![]() |
Plus de 60% des ménages ruraux pratiquent l’élevage (Src photo : MINAE). |
À Madagascar comme dans d’autres pays de la région, le secteur de l’élevage joue un rôle essentiel dans la prise en compte de nombreux objectifs de développement durable, notamment lorsqu’il s’agit de soutenir les moyens d’existence, de générer des revenus, et de contribuer à une alimentation saine et à la résilience face au changement climatique.
Selon les spécialistes, l’élevage durable vise à augmenter la productivité tout en utilisant moins de ressources. Cela conduit à une production accrue de nourriture de meilleure qualité pour répondre aux besoins d’une population croissante. Raison pour laquelle le secteur de l’élevage, qui représente près de 13% du PIB de Madagascar, est régulièrement mis en avant quand il s’agit de souligner les perspectives en matière de souveraineté alimentaire et de durabilité. Il est en outre précisé que l’élevage qui est pratiqué par plus de 70% des ménages ruraux est associé à des externalités telles que le changement climatique, la dégradation des terres et l’appauvrissement de la biodiversité. Cet état de fait conduit à mettre en place un cadre et des politiques propices à l’atténuation des effets du changement climatique, tout en poursuivant les Objectifs de développement durable (ODD).
Plusieurs partenaires accompagnent Madagascar dans le cadre de ses actions en faveur de l’élevage durable. Parmi ceux-ci, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) qui appuie, entre autres, l’élaboration de politiques visant un élevage durable d’un point de vue social, économique et environnemental, ainsi que la mise au point de méthodes et outils à même de favoriser des politiques fondées sur des données scientifiques et des éléments concrets.
« La FAO encourage une transformation durable, inclusive et efficace du secteur de l’élevage afin de contribuer à améliorer la production, la nutrition, les conditions de vie et l’environnement, sans que personne ne soit laissé de côté», soutient aussi cette organisation qui estime que l’élevage durable favorise la disponibilité à long terme du système agroalimentaire et assure une gestion efficace des effluents d’élevage dans la production animale, permettant de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre.
«Bien que l’élevage durable puisse nécessiter des investissements initiaux, à long terme, il garantit une meilleure rentabilité. En effet, en optimisant les ressources et en réduisant le gaspillage, les éleveurs peuvent bénéficier d’une meilleure marge bénéficiaire», explique Bakoly Harisoa, experte dans le domaine de l’agroécologie. Elle ajoute que l’élevage durable peut également favoriser la création d’emplois locaux, notamment dans les régions rurales. « Il est impératif d’opter pour des méthodes durables qui respectent non seulement notre environnement, mais également les acteurs impliqués dans ce secteur. En combinant tradition et innovation, il est possible d’imaginer un futur où l’élevage coexistera harmonieusement avec la nature et les sociétés humaines», plaide-t-elle.
Du côté du ministère de l’Agriculture et de l’Élevage (MINAE), on soutient que les initiatives se multiplient afin de faire en sorte que le secteur de l’élevage puisse se développer en tant que partie intégrante de systèmes agricoles plus durables qui équilibrent la demande avec la productivité, l’action climatique, la gestion environnementale, la protection des moyens de subsistance des agriculteurs et la viabilité économique. Le ministère reconnaît que faire de l’élevage durable une réalité sur l’ensemble du territoire constitue un défi de taille. Mais constate aussi que des avancées significatives sont déjà enregistrées.
Un plan directeur à concrétiser
On sait en outre qu’afin de contribuer à l’atteinte de l’objectif de la sécurité alimentaire inscrit dans la politique générale de l’État, le MINAE s’est attelé à l’élaboration d’un plan directeur du secteur de l’élevage. En collaboration avec l’Institut international de l’élevage - International Livestock Institute (ILRI) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), avec le soutien financier de la Banque mondiale, plusieurs techniciens ont suivi une série de formations pour leur permettre de mieux cerner les problématiques de l’élevage et de tester différents scénarios afin de développer des actions pertinentes pour atteindre une vision 2040 du secteur.
Dans ce cadre, Madagascar peut s’appuyer sur le modèle d’accompagnement pays élaboré par l’IRLI pour la confection de plan directeur du secteur élevage. Ce modèle a été appliqué auparavant dans d’autres pays. A Madagascar, l’ILRI s’est organisé en consortium avec le Cirad ainsi que la FAO pour accompagner les entités publiques et en tenant compte des spécificités locales. “L’objectif est de dresser une vision du secteur de l’élevage dans un horizon de 15 ans et de tester différents scénarios qui permettront d’atteindre cette vision. Les impacts de chaque scénario au niveau financier, social, économique et environnemental seront évalués afin d’éclairer les décisions dans le secteur”, a-t-on expliqué.
“ Notre mission n’est pas de prendre les décisions. C’est à Madagascar de décider en fonction des scénarios qui sont présentés. Le plan servira surtout de cadre pour les investissements. La vision construite avec les techniciens repose sur la durabilité, la rentabilité et la résilience du secteur élevage, contribuant ainsi à la sécurité alimentaire, la croissance économique mais stimulant également la cohésion sociale “, a déclaré Abdrahmane Wane, chercheur de l’ILRI et coordinateur de l’élaboration du Plan directeur du secteur de l’élevage à Madagascar.
Les formations et les séances de consultation déjà organisées ont permis de construire la vision du secteur élevage avec les différentes parties prenantes. Une vaste étude sur la situation actuelle du secteur devrait aussi être menée afin de tester la faisabilité de ces différents scénarios. Il a aussi été expliqué que le document de plan stratégique sur 15 ans est prévu pour être décliné en feuilles de route quinquennales qui permettront un suivi régulier des actions. La méthodologie sur la chaîne de valeur et le Livestock Section Investment and Policy Toolkit (LSIPT) font partie des outils utilisés.
À noter en outre que les chercheurs du Cirad de l’Unité mixte de recherche Systèmes d’élevage méditerranéens et tropicaux (UMR SELMET) interviennent à plusieurs phases du processus comme l’accompagnement dans la construction de la vision à partir de l’analyse prospective, la construction d’une cartographie de l’élevage à Madagascar pour visualiser l’état des lieux et également l’analyse de références de la situation de l’élevage via l’outil LSIPT.
![]() |
Le secteur de l’élevage met désormais la durabilité au cœur de son développement (Src photo : MINAE). |
Des pratiques à vulgariser
Parallèlement à l’élaboration du plan directeur du secteur de l’élevage, des actions sont déjà menées pour vulgariser les pratiques déjà approuvées comme étant favorables à l’élevage durable. Parmi celles-ci, il y a la gestion améliorée des pâturages qui imite les habitudes naturelles de pâturage des herbivores sauvages. Au lieu de permettre aux animaux de paître continuellement sur la même parcelle ou de les nourrir avec des sources alternatives d’alimentation, les agriculteurs divisent les pâturages en sections plus petites et font paître leurs animaux une parcelle à la fois, laissant les autres sections se reposer. D’après ses promoteurs, le pâturage rotatif présente de nombreux avantages, notamment l’amélioration de la santé des sols.
Autre avantage obtenu : l’augmentation de la biodiversité. Comme différentes zones du pâturage sont laissées à récupérer entre les périodes de pâturage, la diversité des plantes augmente, ce qui soutient un plus large éventail d’espèces animales et d’insectes. À noter également la réduction du besoin en engrais à travers le recyclage naturel des nutriments grâce à la distribution plus uniforme du fumier des animaux à travers les parcelles. Cela réduit le besoin d’engrais synthétiques, qui ont des impacts environnementaux nocifs, comme la dégradation des sols et la pollution des cours d’eau voisins.
Selon l’organisation Alliance Biodiversity, ces pratiques permettent aussi l’amélioration du microclimat dans la mesure où les arbres fournissent de l’ombre et un abri au bétail, le protégeant des conditions météorologiques extrêmes telles que la chaleur et le froid. À savoir aussi que les arbres capturent et stockent le dioxyde de carbone. Les systèmes agroforestiers agissent comme des puits de carbone, absorbant plus de carbone que les pâturages ouverts traditionnels. Les études effectuées montrent que les systèmes sylvopastoraux ont stocké 27 à 163 % de carbone en plus par rapport aux pâturages ouverts. Notons enfin que le projet IKI Growing Greener vient d’être lancé à Madagascar. Il est mis en œuvre par le consortium GIZ et Conservation International (CI) et vise une rotation contrôlée des troupeaux, afin d’améliorer la qualité des sols et de la végétation.
MALAGASY PROFESSIONNELS DE L’ÉLEVAGE - Une plateforme trentenaire
![]() |
L’élevage représente près de 13% du PIB de Madagascar (Src photo : MINAE). |
La plateforme Malagasy Professionnels de l’Élevage (MPE) s’active depuis une trentaine d’années pour la reconnaissance et le développement durable du secteur de l’élevage à Madagascar. Elle regroupe des éleveurs, des techniciens, des chercheurs et des partenaires engagés autour d’un objectif commun : dynamiser et rendre durable le secteur de l’élevage dans le pays.
MPE organise cette semaine la 17ᵉ édition de la Foire de l’Élevage et de la Production Animale (FEPA) à son siège à Nanisana. Selon les explications fournies, cet événement contribue à mieux faire connaître et à professionnaliser les acteurs du secteur. Il s’agit aussi d’améliorer les revenus des éleveurs, d’assurer une alimentation saine pour les ménages malgaches, et partant de renforcer la sécurité alimentaire à Madagascar. « La foire constitue un moment clé de valorisation de l’élevage local et de sensibilisation du grand public à l’importance de cette filière dans notre quotidien. La FEPA est également une plateforme d’échanges, de formation, de découverte et de promotion, destinée autant aux professionnels qu’aux familles, aux jeunes, aux partenaires techniques et institutionnels », a expliqué une responsable au sein de MPE.
Pour MPE, il est important de renforcer la visibilité du savoir-faire des paysans et de promouvoir les bonnes pratiques d’élevage tout en sensibilisant sur les enjeux de biosécurité, de bien-être animal et de nutrition. Et cette plateforme de noter aussi l’importance d’insuffler de nouvelles perspectives de collaboration entre les acteurs du développement rural. C’est dans cette perspective que la FEPA programme des conférences-débats, des stands d’exposition et de vente, des animations éducatives, des démonstrations techniques, des espaces d’échange pour les jeunes... Cette année, la foire sera en même temps un espace de plaidoyer pour une meilleure reconnaissance du rôle des éleveurs dans la lutte contre l’insécurité alimentaire.
En outre, MPE et la FEPA se présentent comme des promotrices actives des initiatives locales qui participent à la transition vers un élevage plus durable et plus inclusif. Une forte mobilisation des acteurs du secteur et une meilleure compréhension des enjeux de l’élevage par le grand public sont ainsi de mise. De nouveaux partenariats techniques, économiques et institutionnels seront conclus dans ce cadre, afin de soutenir les éleveurs à développer leurs activités. “ En donnant la parole aux éleveurs, en exposant les réalités du terrain, et en stimulant l’innovation et la solidarité, nous nous positionnons comme un levier stratégique pour construire l’avenir du secteur de l’élevage durable ”, a-t-on aussi fait savoir.
VERBATIM
Apollinaire Djikeng, directeur général de l’ILRI
« L’Institut international de recherche sur l’élevage (ILRI) célèbre ses 50 ans et présente une stratégie visionnaire pour transformer les systèmes d’élevage. Alors que le continent africain fait face à des défis alimentaires croissants, l’organisation repositionne sa mission vers un objectif plus ambitieux et plus durable. Nous sommes passés de l’objectif de faire en sorte que la révolution de l’élevage bénéficie aux populations pauvres à l’amélioration des vies et de la planète ».
Angelo Rakotonindrina, président du Conseil d’Administration de MPE
« ‘L’élevage, facteur clé de la sécurité alimentaire et du développement durable à Madagascar’, c’est le thème retenu pour l’édition de la Foire de l’Élevage et de la Production Animale de cette année, qui coïncide avec la célébration du 30e anniversaire de Malagasy Professionnels de l’Élevage ou MPE. Dans ce cadre, nous mettons en avant l’importance cruciale de l’élevage durable, des produits d’élevage dans l’alimentation de la population malgache ainsi que leur contribution à la sécurité alimentaire et à l’économie nationale ».
LE SECTEUR ÉLEVAGE EN CHIFFRES
L'Express de Madagascar