Et les frustrations et toute la détresse subies pendant trop longtemps ont pu s’exprimer. Les récents événements furent les manifestations du débordement d’une coupe qui contenait toute l’amertume que la population consomme quotidiennement. La pauvreté ayant aussi fait son œuvre, les revendications furent parasitées par une série de faits où s’affirma un esprit intoxiqué par le dénuement et qui se manifeste à travers le vandalisme et le pillage. Ainsi, les derniers jours ont aussi révélé un état pathologique général, un mal spirituel qui hante le pays et dont les symptômes ont été exacerbés par les derniers événements. Dans le chaos, l’homme retrouve cet état de nature qui est, selon Hobbes, celui où «l’homme est un loup pour l’homme».
Quand on est privé des ressources essentielles pour pouvoir naviguer sereinement dans le monde de ce siècle de développement technique et technologique, on a un sentiment, totalement compréhensible, d’être démuni, de dépouillement qui éloigne des besoins fondamentaux. Ainsi, ce sentiment pénible, trop longtemps réprimé, s’est libéré. Mais au milieu de ces cris de désespoir s’est incrustée une propension à la destruction ; l’expression de cette mauvaise graine a pris des proportions qui dépassent la force des doléances émises sur les réseaux sociaux et la place publique. Et dans tout cela, c’est la misère qui s’incarne.
Le climat est ainsi celui où l’enveloppe de la nuit succède aux jours en empoisonnant la ville de sa sombre emprise. Car la nuit n’est pas seulement dans les rues mais aussi dans les esprits, pas épargnés par la peur chez certains et envahis par les ténèbres, qui appellent à la dévastation, chez d’autres. Les nuits sont alors constituées de ces heures sombres où l’on redoute encore plus le démon de l’insécurité qui voit ses forces décupler. L’obscurité est, entre autres, celle de la pauvreté qui, en plus d’être matérielle, est intellectuelle, la source de tous les maux selon Socrate.
Quand on connaît l’état précaire de l’instruction et de l’environnement scolaire, un nombre important de citoyens est en permanence exposé au poison de l’ignorance qui ronge une éducation qui perd en qualité. Beaucoup sont ainsi privés de ce qui ouvre la porte d’une humanité véritable, celle que préconise le philosophe Emmanuel Kant, celle d’une autonomie où nos décisions sont les produits de la raison pratique, dont l’activité réflexive précède les choix moraux. Quand l’éducation, qui édifie cet outil du jugement qu’est la raison, fait défaut, d’autres facteurs prennent le dessus dans les décisions et font proliférer les pilleurs en puissance.
Fenitra Ratefiarivony