Jacob Rekoria, originaire de la région Androy, un octogénaire, a soutenu son mémoire de master en sciences sociales au Centre universitaire régional d’Androy (CURA).
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| Jacob Rekoria tout sourire. |
Inspiration garantie. Ceux qui ont assisté à la soutenance de Jacob Rekoria, 87 ans, ont été transportés par une sensation particulière. « Papi », comme on l’appelle au Centre universitaire régional d’Androy (CURA), basé à Ambovombe, a soutenu son mémoire de master en sciences sociales lundi dernier. « Signification du Vilogne dans la vie sociale Ntandroy » a été le thème choisi par l’octogénaire, qui y a obtenu une mention honorable de la part du jury.
« Le Vilogne » est la trace laissée sur les oreilles des zébus. Cette trace est une forme de signature de l’appartenance ethnique et de l’origine des zébus. Ici, la marque d’appartenance d’un zébu n’est pas une puce électronique, mais un « Vilogne ». « Le Vilogne est une marque d’échanges entre les tribus », explique-t-il dans son exposé.
Jacob Rekoria est originaire d’Amboroho, commune située à 16 km d’Ambovombe. Instituteur retraité, il avait l’ambition de couronner sa carrière par des études supérieures et s’est inscrit au CURA à l’âge de 75 ans. Il a choisi de mener des recherches sur le « Vilogne » dans sa profondeur culturelle, ayant été gardien de zébus durant son enfance. Son défunt père lui a tout appris concernant les zébus. « Entamer des recherches approfondies sur le ‘Vilogne’ constitue un devoir de gratitude envers mon père, qui nous a quittés quand j’avais seulement 9 ans », confie-t-il.
Avec brio
Jacob Rekoria a été hué et quelque peu marginalisé par des étudiants plus jeunes que lui, âgés en moyenne d’une vingtaine d’années. « Un papi qui fréquente encore les bancs de l’école n’est pas très commun. Mais Jacob Rekoria a tenu tête à ses intimidateurs », raconte l’un de ses collègues étudiants, Beyndrova Paubert. « Il a soutenu avec brio, n’a pas eu froid aux yeux et a bien répondu à ses examinateurs. Il maîtrise son sujet et constitue une figure emblématique dans la région Androy en ce qui concerne le ‘Vilogne’. »
L’octogénaire a lu ses manuscrits écrits par lui-même durant sa présentation, tandis qu’un assistant manipulait les diapositives PowerPoint à l’écran. Il est encore très en forme physiquement et arrive à parcourir les 7 km aller-retour du trajet entre la ville d’Ambovombe et le CURA. Il a commencé le primaire à l’âge de 17 ans et utilisait à cette époque des feuilles et des épines de sisal comme cahier et stylo.
Après son BEPC, il a décroché un Certificat d’aptitude pédagogique (CAP) pour débuter dans l’enseignement. Même en tant qu’instituteur dans des écoles rurales, il a continué à prendre soin des zébus. Les Ntandroy vivent avec la culture de la polygamie, mais Rekoria a toujours été monogame. Son seul petit problème actuellement est qu’il n’entend plus très bien. Il ne porte pourtant ni prothèse auditive ni lunettes.
Mirana Ihariliva
