Maîtrise des finances publiques : une nécessité stratégique pour Madagascar

La maîtrise des dépenses publiques est aujourd’hui un impératif. Selon le dernier communiqué du Fonds Monétaire International (FMI), les engagements de dépenses de l’État ont dépassé les recettes fiscales durant le premier semestre de l’année. Face à cette situation, les autorités doivent impérativement activer des mécanismes de contingence pour rester en ligne avec les objectifs budgétaires.

Le constat est sans appel : l’État dépense plus qu’il ne collecte. C’est une équation simple mais aux conséquences lourdes. Sans un contrôle rigoureux de nos finances publiques, nous risquons de voir notre dette publique s’accroître de manière insoutenable, au point de dépasser notre Produit Intérieur Brut (PIB). L’exemple de pays comme la France, la Grèce, l’Argentine ou encore le Zimbabwe au cours de la dernière décennie illustre clairement les conséquences économiques, sociales et politiques d’un tel déséquilibre.

La gestion rigoureuse des finances publiques n’est pas seulement une exigence technique : c’est une question de souveraineté nationale. Elle conditionne notre capacité à résister aux chocs économiques et géopolitiques. Pour un gouvernement responsable, le suivi trimestriel de l’exécution budgétaire devrait être une priorité, afin d’identifier rapidement les dérapages éventuels et d’y remédier.

Il est aussi essentiel de respecter strictement les principes d’orthodoxie budgétaire. Chaque dépense publique doit être orientée vers la création de valeur et le développement durable du pays. Cela suppose de hiérarchiser les priorités, en investissant uniquement dans les projets véritablement utiles et nécessaires à court et moyen termes.

L’État doit tracer une politique économique claire et cohérente, capable de soutenir le secteur privé – notamment les PME et PMI – qui représentent le principal vecteur de croissance nationale. Les secteurs primaire et secondaire doivent être privilégiés afin de réduire notre dépendance aux importations, lesquelles fragilisent notre balance commerciale et notre politique monétaire.

Par ailleurs, des investissements massifs sont indispensables dans les infrastructures énergétiques, routières et agricoles. Sans cela, Madagascar ne pourra attirer les investissements directs étrangers (IDE), malgré tout discours incitatif. Nous devons également garder à l’esprit que nous évoluons dans un environnement concurrentiel : des pays voisins comme l’île Maurice ont déjà pris une avance significative dans ces domaines.

La seconde priorité concerne les recettes publiques. Un écart persistant existe entre les prévisions budgétaires et les montants effectivement collectés. Avec un taux de pression fiscale avoisinant 14 %, Madagascar figure parmi les pays africains les moins performants en la matière. Un objectif réaliste serait de porter ce taux à au moins 20 % d’ici à la fin du quinquennat présidentiel.

Pour y parvenir, plusieurs actions sont nécessaires :

• Renforcer les contrôles fiscaux, aujourd’hui entachés par le favoritisme et la fraude.

• Accélérer la digitalisation des procédures fiscales et douanières, afin de réduire la corruption et les sous-déclarations.

• Légiférer contre l’optimisation fiscale abusive, notamment par certaines grandes entreprises disposant de structures à l’étranger permettant d’éluder l’impôt.

• Intégrer le secteur informel, qui représente près de 15 % du PIB, dans le circuit économique formel via des incitations à la régularisation.

Dans le cadre de l’élaboration du budget 2026, la mobilisation des ressources intérieures devra être placée au cœur de la stratégie fiscale, en tenant compte des importants besoins de financement pour le développement.

Enfin, la Banque centrale doit pleinement assumer son rôle dans la conduite de la politique monétaire nationale. Elle doit le faire en toute indépendance, sans interférence politique, conformément aux standards internationaux. Une banque centrale forte et autonome est un pilier essentiel pour maîtriser l’inflation et stimuler la croissance économique.

À ce jour, Madagascar enregistre une croissance modérée, autour de 4 %, couplée à une inflation élevée, estimée à 7,9 %. Ce déséquilibre doit alerter : il n’y a pas de miracle économique sans vision stratégique, ni politique cohérente.

Serge Jovial Imbeh

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