Très cigale, peu fourmiTrès cigale, peu fourmi

Les remblais, le remblaiement : ce n’est pas non plus comme si c’était tout nouveau. Cette Chronique en parle depuis trente ans. C’est comme les Trano Gasy : quand elles auront fini de toutes disparaître, les bonnes âmes crieront au scandale, mais toujours tardivement. Pourtant, cette Chronique évoque régulièrement le sujet, mais toujours dans l’indifférence générale. 

La vraie Antananarivo, celle qu’avaient voulu ses fondateurs des siècles passés, n’est certainement pas la ville basse (lac Mahazoarivo, 1255 m ; lac Anosy, 1250 m ; ampefiloha-67ha, 1249 m ; Ambodin’Isotry, 1245 m) qui se situe à près de 250 mètres en contrebas du «Vohitra» originel que l’administration coloniale qualifia de Haute-Ville : Faravohitra, 1320 m ; Ambohijatovo-Avaratra, 1360 m ; Andohalo, 1396 m; Rova d’Andrianjaka, 1468 m ; Ambohimitsingina-Tsiazompaniry, 1483 m. 

Cette topographie a été sciemment reniée. Volonté d’un urbanisme à la française, impossible à déployer sur les sommets et les flancs de la colline d’Antananarivo ; spéculation foncière et appétits immobiliers d’une bourgeoisie coloniale compradore dont le lobby a décidé du tracé ferroviaire dans une plaine mésopotamienne, entre Ikopa et Imamba. Une fois la plaine du Betsimitatatra désanctuarisée, il était juste une question de temps avant que d’autres volontés récidivent ailleurs : route circulaire au pied du Rova d’Antananarivo (1924), quartiers polders des lotissements d’Ampefiloha et de l’opération 67ha (plan d’urbanisme Dorian/Maitre/Razafy-Andriamihaingo de 1954), plan Arsac/Pelletier toujours dans la ville basse (1963), Laniera (2016-2025)... 

Le précédent du bypass, amenant ces millions de mètres cubes pour tout remblayer entre Iavoloha et Ambohimangakely, sans oublier la bretelle Ankadimbahoaka-Ankadihevo, fait jurisprudence «moderne». Tsarasaotra-Ivato, Ankazomanga-Ankasina-route digue, Amoronankona-Andranobevava : tout nous est systématiquement présenté comme le «progrès» ou la «modernité» sans que jamais on voit la disparition de bouchons interminables que ces pénétrantes et ces radiales mordant sur les rizières étaient supposées (au moins) alléger. 

J’ai retrouvé la plaquette de présentation d’une causerie sur «Le processus de remblaiement à Antananarivo : traduction spatiale et prise en compte dans la planification», organisée par l’Institut des Métiers de la Ville, le 7 mars 2012, avec l’intervention de Pauline Abrieu, alors étudiante en Master 2 de Géographie à Panthéon-Sorbonne : «Révélatrice des tensions pouvant exister entre agriculture urbaine et urbanisation, la diffusion des remblais en plaine est l’une des manifestations les plus violentes de la croissance de l’agglomération d’Antananarivo. Dans sa forme actuelle, le phénomène de remblaiement est souvent décrit comme l’un des problèmes majeurs de la capitale malgache : conséquence d’initiatives individuelles, peu ou pas encadrées, il serait à l’origine d’un développement urbain incohérent générateur d’inégalités et de risques environnementaux». 

Sur le front des remblaiements, rien de nouveau. 

Nasolo-Valiavo Andriamihaja

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