Madagascar compte plus de quarante espèces de bambou |
Malgré le fait qu’elle n’a jamais pu prendre réellement son envol à Madagascar, la filière bambou demeure, selon les observateurs, une bonne alternative en matière de développement de l’économie rurale et verte.
À Madagascar, la déforestation est à la fois cause et conséquence du réchauffement climatique. Ces quinze dernières années, le pays connaît un rythme de déforestation de 200 000 ha par an. Malgré sa réputation de « hotspot », la biodiversité de la Grande île subit actuellement une pression anthropique sans précédent et se trouve en danger de disparition, engendrant d’autres problèmes écologiques, climatiques, économiques et sociaux encore plus complexes.
C’est dans ce contexte que le bambou est présenté comme l’une des alternatives valables pour pallier ces pressions. Occupant déjà une place importante dans la vie de nombreux ménages tant ruraux qu’urbains à Madagascar, les bambous sont distribués essentiellement le long des massifs centraux de l’île et dans la forêt humide de l’Est.
Les produits forestiers non ligneux connaissent un intérêt croissant dans le monde ces dernières années, du fait des contributions qu’ils apportent à l’économie des ménages, à la sécurité alimentaire ainsi qu’à la préservation de l’environnement. Parmi les produits forestiers non ligneux, les bambous occupent une place importante. La moitié des ménages malgaches utilisent le bambou dans leur vie quotidienne : pour la construction, l’artisanat ou comme source d’énergie. Parmi les pays d’Afrique, Madagascar possède la plus grande diversité de bambous, avec onze genres et près de quarante espèces dont trente-cinq endémiques. Les bambous fournissent des avantages économiques, sociaux et écologiques à la société.
Graminée à tige ligneuse ayant l’apparence d’un arbre, le bambou a une croissance très rapide, puisqu’il peut prendre entre 75 et 400 mm par jour. Sa tige (chaume), qui est la partie la plus importante, économiquement parlant, peut atteindre et dépasser 40 m chez certaines espèces avec un diamètre pouvant aller jusqu’à 30 cm. Il pousse trois fois plus vite que la plupart des espèces
d’eucalyptus, qui sont généralement plantés à Madagascar pour la production de bois de chauffe et de charbon, et peut être récolté quatre fois plus souvent. Les espèces importantes du point de vue commercial atteignent habituellement la maturité en quatre à cinq ans. Des récoltes multiples sont par la suite possibles tous les deux ans, ce qui met le bambou dans une position très intéressante pour remplacer le charbon de bois utilisé communément à Madagascar, par une production de palettes/briquettes de charbon de bambou.
Par rapport au charbon de bois, il présente plus d’avantages, notamment en termes de réduction de l’émission de CO2 due à la technique de charbonnage déjà expérimentée et mise au point à Madagascar, de haute valeur calorifique du charbon de bambou qui est de deux fois plus que le charbon normal, avec une propreté de manipulation comparée au charbon de bois. Sans oublier les vertus cosmétiques liées à la propriété d’absorption de bactéries et de corps gras.
Biomasse, construction, artisanat…
Le bambou peut fournir jusqu’à 40 tonnes de biomasse par hectare et par an. Sa légèreté et ses modules d’élasticité (9 000 à 10 100 N/mm2) et de rupture élevés (84 à 120 N/mm2) font du bambou un matériau idéal pour la construction de maisons résistantes aux cyclones ou aux tremblements de terre. Les radeaux en bambou sont utilisés sur presque toutes les grandes rivières de Madagascar, surtout dans la partie orientale où se trouvent d’importants rapides et chutes d’eau, bien que le bambou soit devenu de plus en plus rare en raison de nombreux prélèvements excessifs.
Il offre aussi une multitude de possibilités pour les artisans malgaches. Des meubles et objets d’art en bambou sont présents en masse sur le marché local. Le bambou occupe, d’ailleurs, une place importante dans la vie de nombreux ménages malgaches, notamment, ruraux : construction de maison, bambous tressés pour l’emballage des produits agricoles et de l’élevage, etc.
Il n’entre pas encore dans l’art culinaire malgache, mais le bambou présente une alternative alimentaire et nutritionnelle intéressante. Les tiges naissantes (pousses) de certaines espèces de bambou sont comestibles, succulentes et riches en éléments nutritifs ; une portion de 100 g contient de 0,5 à 0,77 g de fibres, de 81 à 96 mg de calcium, de 0,5 à 1,7 mg de fer, de 3,2 à 5,7 mg de vitamine C, de 0,07 à 0,14 mg de vitamine B1, de 1,3 à 2,3 g de protéines, de 4,2 à 6,1 g d’hydrates de carbone, de 42 à 59 mg de phosphore et de 1,8 à 4,1 g de glucose. Certaines espèces ont aussi une teneur élevée en potassium et en vitamine A. Les pousses de bambou peuvent contenir jusqu’à dix-sept acides aminés, les plus importants étant la saccharopine, l’acide spéramique et l’acide glutamique.
Réseau INBAR
Au moins neuf. régions de Madagascar peuvent miser sur le bambou |
En outre, le bambou restaure les sols par l’élimination de toxines. Au lieu d’épuiser le sol, le bambou le régénère, en apportant carbone et oxygène. Le bambou permet de lutter efficacement contre le réchauffement climatique, un hectare de bambouseraie absorbe l’équivalent de 60 litres de CO2 par an suivant l’espèce et le type de culture, soit trente fois plus que d’autres plantes. Il limite l’érosion du sol et ne nécessite pas l’utilisation de fertilisant chimique, ni de pesticide. Par conséquent, son développement nécessite peu de ressources. De plus, cette plante contribue à la dépollution de l’eau et au développement de la nappe phréatique et, de ce fait, joue un rôle non négligeable dans la restauration des bassins versants et la réhabilitation des sources d’eau.
Différentes études confirment que l'utilisation durable du bambou et du rotin peut représenter une part importante des revenus des populations locales et contribuer à la protection de leur environnement pour un meilleur monde. Les opportunités qu'offrent ces plantes pour l'amélioration des conditions de vie des plus pauvres, tout en préservant leur environnement, sont insuffisamment exploitées, mais offrent d'énormes potentiels et méritent un soutien attentionné.
Consciente de l’avancée technologique de l’usage du bambou dans le monde, Madagascar a adhéré au réseau international INBAR (Organisation Internationale sur le Bambou et le Rotin). Les côtes Est du pays, dont la région Atsinanana, en particulier, regorgent de ressources importantes en bambou. La promotion de la filière bambou a été l’objet d’une collaboration fructueuse entre l’INBAR et le Programme Prosperer durant plusieurs années. L’Huilerie de Melville, membre du groupe Savonnerie Tropicale, un acteur majeur de la vie socio-économique dans la région Atsinanana, s’est joint à cette collaboration en 2016. Un partenariat conclu pour la promotion du bambou dans les villages et communes se trouvant dans un rayon de 30 km autour de Melville où est basée l'huilerie.
Les objectifs, selon ses promoteurs, sont une meilleure gestion de l’environnement et une meilleure application des technologies du bambou dans le domaine de l’énergie et de l’économie locale. Trois pépinières ont été mises en place à Melville, Amboditandroho et Ambodibonara. Un champ école, incluant pépinière, plantation et transformation, a aussi été installé à Melville. Sept dômes de charbon de 5 m² à 10 m² sont construites et opérationnalisées. Des formations sont programmées sur la transformation du bambou et la production de charbon de bambou.
Rappelons que, l’année dernière, le ministère en charge de l’Artisanat a reconnu officiellement que la filière bambou, notamment dans la région Atsinanana, est mal développée. « Dorénavant, des efforts seront déployés par le ministère pour mettre en avant cette filière », a-t-on alors fait savoir. C’est dans cette optique qu’une campagne de reboisement de bambou a été lancée à Ilaka Est dans le district de Vatomandry, en présence de la ministre Sophie Ratsiraka. Trois mille pieds de bambou ont été mis en terre dans cette localité.
« La partie Est a été choisie exceptionnellement pour son climat où il pleut presque toute l’année. La partie Ouest est déjà célèbre par le raphia dont 75% des besoins internationaux y viennent. L’Est doit, par contre, être productrice de bambous », a-t-on également soutenu lors de cette campagne qui n’a pas manqué de souligner que le bambou peut devenir un pilier essentiel de l’économie verte à Madagascar. En dehors des produits artisanaux à base de bambous, Sophie Ratsiraka a aussi fait savoir que des milliers d’autres produits peuvent être obtenus grâce à cette plante.
Projets verts
Valiha Diffusion dans la liste des Nations unies
La filière bambou offre diverse sources de revenu |
Pour ses projets verts utilisant le bambou à Madagascar, l'association Valiha Diffusion rejoint cette année la liste des acteurs partenaires de la Décennie des Nations unies pour la Restauration des Écosystèmes qui vise à développer et orienter un mouvement international de restauration des écosystèmes naturels afin d’assurer aux générations futures un avenir durable.
La Décennie a été initiée par l’Assemblée Générale de l’ONU après une proposition de soixante-dix États, préoccupés par la perte de biodiversité et l’impact du changement climatique sur la nature et les êtres vivants. Sous l’égide du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) et de l’Organisation pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), cette Décennie a pour objectif de développer et d’orienter un mouvement international de restauration afin d’assurer aux générations futures un avenir durable.
Elle inclut un plaidoyer politique en faveur de la restauration, mais également des centaines d’actions sur le terrain. Cette initiative mondiale est d’une importance capitale, car aujourd’hui, seul 1 % des financements climat est consacré aux Solutions Basées sur la Nature. Or, un seuil de 30 % d’écosystèmes prioritaires restaurés permettrait d’éviter la disparition de 70 % des espèces, selon une étude publiée dans la revue Nature en 2020.
Les Acteurs de la Décennie des Nations unies sont des entités issues du secteur privé (petites et moyennes entreprises) ou des organisations à but non lucratif, qui développent activement des programmes de restauration et conseillent, soutiennent, ou facilitent les activités de restauration sur le terrain. Ils jouent un rôle de premier plan dans le mouvement mondial de restauration des écosystèmes naturels et dans la construction d'une économie de la restauration.
Depuis 2021, l’association Valiha Diffusion mène des projets de plantation de bambou à Madagascar pour restaurer des écosystèmes forestiers touchés par la déforestation en liens étroits avec les communautés locales. En tant qu'acteur, Valiha Diffusion est amenée à prendre part aux événements de la Décennie au niveau national et au niveau international, à diffuser les initiatives de communication, tout en s’inscrivant au sein d’un groupe mondial d’experts et d’entités de premier plan au service de la restauration des écosystèmes. À cet égard, l’association fournit son expertise à la taskforce « Best Practices » de la UN Decade et contribue à la restauration des écosystèmes en accord avec les lignes directrices et les méthodes fournies par la Décennie.
Au cours des dix prochaines années, Valiha Diffusion souhaite contribuer au développement de projets de reforestation avec le bambou qui alimentera l’axe 1 de la Décennie des Nations unies, en plus d’actions de sensibilisation du grand public en faveur de la restauration et de la protection des forêts et de l’accroissement du nombre de projets de reforestation développés et financés. Valiha Diffusion accompagne dans la construction, l’optimisation, le suivi et la mesure d’impact des projets. Elle travaille au renforcement continu d’outils de construction, de suivi et de mesure d’impact des projets en nous appuyant sur les nouvelles technologies et pratiquestraditionnelles.
VERBATIM
Sophie Ratsiraka, ministre de l’Artisanat et des métiers
« La filière bambou est appelée à prospérer dans la région Atsinanana. Des efforts sont déployés par le
ministère de l’Artisanat et des métiers pour mettre en avant cette filière dans cette partie du pays. C’est dans cette optique qu’une campagne de reboisement de bambou a été lancée à Ilaka Est dans le district de Vatomandry. Trois mille pieds de bambou ont été mis en terre dans cette localité. La partie Est a été choisie exceptionnellement pour son climat où il pleut presque toute l’année ».
Njaka Rajaonarison, Consultant en développement de chaîne de valeur
« Paradoxe pour une île consi-dérée comme parmi la plus riche en diversité de bambous. Madagascar compte une trentaine d’espèces endémiques avec une quinzaine d’espèces introduites d’Inde et de Chine. Malheureusement, sa valorisation n’est qu’au niveau artisanal focalisé principalement sur les mobiliers. Madagascar accuse un grand retard dans son exploitation ».
LA FILIÈRE BAMBOU EN CHIFFRES
L'express de Madagascar