SANTÉ À MADAGASCAR - Un long chemin à faire

À Madagascar, se soigner relève trop souvent du parcours du combattant. Entre infrastructures insuffisantes, pénurie de personnel médical, ruptures de stock de médicaments et soins inaccessibles pour la majorité, le système de santé malgache est à bout de souffle.

De longues files d’attente sont constatées à chaque caravane médicale.

Des salles d’attente bondées et de longues files devant les bureaux des médecins spécialistes exerçant dans les hôpitaux de Madagascar, où certains patients sont assis à même le sol, d’autres sont arrivés très tôt pour espérer voir un médecin. « Nous sommes là depuis 4 heures du matin », témoigne Kantotiana, souffrant d’un problème gynécologique, devant le bureau d’un gynécologue réputé d’un hôpital de la capitale cette semaine.

Dans les services des urgences des centres hospitaliers, les lits sont également pleins : certains patients nouvellement arrivés sont pris en charge sur un fauteuil roulant, d’autres se voient même refusés et référés dans un autre hôpital, faute de place. « Malheureusement, arrivés à l’hôpital recommandé, nous sommes rentrés bredouilles, et avons dû aller dans une clinique privée, car on nous a expliqué que l’oxygène de cet hôpital public n’était pas opérationnel », se remémore Sylvia, ayant emmené son père souffrant d’une détresse respiratoire au Centre hospitalier universitaire (CHU) Andohatapenaka au mois de juin.

Près de soixante-treize mille nouveaux cas arrivent dans les services des urgences des CHU à travers Madagascar, selon les statistiques du ministère de la Santé publique en 2022. Ils ne représentent même pas 1 % de la population, mais il n’y a pas assez d’infrastructures pour les accueillir. Les structures hospitalières sont insuffisantes, tout comme les professionnels de santé, rendant les soins inaccessibles pour la majorité des malades.

En 2019, Madagascar disposait de 22 CHU, 16 centres hospitaliers de référence régionale (CHRR), 99 centres hospitaliers de référence du district (CHRD), 2 710 centres de santé de base (CSB) et environ 940 structures sanitaires privées, selon le ministère de la Santé publique. Environ 45,22 % de la population se situe à moins de 5 km du CSB le plus proche, et 25,75 % habitent à plus de 10 km.

Le ratio médecins/population est, par ailleurs, de 0,2 pour 1 000 habitants à Madagascar. Ces chiffres restent bien inférieurs au seuil fixé par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), qui recommande 4,45 professionnels de santé (médecins, sages femmes et infirmiers) pour 1 000 habitants afin d’atteindre une couverture sanitaire universelle. « Cette pénurie de professionnels de santé peut entraîner l’insatisfaction des patients hospitalisés quant à leur prise en charge : les médecins de garde doivent souvent s’occuper de plusieurs patients en même temps. Certains malades risquent même de ne pas être pris en charge du tout », confie un médecin.

Mal répartis

Ces professionnels de santé sont en outre mal répartis. Selon une source médicale, 80 % des CSB, y compris les CSB II censés être dirigés par un médecin, sont en réalité gérés par des paramédicaux. Le plan de développement du secteur santé 2020-2024 indique que nombre de CSB sont fonctionnels mais non opérationnels, du fait, d’une part, de l’insuffisance de personnels qualifiés, et d’autre part, de l’inaccessibilité géographique et de l’insécurité. La plupart des médecins, et surtout des spécialistes, sont concentrés dans les grandes villes - notamment à Antananarivo - ce qui contraint des patients atteints d’accident vasculaire cérébral (AVC), dans les autres régions, à parcourir des centaines de kilomètres pour recevoir des soins.

L’accès aux médicaments est également problématique. Le bulletin de l’Ordre national des pharmaciens recensait seulement 432 pharmaciens à Madagascar en juillet 2023, soit en moyenne un pharmacien pour plus de 65 000 habitants, alors que la norme de l’OMS est d’un pharmacien pour 20 000 habitants. Le pays ne compte que 300 officines, dont près de la moitié sont concentrées dans la région d’Analamanga. 

Dans ces pharmacies, la rupture de stock de certains traitements, notamment pour les maladies neurodégénératives ou pathologies lourdes, est fréquente. Même des médicaments usuels comme des antibiotiques, des antalgiques ou de simples vitamines peuvent être indisponibles, notamment lors d’épidémies. « Nous achetons les médicaments de notre mère à l’étranger, car à Madagascar ils sont souvent indisponibles et coûteux », témoigne Tsiaro, fils d’une Parkinsonienne. Nombre de familles sont obligées de vendre leurs biens en cas d’hospitalisation, faute de préparation aux coûts liés. C’est le cas de la famille de Nirina, actuellement comateux au CHU JRA suite à un AVC, qui a vendu un véhicule pour poursuivre la prise en charge.

À Madagascar, ces scènes sont devenues banales. Selon l’enquête Afrobaromètre d’avril 2025, la santé figure parmi les trois principales préoccupations de la population, après la vie chère et l’insécurité. Le système de santé, sous financé et inégalement réparti, peine à répondre à une demande croissante. L’accès aux soins reste un luxe pour une majorité de Malgaches. Moins de 3 % du PIB y est alloué. La gratuité annoncée de certains services publics n’est souvent qu’un mirage: à part les premiers soins (d’un montant d’environ 70 000 ariary dans les CHU), les patients doivent financer le reste des traitements et les frais d’analyse, souvent inabordables. Le problème, c’est que nombreux sont ceux attirés vers des «faux» tradipraticiens, hors de contrôle, proposant des traitements potentiellement nocifs. Même des patients en cours de traitement dans les hôpitaux décident parfois de sortir avant la fin des soins, faute de moyens.

Résultats de l’enquête Afrobaromètre sur le système de santé à Madagascar, avril 2025

• La majorité (71 %) des citoyens malgaches déclarent avoir manqué de médicaments ou de soins médicaux au cours des 12 derniers mois, dont 37 % « plusieurs fois » ou « toujours ».
Parmi ceux ayant fréquenté une clinique ou un hôpital public durant cette période :
• Près de six sur dix (59 %) jugent qu’il a été « difficile » ou « très difficile » d’obtenir les soins nécessaires,
• Environ un quart (23 %) ont versé un pot de vin au moins une fois pour obtenir les soins indispensables,
• Une majorité signale avoir fait face « quelquefois » ou « souvent » aux coûts élevés des soins (72 %), au manque de médicaments ou autres fournitures (55 %), et aux longues attentes (54 %).
• Sept Malgaches sur dix (70 %) déclarent avoir « partiellement » ou « beaucoup » confiance dans le ministère de la Santé publique.
• Une légère majorité (53 %) approuve les efforts du gouvernement pour améliorer les services de santé de base, contre 47 % qui s’en disent insatisfaits.

Miangaly Ralitera

Enregistrer un commentaire

Plus récente Plus ancienne