Des amis ayant grandi à Anjeva racontaient comment ils attrapaient chaque matin le train Anjeva-Soarano, pour rejoindre Sainte-Famille, à Mahamasina. Et le soir, ils rentraient tranquillement sur les rives de l’Ampasimbe.
Une vingtaine de kilomètres en vingt petites minutes. Que, dans les embouteillages de 2025, une voiture mettrait deux heures à parcourir. Les horaires étaient invariables et les trains pouvaient se permettre d’être ponctuels. Sans l’aléa d’un cortège de taxibe bouchonnant Ambohimangakely-Ambohimahitsy-Mahazo-Ampasampito. Sans la mauvaise surprise de gros camions dans la circulation urbaine. Sans le désagrément de chaussée à moitié occupée par les marchands tandis que l’autre moitié roule au pas derrière une charrette à bras et son fret de bidons jaunes.
En novembre 2010, l’événement «Jazz in train» avait fait Tana-Anjiro-Tana : trois heures à l’aller mais quatre heures au retour parce qu’il fallait à la vénérable locomotive franchir la rampe de la Mandraka, ses courbes serrées en très forte pente. Ce pique-nique concert à la spectaculaire boucle d’Anjiro avait été possible seulement parce que la circulation ferroviaire se faisait déjà par intermittence.
Courant 2009, l’alors «Nouvelle Brasserie de Madagascar» avait affrété un train spécial pour la dégustation de la SKOL qui devait offrir une alternative à la THB de la STAR. Le plus intéressant dans ce voyage ferroviaire, ç’avait été la possibilité que la SKOL sorte de l’usine d’Ambatolampy, embarque directement depuis la gare attenante et que ce train soit dépoté dans la cour d’un siège NBM envisagé du côté d’Andrefan’Ambohijanahary.
En 1997-1998, une équipe du ministère des Transports avait fait le voyage de la Mandraka à bord d’une Micheline, dont le premier exemplaire circula sur les rails malgaches en 1932. Chaque jeudi, la Micheline mettait 10 heures pour parcourir les 372 kilomètres de la TCE (Tananarive-Côte Est). Le train faisait le voyage trois fois par semaine (mercredi, vendredi, dimanche), partant de Soarano à 6 heures 30 pour arriver à Toamasina à 18 heures 05. Voilà soixante ans, des études voulaient combler l’absence de continuité ferroviaire entre Antsirabe et Fianarantsoa. Mais, même la liaison avec la vallée de la Manandona, un peu au Sud d’Antsirabe, n’a pas progressé d’un seul kilomètre de rail.
En attendant la réhabilitation de ce réseau «long-courrier», mais par contre au-delà de ce «train urbain» aujourd’hui arrêté à la gare appelée Ambohimanambola, alors que ladite gare se trouve précisément au pied d’Ambohibato, un train de banlieue aurait tout son sens : vers Ambatofotsy et Behenjy ; au-delà d’Anjeva, jusqu’à Manjakandriana...
Une publication officielle de 1970, rapport des activités 1959-1969, rappelait combien le ferroviaire avait été important : « Les Ateliers du Réseau, partie intégrante du Chemin de fer, constituent la plus importante industrie mécanique de Madagascar». Les lourdes charges étaient prises en charge par des trains spéciaux : transport du million de mètres cubes de terre, de la région d’Anjeva à la zone des 67 ha, en cours de remblaiement ; acheminement d’une laveuse de 21 tonnes, de 9 mètres de longueur et de 2,75 mètres de hauteur pour la brasserie d’Antsirabe.
Gare de Soanierana, gare d’Ambohimanambola, gare d’Anjeva : il faut sauver toutes ces jolies gares avant qu’il ne soit définitivement trop tard. Oeuvre d’archéologie patrimoniale ferroviaire. Gares caste postale, gares périurbaines d’un exotisme nostalgique, gare plus lointaines de liaison utilitaire ou de tourisme décalé : Antananarivo-Toamasina (372 km, 33 gares, 30 tunnels), Moramanga-Lac Alaotra (168 km, 16 gares), Antananarivo-Antsirabe (158 km, 12 gares, 7 tunnels), Fianarantsoa-Manakara (163 km, 17 gares, 58 tunnels). «Attention, attention, le train entre en gare»...
Nasolo-Valiavo Andriamihaja