ÎLES ÉPARSES - Début du deuxième round des négociations à Paris

La deuxième manche des négociations au sein de la Commission mixte sur les îles Éparses se tient ce jour à Paris. La délégation malgache, conduite par la ministre des Affaires étrangères, est composée de huit membres.

Photo d’archives lors du premier round des négociations au Palais d’Andafiavaratra, en 2019.

Jour J. Comme annoncé à Iavoloha par le président Andry Rajoelina lors de la visite d’État de son homologue français en avril, la deuxième session de la Commission mixte sur les îles Éparses se tient ce jour à Paris, capitale française.

Dans une déclaration publiée samedi sur sa page Facebook, le ministère a présenté les huit membres de la délégation malgache appelés à participer à cette réunion. Conduite par la ministre Rafaravavitafika Rasata, la délégation portera la principale revendication de Madagascar qui, sauf changement, reste « la restitution de la souveraineté de Madagascar sur ces îles ». À l’issue de la première rencontre, en novembre 2019, les deux parties avaient « acté l’existence, à ce stade, d’un différend sur la question de souveraineté ».

Le communiqué conjoint publié à l’issue de cette première réunion indiquait que « pour Madagascar, le différend porte sur le processus de décolonisation inachevée du pays, conformément au droit international. (…) À cet effet, la restitution de la souveraineté de Madagascar sur ces îles reste une question fondamentale dans la négociation et constitue une question devant être abordée préalablement à l’examen et à l’adoption d’une solution commune de développement ».

Dans une interview diffusée à la télévision nationale le 4 mai, le président Rajoelina a affirmé : « nous réclamons la restitution des îles Éparses aux Malgaches ». Répondant à une question sur le sujet, lors d’une conférence de presse le 28 avril, la ministre Rasata a déclaré que « les revendications de Madagascar n’ont pas changé », en rappelant les deux résolutions adoptées par l’Assemblée générale des Nations unies à ce sujet.

La résolution de la 34e session de l’Assemblée générale, en 1979, utilise explicitement le terme « îles malgaches » pour désigner les îles Éparses. L’ONU y « réaffirme la nécessité de respecter scrupuleusement l’unité nationale et l’intégrité territoriale d’un territoire colonial au moment de son accession à l’indépendance », et « invite le Gouvernement français à entamer sans plus tarder des négociations avec le Gouvernement malgache en vue de la réintégration des îles précitées, qui ont été séparées arbitrairement de Madagascar ».

Enjeux stratégiques et juridiques

La résolution adoptée en 1980 lors de la 35e session de l’Assemblée générale vient consolider celle de l’année précédente. Elle « engage le Gouvernement français à entamer d’urgence avec le Gouvernement malgache les négociations prévues dans la résolution 34/91, en vue de trouver à la question une solution conforme aux buts et principes de la Charte des Nations unies ».

Le collectif Sehatry ny Raiamandreny (SERA), dont est membre le professeur Raymond Ranjeva -présent lors de la première réunion à Andafiavaratra, estime que la résolution de 1979 « admet la préexistence de la souveraineté malgache sur ces îles par rapport à sa date d’adoption ». Selon le SERA, elle « fonde en droit la souveraineté de Madagascar sur le respect de l’intégrité territoriale lors de la succession d’États intervenue avec l’accession à l’indépendance ».

Plus de neuf cents organisations de la société civile (OSC) appellent également à « une reconnaissance claire, inconditionnelle et sans ambiguïté de la souveraineté de Madagascar sur l’ensemble des îles concernées ». La branche d’Antananarivo du Syndicat des enseignants-chercheurs et chercheurs enseignants (SECES) considère que « après plus de cent trente ans d’occupation non consentie de ces îles malgaches, la France devrait verser une indemnisation au peuple malgache ».

Dans sa déclaration publiée samedi, le ministère n’a pas précisé la position exacte que défendra la délégation lors de cette deuxième session. Il a toutefois utilisé les toponymes malgaches pour désigner les îles : Nosy Sambatra (les Glorieuses), Nosy Ampela (Europa), Nosy Kely (Juan de Nova) et Nosy Bedimaky (Bassas da India). Cela semble confirmer, comme lors de la première session en 2019, que « la restitution de la souveraineté » reste posée comme préalable aux discussions.

En marge de sa visite à Akamasoa, le président Emmanuel Macron, interrogé sur le sujet, avait répondu « non » à la question de savoir si la France envisageait une restitution des îles Éparses à Madagascar. Il avait réaffirmé sa préférence pour une « cogestion », estimant que « en quelque sorte, on la gère ensemble en bonne intelligence ». Pour l’association SERA, « l’idée de cogestion ne peut être acceptée, car elle signifie renonciation au caractère exclusif et à la plénitude de la souveraineté sur ces îles ».

Au-delà de la dimension juridique, la question des « îles malgaches » comporte également des enjeux économiques et géostratégiques. Les 640 000 km² de zone économique exclusive (ZEE) qu’elles génèrent sont réputés riches en biodiversité marine, en ressources halieutiques, et pourraient receler des réserves d’hydrocarbures. Leur position dans le canal du Mozambique, l’un des corridors maritimes les plus fréquentés au monde, confère par ailleurs un poids stratégique non négligeable à cet archipel.

Garry Fabrice Ranaivoson

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