage princier à Madagascar, cela n'a aucune importance car les rois vivent fort peu avec leurs épouses ». Il explique qu’ils choisissent d'autres femmes à qui ils accordent leur tendresse. Dans tous les cas, insiste-t-il, « il reste évident que ni Andrianampoinimerina ni personne d'autre ne pouvait supposer qu'elle survivrait à Radama ».
Poursuivant sa logique, Raombana pense que le peuple est convaincu que la reine ment sur ses droits à la succession. Surtout que la nouvelle de l'assassinat du prince Rakotobe et de la mère du roi court à travers la foule, murmurée de bouche à oreille. « On doit lui attribuer, pour une bonne part, la force des lamentations, la profondeur de la peine.» Mais le peuple a aussi la conviction que Ranavalomanjaka tient solidement à son trône et qu'il est inutile de lui opposer la moindre résistance, au risque de la peine de mort.
Ainsi, aussi bien les chefs des six districts de l'Imerina que le peuple répondent au premier discours de la reine par « leur joie de la voir, elle et personne d'autre, sur le trône ». Rappelons que ces six territoires de l’Imerina sont l'Avaradrano au Nord-est, le Marovatana et le Vonizongo au Nord-ouest, le Vakinisisaony au Sud-est, l'Ambodirano au Sud-ouest et le Vakinankaratra au Sud.
Tous prêtent également serment qu'ils la serviront avec autant d'ardeur et de dévouement qu’ils l’ont fait avec ses prédécesseurs, qu'ils obéiront à tout ce qui lui plaira de faire d'eux. Enfin, ils soulignent qu'il « faudra punir de mort quiconque tenterait, en pensée ou en acte, une conjuration pour la renverser ou pour renverser le successeur, quel qu'il soit, choisi par elle ».
Pela Ravalitera