Éteindre la nuit

Les soixante-cinq dernières années, celles de l’indépendance retrouvée, eurent pour beaucoup de regards des reflets ternes. Les soixante-cinq ans de République ont été traversés par différents maux qui ont donné au pays ses signes particuliers. Depuis soixante-cinq ans, on assiste à une chute des valeurs. Pour Rabelais, le diagnostic est simple : « L’ignorance est mère de tous les maux. »

« La force sans l’intelligence s’effondre sous sa propre masse », écrivait le poète latin Horace. Quand le discernement se tait devant les caprices des besoins matériels, le bien recherché peut vite dégénérer en une pourriture que des générations successives doivent subir. Ainsi, des actions privées de la lumière de la lucidité ont jeté sur nous une nuit difficile à dissiper. La chasser est une des missions les plus ardues du monde, tâche que devraient faciliter une éducation et une instruction efficaces.

Le mythe de Pandore peut toujours nous donner une leçon intemporelle: nos actes, dont la gravité échappe à notre connaissance, peuvent être les germes de catastrophes que l’on n’arrivera pas à contrôler. C’est parce qu’il ne possédait pas les connaissances nécessaires pour conduire le char de son père Hélios (le soleil) que Phaéton perturba l’ordre cosmique et embrasa la Terre avant d’être foudroyé par Zeus. Aujourd’hui, chez nous, l’ignorance favorise la prolifération des ravages.

L’ignorance est la source unique d’où jaillissent un nombre incalculable de maux indomptables. C’est l’ignorance du système climatique qui permet aux feux de brousse de continuer à sévir. C’est l’ignorance de l’importance des réseaux de drainage et de leur fonctionnement qui fait que les déchets finissent dans les canaux déjà perturbés par des bâtisses illicites. C’est l’ignorance qui fait proliférer les ordures et autres impuretés dans les moindres parcelles de la ville. C’est l’ignorance de l’importance écologique des arbres qui intensifie la vitesse de la déforestation. C’est l’ignorance des principes civiques qui dégrade les biens communs, piétinés en permanence par l’indiscipline.

L’histoire de Jean Valjean, protagoniste des Misérables (V. Hugo, 1862), est au début celle d’une métamorphose. À sa sortie du bagne, où il a été enfermé pour avoir volé un pain, son esprit n’a pas encore été touché par l’instruction. Son ignorance l’entraîne vers la délinquance, notamment vers le vol de l’argenterie de l’Évêque de Digne, Mgr Bienvenu Myriel. Le pardon du prélat toucha l’âme de l’ancien forçat, qui prit une autre trajectoire : celle de l’instruction. Son analphabétisme vaincu, le voleur s’effaça également pour laisser s’affirmer un homme juste. Sauver l’école, c’est sauver le pays. « Chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne », écrivait Victor Hugo.

Fenitra Ratefiarivony

Enregistrer un commentaire

Plus récente Plus ancienne