Le Village artisanal Ivato peine à séduire les artisans malgré ses ambitions. Le ministère espère qu’il offrira une meilleure visibilité aux créations malgaches.
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Des œuvres d’artisans malgaches lors du Bazar de la SADC. |
Présenté comme une vitrine internationale du savoir-faire malagasy, le Village artisanal de Tsarasaotra Ivato peine à mobiliser les artisans. Lancé par un appel à manifestation d’intérêt, le 23 juillet dernier, le dispositif n’a recueilli que très peu de candidatures, bien en deçà des ambitions du ministère.
Sur le papier, le projet est ambitieux. Implanté sur 2,1 hectares à deux pas de l’aéroport d’Antananarivo, il prévoit d’abriter 250 boxes de vente, 10 ateliers de démonstration, 41 espaces d’exposition et 20 stands de prestige. L’objectif est clair : apporter aux artisans un lieu moderne pour vendre, exposer et valoriser leurs créations — sculpture, tissage, maroquinerie, bijouterie, bois, soie, cuir — ainsi que des produits emblématiques comme la vanille, le chocolat ou le caviar.
Sur le terrain, l’enthousiasme tarde à venir. Plusieurs artisans affirment n’avoir même pas eu connaissance de l’appel, dénonçant une communication insuffisante : « Tout est passé par le site web et Facebook, ce n’était pas assez », confie un responsable du ministère, pointant une diffusion trop limitée.
D’autres obstacles se trouvent dans les démarches administratives. « Beaucoup d’artisans ne sont pas habitués aux procédures : lettre de motivation, papiers fiscaux… La barrière de la langue et la lourdeur des formalités bloquent », explique Hantanirina Andriamahay, gérante de Ts’art Fitafy. Bien qu’elle ait elle-même déposé un dossier, elle regrette que plusieurs de ses collègues aient été laissés à l’écart.
Crainte
La fiscalité inquiète également. « Les artisans gagnent peu, vendent surtout sur les marchés hebdomadaires, avec des marges très faibles. Être formel, payer des taxes, c’est difficile — 99,9 % du secteur reste informel », poursuit-elle. La crainte d’un loyer excessif pour les boxes aggrave aussi les réticences.
Le ministère tente de rassurer. Le directeur général de l’Artisanat, Kajaly Dunest Audace Rabin, réaffirme son ouverture : « Plusieurs dossiers ont déjà été retenus et d’autres sont en cours d’examen. Nous ne fermons la porte à personne. Même les artisans encore informels peuvent candidater et régulariser leur situation au fur et à mesure. »
Concernant les coûts, il assure qu’« il n’est pas encore fixé, mais il sera en cohérence avec les moyens réels des artisans. Notre but est de leur donner accès à une vitrine, pas de les mettre en difficulté. »
Pour lui, ce projet représente une véritable opportunité : « Le Village artisanal sera le portail d’entrée de Madagascar. C’est une occasion unique de mettre en avant nos produits de qualité et de renforcer le professionnalisme de nos artisans. Nous voulons que chacun y voie une opportunité pour grandir et se faire connaître, ici comme à l’international. »
Le ministère maintient donc son appel ouvert, dans l’espoir que davantage d’artisans franchissent le cap et saisissent ce moment historique.
Irina Tsimijaly