Ce fut un 16 juin comme aujourd’hui, celui de l’année 1816. La littérature débuta un autre travail consistant à réfléchir, tel un miroir, les rêves et aspirations humains. Cette date fut celle du début de la gestation de l’une des plus illustres illustrations du rêve d’hubris, du désir de surmonter sa nature pour atteindre des capacités divines. Ce fut durant la nuit de ce 16 juin 1816 que le pouvoir de l’imagination s’invita dans l’esprit d’une jeune fille de 19 ans pour accroître la richesse du patrimoine littéraire mondial.
Le récit de cet événement qui nous est parvenu, et que l’histoire a retenu, raconte que durant une nuit, placée sous le signe d’un été des plus pourris, sortir était alors impossible. Les poètes Lord Byron et Percy Shelley, avec le médecin John Polidori, furent retenus par la météo dans une villa située au bord du lac Léman, en Suisse. Les conditions étaient réunies pour que survienne également un autre ennemi: l’ennui et son affligeante monotonie. Pour affronter cette indésirable présence, Lord Byron proposa d’utiliser l’arme qui est à la portée des écrivains. Il aurait dit : « We will each write a ghost story » (« Nous allons chacun écrire une histoire de fantôme »).
Au milieu de cette atmosphère lugubre, Mary Godwin, alors amante de Shelley, fit émerger un nom, un de ceux qui peuplent un nombre plus que considérable d’esprits : Victor Frankenstein. Son histoire, celle d’un étudiant en médecine de 18 ans qui voulut égaler Dieu en créant la vie, se développa au cours des jours qui suivirent. Cette période de créativité fut précédée par des épisodes éprouvants, au cours desquels les cauchemars hantèrent la jeune femme, qui avait aussi vécu l’épreuve d’une fausse couche. Mais elle aboutit, deux ans plus tard, à la sortie du roman Frankenstein ou le Prométhée moderne, une source intarissable d’où jailliront d’autres œuvres de fiction.
Jusqu’à aujourd’hui, le nom de Frankenstein continue de fasciner, même s’il est trop souvent associé, par erreur, au fameux monstre qui est sa création. Le personnage éponyme est en effet le Dr Victor Frankenstein, autre victime de la tentation de l’hubris qui incite l’humain à défier ses limites, guidé par un désir de se rapprocher du divin. Cette même aspiration, constamment présente dans l’humanité, se reflète dans d’autres œuvres littéraires et cinématographiques comme La Tragique Histoire du Docteur Faust (C. Marlowe, 1604) ou Blade Runner (R. Scott, 1982). Et comme chez Frankenstein, ou comme chez Prométhée, prédécesseur assumé, céder à la tentation de l’hubris mène à la punition. À méditer.
Fenitra Ratefiarivony