Chercher la petite bête

Si la période de Noël est aussi celle du fourmillement qui caractérise les points névralgiques de la ville, en effervescence, notre quotidien est également le lieu d’une invasion massive. La saison est également propice au rendez-vous annuel des petites bêtes qui s’invitent chez nous, mettant ainsi à mal notre tranquillité déjà fragile le reste de l’année. Une prolifération d’insectes qui fait partie intégrante des batailles qui remplissent le calendrier.

Les insectes jouent alors leur musique grinçante faite de bourdonnements, de vrombissements, ou de grattages, ce qui donne à certains moments de notre journée un rythme infernal. Considérés depuis notre perspective nombriliste, qui ne voit pas au-delà de notre petit doigt, un ailleurs peu important selon le philosophe David Hume, nous ne percevons que la nuisance. Ils peuvent même symboliser la punition, comme celle infligée par Athéna à Arachné, transformée en araignée, pour avoir osé défier la déesse.

Un point de vue stoïcien dirait que les mouches, les moustiques, les cafards ou les termites font partie intégrante du cosmos où ne prévaut que l’harmonie. Les notes qu’ils jouent, assourdissantes pour nous dont la vision est limitée, font partie de cette harmonie universelle. Spinoza dirait aussi qu’ils possèdent leur essence régulière inscrite dans un ordre naturel. Des avis qui seraient confirmés par ceux qui ont une certaine maîtrise des mécanismes de l’écosystème.

Dans son court roman La Métamorphose (1915), Franz Kafka raconte l’expérience traumatisante de Gregor Samsa qui se réveille sous la forme d’un coléoptère. Sa vie bascule et il entre dans le club des objets de répulsion, où sont membres d’office les insectes, la famille qu’il a rejointe. Cette fable peut également être vue comme l’histoire de la rupture de la ligne de démarcation, une frontière pas si claire que l’on pense, qui sépare l’humain des créatures “inférieures” qui, pourtant, participent à la vie, et aussi à la destruction comme les fourmis dans le roman Cent ans de solitude (G. Garcia Marquez, 1968).

Les rues grouillent de vie durant cette tumultueuse phase sismique qui a pour épicentre la célébration de la Nativité. Et la vie s’affirme aussi, avec plus de densité, à travers l’épanouissement manifeste des insectes qui s’incrustent dans notre existence pour le pire, mais aussi pour le meilleur lorsque l’on élargit notre regard vers la perpétuation du “cycle de la vie”.

Car dans l’exécution de cette merveilleuse et admirable symphonie de la vie, les insectes tiennent également une place prépondérante au sein du grand orchestre où l’homme a tendance à désaccorder trop souvent l’ensemble.

Fenitra Ratefiarivony

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