Amuse gueule 

Cela dépasse l’entendement. On sait qu’il y a des trafics d’or, de pierres précieuses, de tortues, de makis, de bois précieux, d’influence… mais on était loin d’imaginer le montant de l’argent blanchi dans les banques offshores et le volume d’or transporté à l’étranger au nez et à la barbe de la douane, de la police aux frontières, des scanners… À en juger les organes de contrôle et de surveillance du territoire, on pensait que même une puce ne pourrait pas échapper à la vigilance des autorités investies de cette responsabilité. Que nenni. Les ports et les aéroports ont toujours été des passoires à tel point que les tortues peuvent y passer sans avoir besoin d’être enfouies dans les parties intimes des trafiquants. Cela ne date pas d’aujourd’hui ni d’hier. Depuis trente ans, les meilleurs saphirs et les meilleures émeraudes les plus chers vendus à l’étranger viennent d’Ilakaka ou d’un autre gisement sans que Madagascar en tire profit.

On ne peut qu’être sidéré en découvrant dans la presse étrangère le montant de l’argent déposé dans des banques étrangères par certains individus. Et pourtant, il y a tout un arsenal pour contrôler l’utilisation de l’argent de l’État depuis la première République à l’image de l’Inspection générale de l’État, le Contrôle financier, la Cour des comptes… Mais au fil des années ils sont devenus des coquilles vides ou vidées de leurs attributions et ne fonctionnent plus comme il le faut. Ces organes manquent de matériel et d’équipement pour pouvoir assumer leur tâche et, d’ailleurs, la politique s’en mêle dès que des anomalies sont signalées. Les affectations et les limogeages sanctionnent les plus courageux sans aucun état d’âme. 

Plus tard, sous la pression des bailleurs de fonds, des organismes de lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent ont été instaurés. Ils sont légion et on en crée encore. En nombre d’institutions, nous figurons dans le top 10 mondial. Mais en vingt ans d’existence ils n’ont pas pu faire reculer d’un empan ni la corruption ni le blanchiment de capitaux. À Maurice, une seule institution fait le boulot de dix organismes avec l’efficacité que l’on connaît. Même un Premier ministre n’a pas pu y échapper.

Ces organismes ont été instrumentalisés pour servir les intérêts de certaines personnes et cela explique l’hémorragie pécuniaire que l’on découvre aujourd’hui. Et pour le moment, ils ont choisi de travailler dans la “sérénité et la discrétion “ comme ils ont l’habitude de déclarer devant des scandales financiers connus comme le loup blanc. Ils se contentent de servir des amuses gueule à la presse pour esquiver les questions impertinentes.

On sait pertinemment qu’il devait y avoir des complices pour faciliter ces trafics et blanchiment. 

À l’heure où “le wind of change” est chantonné partout, il est plus que jamais temps d’en finir avec ces pratiques et de prendre le taureau par les cornes.

Sylvain Ranjalahy

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