Langue morte

Habemus Papam. Tout le monde se découvre latiniste, à l’issue de chaque Conclave (cum, clavis, «pièce fermant à clé» indique le «Gaffiot»). 

Dictionnaire latin-français publié en 1934, le «Gaffiot», comme on dit le «Larousse» ou le «Robert», a reçu en l’an 2000 une révision modernisée («édition revue et augmentée») par les soins de Pierre Flobert (1933-2022). Félix Gaffiot (1870-1937), dans son avant-propos au dictionnaire abrégé de 1936, indiquait avoir éliminé «tout ce qui est pur archaïsme, décadence ou rareté». Autant de mots archéologiques qu’il faudra retrouver dans la version «in extenso». 

Je n’ai pas été de cette génération nourrie de latin-grec. Il m’aura fallu attendre les années de Droit pour découvrir des adages juridiques dont on aura très souvent retenu uniquement la première partie :

Accessorium sequitur principale ; Actor incumbit probatio ; Bona fides contraria est fraudi et dolo ; Fraus omnia corrumpit ; Justicia omnibus ; Nemo auditur propriam turpitudinem allegans ; Non bis in idem ; Nulla peona sina lege...

«Dominus vobiscum», comme «Ite missa est», résonnent en lointains échos des messes matinales en latin auxquelles j’assistais dans mon enfance. Je n’allais pas oublier le «Cogito ergo sum» de Descartes, ou le «Habeas corpus» de ces Britanniques inventeurs de la démocratie parlementaire. «Morituri te salutant», je crois l’avoir croisé dans les pages roses du Larousse avant de le retrouver dans les albums d’Astérix. À moins que ce soit l’inverse, «vice versa». 

Sans le savoir, nous employons couramment des mots latins. Rédiger son «Curriculum vitae» et l’imprimer éventuellement en «recto verso». «Carpe diem» est le mantra de la zénitude. «Et cetera» supplée la paresse d’une énumération fastidieuse ou signale un début d’alzheimer. De même, «grosso modo» répugne à la précision du détail. Celui qui n’a pas le «Mea culpa» spontané peut facilement devenir «persona non grata». Et, «a priori», celui-là ne sera jamais votre «alter ego». L’apparition d’une bougie sur une photo de profil sera suivie d’un lot cortège de «RIP» : plutôt que «Rest in peace», j’aime y voir «Requiescat in pace». Cela signifie surtout que quelqu’un, quelque part, n’a pas réchappé «in extremis» à la grande faucheuse, condition «sine qua non» de sa déclaration de trépas. 

La fumée blanche l’a annoncé «urbi et orbi», à Rome et au reste du monde : Habemus Papam Robertum Franciscum Prevost qui sibi nomen imposuit Leonem XIV. 

Nasolo-Valiavo Andriamihaja

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