La route avance (un peu)

C’est la saison sèche. La route Ambanja-Ambilobe (RN6) est magnifique. Pour l’instant. Et jusqu’à quand. On peut scruter l’épaisseur de chaque couche (de roulement, de base, de fondation) et les comparer avec les strates archéologiques de l’ancienne structure mise à nu par plusieurs années d’absence d’entretien normal. C’est d’autant plus facile quand la voiture est engloutie dans une tranchée, sillon profondément creusé dans le terrain naturel, et que le regard se pose un demi-mètre sous la route proprement dite. 

On peut également questionner les usages des populations riveraines : cette boue humide que des chemins muletiers ramènent régulièrement sur l’asphalte constitue une agression permanente. La circulation de charrettes à roues métalliques représente une autre sollicitation inopportune. Qu’aux heures festives, le feu des braseros et l’huile de la friture s’installent tranquillement sur le beau bitume, et c’est une équation dont les inconnues ne firent pas partie des calculs d’ingénieur.  

Dans ces conditions, c’est malheureusement une simple question de temps avant la prochaine première dégradation qu’aurait pu d’ailleurs prévenir ou panser rapidement un échelon local des «ponts et chaussées», comme c’était encore l’organisation il y a cinquante ans, avec des brigades routières équipées en matériel, auprès de chacune des dix-sept préfectures. Sans qu’il faille en référer au Chef-lieu de la province, et encore moins solliciter la Capitale, Antananarivo. 

La Capitale est au loin. La charge à l’essieu fait partie des éléments de langage depuis plusieurs décennies, mais une administration du tiers-monde n’a pas le monitoring d’une tonne en plus sur les milliers de kilomètres entre chaque station de pesage. Antananarivo est encore loin. Les directives qui partent d’Anosy ou d’Antaninarenina résonnent dans le lointain. Ici, la vitesse du son avance au rythme de la lenteur administrative. 

Nasolo-Valiavo Andriamihaja

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