Tourisme textuel

Madagascar parmi les meilleures destinations insulaires cette année. Ce n’est pas une blague puisque le classement émane d’Expedia, société américaine basée à Seattle, gérant plusieurs agences de voyage, exploitant quatre-vingt-dix marques et présente dans soixante pays. C’est du lourd, comme on dit. L’appréciation dérive du nombre de voyageurs qui ont choisi la destination Madagascar, en particulier ceux des Émirats. Ce sont donc les premiers résultats de l’ouverture des correspondances vers les Émirats Arabes unis et l’Arabie saoudite avec les vols Emirates et Etihad. 

Qu’est-ce qui attire ces touristes à Madagascar? Les lémuriens sûrement, la nature peut-être, les plages paradisiaques certainement, les sites touristiques à n’en pas douter.

 Il fut un temps où les slogans utilisés pour booster la destination Madagascar étaient, « une nature cinq étoiles » et «  sanctuaire de la nature ». Et on en restait là. On parle souvent de la relance du tourisme, de la promotion de la destination Madagascar dans les salons et foire, mais visiblement, il ne s’agit que d’un miroir aux alouettes. On jase beaucoup, on gesticule, mais au fond, la situation reste au même stade qu’il y a vingt ans, voire plus. À preuve, alors que Maurice a accueilli 1,3 millions de touristes en 2024 contre plus de cinq cent mille pour La Réunion, on en était à trois cent huit mille en 2024 et deux cent soixante mille en 2023. À cette allure, on mettra encore plusieurs années avant d’arriver au niveau des îles voisines. 

Il en faut davantage pour conquérir le million de touristes, objectif fixé pour 2028. Bien évidemment, il faut construire des infrastructures d’accueil comme des aéroports, des hôtels aux standards internationaux, des voies de communication, régler les problèmes d’énergie et d’eau, et trouver une solution à l’insécurité… pour séduire les éventuels candidats aux expéditions vers Madagascar. Mais il faut aussi faciliter certaines choses pour charmer les touristes qui risquent de ne plus revenir s’ils sont déçus. Des détails qui ont toute leur importance, à l’image des changes qui se font en trois secondes partout dans les établissements financiers à Maurice et aux Seychelles, alors qu’ici, le bureau de change n’existe même pas dans les grands hôtels. 

Madagascar abrite des sites comme on ne trouve nulle part ailleurs, comme le massif du Makay, objet d’un livre et d’un documentaire télévisé il y a quelques années, les Tsingy de Bemaraha, le canyon d’Isalo, des endroits exceptionnels à Ambatomilo, Itampolo… mais justement, on ne fait pas grand-chose pour les promouvoir. On n’en veut pour preuve que les Tsingy de Bemaraha, objet de ruée de touristes chaque année. Il faut dire qu’il faut beaucoup de courage pour y aller. 

Malgré les revenus générés par ce site du Menabe, le chemin qui y mène n’a rien à envier à celui de l’enfer avec en prime l’insécurité. Il faut s’y rendre avec un 4x4 pour espérer arriver à bon port. Pendant tout le trajet, aucune boutique, aucun restaurant, ni gargote. Sur place, il n’existe aucune structure d’accueil, aucun hôtel, ni chambre d’hôte Pour assouvir ses besoins, il faut avoir l’adresse d’un funambule et viser juste. 

Ailleurs, les réalités sont sûrement les mêmes. Du chemin reste ainsi à faire entre le tourisme textuel qu’on bassine depuis la nuit des temps et l’état des lieux.

Sylvain Ranjalahy

Enregistrer un commentaire

Plus récente Plus ancienne