Un demi-siècle prévu pour alimenter l'ile en eau potable

Un reboisement communautaire réalisé par le fokonolona pour retenir les eaux pluviales.

En mai 1961, l'éminent hydrogéologue Jean Archambault écrit un rapport sur une mission de l'Organisation mondiale de la Santé concernant l'alimentation en eau de Madagascar. D'après ce rapport, les habitants des villes, c'est-à-dire à peine 12% de la population, sont ravitaillés en eau. Ils ne sont pour la plupart que partiellement satisfaits dans leurs besoins. Aussi, dans un proche avenir, ne serait-ce qu'à cause des accroissements continus des populations urbaines, leur système d'alimentation en eau doit être prévu.

Le gouvernement de la première République se penche, certes, depuis le début, sur les études des experts qui affirment qu'il faut, au moins, 60 milliards de francs de travaux pour réaliser un programme sur cinquante ans. Il n'est pas moins vrai qu'il faut envisager annuellement plus d'un milliard de dépenses pour réaliser les travaux. Et encore, les villages de moins de trois cents habitants n'y sont pas compris, soit une population de trois millions d’âmes » (chiffres de 1959).

Cependant, quel qu'en soit le prix, l'eau est un facteur vital pour la santé de l'homme et l'économie du pays. Aussi, une série d'enquêtes et d'études est-elle initiée à ce sujet, en tenant compte du taux d'accroissement annuel de la population qui est de 2,39%.

Jean Archambault suggère même l'institution d'un Comité national de l'eau. Selon lui, la principale mission de celui-ci sera de centraliser tous les documents et études qui touchent le problème, d'établir et de promouvoir un vaste plan de campagne et d'actions, en vue d'une bonne répartition de l'eau sur tout le territoire, et de fixer les ordres de priorité concernant les travaux ainsi envisagés.

D’après ce plan, d'une façon générale, les adductions proviendraient des fleuves et des rivières. Certains lacs de cratères deviendront éventuellement des réservoirs naturels d'eau de consommation. Dans certaines régions, le pompage des eaux souterraines s'avèrera la seule ressource. Dans d'autres, les grands bassins déjà construits conserveront le maximum d'eau des pluies.

Comme les canaux de conduite d'eau traverseront parfois d'assez longues distances avant d'arriver dans les villages, ils pourront, au passage, irriguer les zones restées arides, favoriser la création de nouveaux espaces verts qui grandiront pour devenir des forêts, « la forêt appelant la pluie et ainsi entretenant l'eau ».

L’adduction d’eau à domicile est encore rare et les femmes font leur lessive dans les bassins publics sinon dans les rivières.

On pense associer à ce plan, dans les bourgades de plus de trois cents habitants, les fokonolona qui seront bien structurés, très entreprenants et habitués aux grands travaux d'utilité publique. Certains prennent même l'initiative d'établir leurs adductions d'eau quand il y a une facilité de faire venir l'eau. Pour d'autres, la difficulté en ravitaillement en eau les pousse à engager un effort colossal.

Toutefois, le rendement n'est pas toujours satisfaisant : ou l'on bute contre des problèmes, ou l'étude préalable n'est pas sérieuse, ou les moyens de la population ne suffisent pas à réaliser les travaux d'envergure. D'où perte de biens et d'efforts considérables sans parler de la déception totale.

Et comme le plan ne prévoit que les bourgades de plus de trois cents habitants, c'est-à-dire la moitié de la population, il reste, éparpillés dans les campagnes, près de trois millions de vrais paysans (en 1961). Ils sont parfois groupés dans des villages de trente maisons tout au plus, mais qui ne sont pas moins intéressants.

Mais ce plan de cinquante ans se réalise à peine et la situation durant ces décennies se dégrade de plus en plus avec l'explosion sociale dans les villes, la destruction des forêts, la sècheresse permanente dans certaines régions, le morcellement des terrains de culture faute d'aménagement et de réforme agraire...

Pela Ravaitera

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