EXPOSITION - Roméo Mivekannin présente « Correspondances »

Pour sa première exposition à Madagascar, l’artiste franco-béninois Roméo Mivekannin dévoile « Correspondances » à la Fondation H.

“Fahatsiarovana”, une œuvre en métal symbolisant le lien spirituel entre les vivants et les ancêtres.

À la Fondation H, l’exposition « Correspondances » signée Roméo Mivekannin et présentée par la curatrice Raininoro Hobisoa, invite à un voyage à travers les mémoires croisées du Bénin, de la France et de Madagascar. Pour sa première présentation sur la Grande Île, l’artiste franco-béninois a été convié à imaginer une création spécialement dédiée au public malgache. Une démarche qui l’a conduit à explorer en profondeur les ponts historiques et culturels unissant ces trois territoires marqués par la colonisation.

À son arrivée, Mivekannin s’est intéressé à la dernière période monarchique malgache et a découvert une résonance frappante avec sa propre lignée : il est descendant du dernier roi du Bénin, Béhanzin, exilé en Algérie, tout comme la reine Ranavalona III à la fin de la royauté malgache. Ce parallèle, entre exil, résistance et perte de souveraineté, est devenu le cœur battant de « Correspondances », où l’art sert de passerelle entre les histoires et les mémoires collectives.

Parmi les œuvres exposées figure « Fahatsiarovana », une sculpture en métal réalisée en collaboration avec Finoana Ratovo. Inspirée des rites vodou béninois et des traditions malgaches rendant hommage aux ancêtres, l’œuvre explore la connexion entre le monde des vivants et celui des disparus. On y retrouve des symboles communs tels que les aloalo ou les teza, témoignant d’une vision partagée du sacré et du respect des ancêtres.

Travail approfondi

Historien de l’art de formation, Mivekannin s’interroge aussi sur les traces douloureuses du colonialisme et de l’évangélisation dans les sociétés africaines. Avant de concevoir son œuvre, il a mené un travail approfondi : lecture d’ouvrages historiques, visite du Rova d’Ambohimanga, échanges avec des chercheurs et historiens malgaches. Son objectif: comprendre les correspondances culturelles entre le Bénin et Madagascar et en proposer une interprétation artistique contemporaine.

Une autre partie marquante de l’exposition repose sur douze cartes postales coloniales revisitées. Ces images d’époque, empreintes de préjugés sur les Africains, ont été retransformées : Mivekannin a recouvert les visages, les a protégés sous de vieux draps, et y a ajouté des broderies symboliques réalisées avec Harivololona Rasamison. Les fils de couture, semblables à des champignons cicatrisants, incarnent une guérison symbolique des blessures du passé.

Fermée pendant un mois en raison du contexte politique, l’exposition attire désormais jusqu’à 1 000 visiteurs par jour depuis sa réouverture. Des événements, sous forme d’ateliers et de performances de slam, sont également prévus pour rendre hommage aux disparus, prolongeant ainsi le dialogue entre mémoire, art et spiritualité.

Avec « Correspondances », Roméo Mivekannin transforme les cicatrices de l’histoire en une œuvre de réconciliation et de transmission, rappelant que le passé, aussi douloureux soit-il, peut devenir matière à réflexion et source de renaissance.

Cassie Ramiandrasoa

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