Cocktail explosif 

Justicier et Président. Eh oui, dans un pays où tout est à remettre en ordre, il faut parfois jouer les funambules et l’équilibriste, jongler entre les lois, se faufiler entre les séparations de pouvoir pour casser des pratiques devenues monnaies courantes. Quand la sacro-sainte indépendance de la Justice se met au service des abus, de l’oppression et de la corruption, on n’a que faire des procédures et des règles pour garroter l’hémorragie. Le président de la République, président du Conseil Suprême de la magistrature, a ordonné la libération immédiate de l’épouse d’un officier supérieur recherché pour être soi-disant un poseur de cocktails Molotov dans divers endroits de la ville. 

Le président a été clair en soulignant que les membres d’une famille ne doivent pas être inquiétés par les délits commis par leur chef. Un principe élémentaire de justice régulièrement violé depuis quelques temps. La pratique aurait sans doute duré depuis des années pour que le président de la République se résolve à y mettre un terme. Plusieurs plaintes d’arrestations arbitraires, de tortures, d’aveux extorqués, d’exécutions sommaires lors des enquêtes circulent sur les réseaux sociaux depuis un laps de temps. La situation a été d’ailleurs soulevée lors de la réunion. Les victimes n’ont aucun recours. Si les prévenus ne meurent pas en détention, leur vie est pratiquement détruite. 

En début d’année, Madagascar était assis «au banc des accusés» aux côtés de treize pays lors de la 48e session du Conseil des droits de l’Homme à Genève. Quatre-vingt-deux pays sur quatre-vingt-neuf ont formulé des remarques sur le cas de Madagascar. Au total, deux cents  «recommandations» ont été enregistrées sur la situation des droits de l’Homme. Les autorités concernées, au lieu de faire un mea culpa, ont, à tour de bras, tenté de trouver un angle positif aux recommandations.  Voilà pourquoi la situation ne s’améliore pas. 

L’épouse de l’officier supérieur n’est certainement pas seule dans son cas. La décision présidentielle devrait être élargie à d’autres cas similaires. Il a fallu effectivement cette affaire de cocktails Molotov pour que la vérité explose. Le drame, c’est que tout le monde croyait que le président était au courant de tout ce qui se trame au niveau de la Justice. Ce qui n’est pas visiblement le cas. Beaucoup d’efforts ont été fournis depuis l’arrivée du nouveau Garde des sceaux pour assainir le milieu de la Justice et éradiquer toute forme de corruption et d’abus, mais visiblement l’entreprise est compliquée. 

L’intervention du Président, quoi qu’on dise, a crevé un abcès qui a fait souffrir plusieurs justiciables. Reste à espérer qu’elle sonne également le glas à d’autres pratiques innommables. 

Sylvain Ranjalahy

Enregistrer un commentaire

Plus récente Plus ancienne