Ayant, je pense, suivi le cours normal d’une vie normale, mes années ingrates qui suivirent la puberté furent précédées de la phase d’insouciance où le plaisir peut être pleinement procuré par différents jeux ou autres activités. Parmi les émotions vives, exaltantes, que me donnaient alors cette source sublimée par les yeux de l’enfance, il y eut les bandes dessinées et plus particulièrement Astérix, dont les aventures ont occupé certaines des meilleures heures de ce temps que la perspective adulte perçoit comme une époque bénie.
Durant ces premières années qui précédèrent la découverte de la complexité du monde et de ses différentes subtilités, la lecture des différents albums fut d’abord sous le signe d’une innocence qui ne donnait accès qu’à l’enchantement prodigué par les histoires, la couche superficielle sous laquelle se déployait le génie de l’esprit de René Goscinny, présent dans les premiers volumes. C’est ce même talent à produire des jeux de mots qu’on a pu retrouver dans des adaptations où s’est exprimée la créativité d’Alain Chabat. Ainsi, plus de vingt ans après Mission Cléopâtre, on a pu retrouver ces mêmes ingrédients dans la savoureuse série basée, essentiellement, sur l’album Le Combat des chefs.
Plus tard en effet, l’école, les lectures, la télévision... ou tout simplement la vie ont donné les ressources pour saisir les différentes références culturelles que contenaient les bulles remplies par l’humour de Goscinny. Et en grandissant donc, le plaisir s’offre encore plus aisément quand on tombe sur des phrases comme lorsque la Méthode Assimil s’incruste dans « C’est du tissu de Calédonie. Nous appelons ça du tweed. – C’est cher ? – Mon tailleur est riche. » (Astérix chez les Bretons) ou quand les noms, comme Ielosubmarine, évoquent la pop culture. Quand on sait ce qu’est un alexandrin en poésie, le talent de Goscinny se dévoile quand on lit Panoramix répondre « c’est un alexandrin » à l’alexandrin (de la ville d’Alexandrie) Numérobis, après que ce dernier a dit : « Je suis, mon cher ami, très heureux de te voir. »
Les années passèrent et l’enfance avec, mais les aventures d’Astérix, plus particulièrement celles qui ont été servies par la plume de Goscinny, sont toujours des canaux qui laissent la délectation s’écouler dans les esprits. Et récemment, Alain Chabat a réussi à appliquer cette recette en mettant dans la série Le Combat des chefs des répliques comme « homard et fraise », « je suis le général de Gaule », des clins d’œil aux Avengers, à Street Fighter... Astérix est ainsi, malgré le passage du temps, aussi savoureux que le miel et, comme le miel, il ne périme pas.
Fenitra Ratefiarivony