Pour élargir l’horizon intellectuel d’une population trop occupée à sa subsistance pour se soucier de culture générale, il est de salut public d’installer sur les places de marché des écrans géants : mais, plutôt que de servir de hauts-parleurs à certains genres musicaux, ils partageront la réalité «Soa Fianatra» (apprendre du meilleur) de pays qui n’étaient pas si éloignés de Madagascar en 1947, mais qui, malgré de vraies guerres sur leur sol, ont rejoint le peloton de tête des pays émergents.
La Corée du Sud, qui a obtenu son indépendance du Japon en 1945, est de ceux-là. Un pays d’autant plus intéressant qu’il sait «être de son temps, et respecter son passé». Au pays de Samsung, Hyundai-Kia, Daewoo ou LG, au centre de la Capitale, et entouré comme assiégé par les tours de béton et de verre de la modernité, trône le palais royal Deoksu (palais-de-la-longévité-vertueuse) où s’effectue la reconstitution de la relève de la garde royale. Le dernier souverain a été contraint d’abdiquer en 1909, mais les Coréens respectent l’histoire qui a fait que leur pays n’est «ni un supplétif de la Chine, ni un ersatz du Japon».
Inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2015, les tombes royales de Songsan-ri, qui remontent à 1500 ans et l’époque du royaume de Baekje, sont un ensemble de sept tumulus hauts de 75 mètres. Elles ont été confiées aux archéologues en 1927. Le public, qui n’y a plus accès depuis 1990, peut admirer leur reconstitution dans un musée.
Très contemporain le «Gangnam Style» de ce quartier de Séoul : le Coexmall, qu’on présente comme le plus grand centre commercial du monde, exhibe une immense bibliothèque dont les étages de livres (avec 13 mètres de hauteur, difficile d’encore parler d’étagères) donnent l’impression d’être les piliers qui portent toute la voûte. Au milieu des 260 boutiques, 64 restaurants, cinéma, aquarium, night-clubs et musée Kimchi, LE livre n’est pas oublié. La Starfield Library en compte 50.000 à la libre disposition d’un public qui, pour une fois, n’est pas seulement le gogo d’une chalandise. Le mobilier urbain statuaire comporte des sculptures en bronze de livres, comme si un géant avait oublié sur les marches «Veritas», «Probitas», «Humanitas», «Caritas», «Civitas», «Artes», «Scientia»...
96% de taux de scolarisation dans l’enseignement primaire à la fin des années 1950 ; enseignement secondaire inférieur universel dans les années 1980 ; enseignement secondaire universel au début des années 1990 : huit décennies d’effort pour aboutir à un pays avec 75% de diplômés de l’enseignement supérieur. Le «miracle» n’existe pas, il est surtout éducatif.
Nasolo-Valiavo Andriamihaja