Rappel à l’ordre

Quand le chez-soi peut devenir le temple de l’ennui qu’infligent les coupures d’eau et d’électricité, on croit que sortir est synonyme de répit ou de délivrance. Mais dehors, c’est la dure loi (ou l’anarchie) de la jungle qui prend possession de la ville. Une fois le corps dehors, les sens sont torturés par différentes nuisances qui les attaquent en tout temps et en tout lieu, une quasi-ubiquité mortifère. 

“L’enfer, c’est les autres” écrivait Jean-Paul Sartre. Expérimenter cette affirmation est aisé quand les journées se résument à subir la visite forcée des galeries des œuvres de la saleté : les crachats, les autres impuretés solides et liquides qui pourrissent l’air auquel a été confiée la tâche ingrate consistant à propager les pollutions sonores, des phénomènes engendrés par un incivisme qui semble incurable. Et dans ce chaos où la cacophonie régente les heures, les embouteillages entonnent leurs chants, les différents hymnes de l’ennui qui ronge les secondes éreintantes passées sur les routes. 

Thomas Hobbes a bien vu qu’à l’état de nature, quand on échappe au gouvernement des lois, l’homme est, selon la célèbre phrase de l’auteur comique latin Plaute, “un loup pour l’homme”. Quand les lois peinent à s’imposer, doit-on encore s’étonner de la dégradation continue de notre environnement défiguré en permanence par les actes inciviques, qui peuvent s’exprimer librement quand les lois sont bâillonnées. Étant soumis et assujettis aux différents maux évoqués, on peut encore plus comprendre Rousseau qui a écrit que “il n’y a pas de liberté sans loi.” Et seules les lois peuvent encore nous sauver, nous guérir de cet état critique. Les lois sont les remèdes qui ne demandent qu’à être appliqués. 

Selon toujours les écrits de Thomas Hobbes, un pouvoir qui parvient à s’imposer est nécessaire pour bloquer la prise de pouvoir de l’anarchie et empêcher l’apogée de la violence. Le chemin qui y mène passe par le passage obligé de la possibilité pour les lois de s’affirmer et de se faire respecter. C’est donc une des recettes qu’une société qui aspire à l’ordre peut adopter. Les lois ont le pouvoir de métamorphoser cet état de guerre permanent, à condition qu’on les laisse agir. Les lois qui sont assommées par l’excès d’incivisme demandent à être relevées et à être soutenues. 

Les volontés particulières doivent, de temps en temps, s’effacer devant la volonté générale, si chère à Rousseau, le bien de toute la société qui demande que les lois le protègent, des lois actives qui demandent à avoir la capacité d’agir.

Fenitra Ratefiarivony

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