Le président Donald Trump a publié l’information sur son réseau social, hier. |
Le président américain annonce la suspension, pour une durée de 90 jours, de l’application des nouveaux tarifs douaniers, à l’exception de ceux visant la Chine. Un sursis pour les pays concernés, dont Madagascar, menacé par une taxe de 47 %.
Un délai de grâce. Comme à son habitude, c’est sur son réseau social Truth Social que Donald Trump, président des États-Unis, a communiqué l’information, hier. Il annonce «mettre en pause», durant 90 jours, l’application des nouveaux droits de douane qu’il avait édictés lors de ce qu’il a baptisé Liberation Day, le 2 avril. Une mesure qui devait entrer en vigueur dès hier.
Le locataire de la Maison Blanche justifie sa décision par la volonté exprimée par « plus de soixante-quinze pays de négocier ». Seule la Chine est mise à l’index. La guerre commerciale entre les États-Unis et Pékin monte en intensité. Face à la résistance de cette dernière, le président Trump annonce des droits de douane de 125 %, avec effet immédiat. Le reste du monde bénéficie donc d’un répit de 90 jours.
Madagascar fait partie des pays bénéficiaires de ce sursis. Le gouvernement, dans la foulée du Liberation Day, avait annoncé son intention de négocier avec l’administration Trump et avait pris contact avec l’ambassade américaine à cet effet. Avec une hausse prévue de 47 % des droits de douane sur ses exportations, la Grande Île figure parmi les États les plus durement ciblés par ces mesures, si le décret venait à s’appliquer.
Bien que son application soit suspendue, la taxe de 47 % reste une épée de Damoclès pour Madagascar. D’autant plus que la volte-face du président Trump ne remet pas en cause la taxe générale de 10 % sur les produits d’exportation en provenance du monde entier, en vigueur depuis le 5 avril.
À l’instar d’autres pays, un vent de panique souffle sur le secteur privé. L’industrie, notamment le textile, qui constitue le principal produit d’exportation malgache vers les États-Unis, est plongée dans l’incertitude.
Ressources stratégiques
Lors d’une réunion entre représentants du secteur privé et membres du gouvernement, mardi, au ministère des Affaires étrangères à Anosy, il a été souligné que la décision du président Trump aura des « conséquences directes sur la compétitivité de nos entreprises, la pérennité de milliers d’emplois dans les zones industrielles et l’attractivité de Madagascar comme plateforme industrielle vers le marché américain ».
Le sursis accordé par la Maison Blanche devrait permettre d’accélérer les négociations avec Washington. Dans un communiqué publié vendredi, l’ambassade des États-Unis indique que « le Président (…) peut décider de réduire ou d’éliminer les droits de douane s’il estime que les conditions économiques préjudiciables créées par le commerce non réciproque ont été suffisamment atténuées ou résolues ».
Ce message sonne comme un préalable aux négociations. À entendre son ton, jugé condescendant, lors d’un banquet avec des donateurs républicains mardi, Donald Trump, qui affirme « je sais ce que je fais », s’estime en position de force. À l’image de la surenchère engagée contre Pékin, il semble déterminé à pousser ses interlocuteurs à céder.
Les négociations s’annoncent âpres. Les produits américains n’étant ni enracinés dans les habitudes de consommation à Madagascar, ni adaptés au pouvoir d’achat local, instaurer une réciprocité commerciale paraît complexe. En coulisses, certains responsables politiques et économistes concèdent que «ses ressources stratégiques» pourraient représenter des atouts majeurs pour la Grande Île dans les discussions à venir.
Le Conseil des ministres du 19 février avait déjà souligné que «Madagascar a l’avantage de pouvoir mettre en avant ses minerais critiques nécessaires dans les nouvelles technologies et les matériaux de production d’énergie renouvelable», dans le cadre des négociations sur la reconduction de «l’African Growth and Opportunity Act» (AGOA). Le projet Base Toliara pourrait figurer parmi les principaux arguments de négociation, bien qu’il fasse encore l’objet de vives contestations au niveau local.
Par ailleurs, la communication du ministère des Affaires étrangères sur la réunion de mardi affirme que « des stratégies nationales sont en cours d’élaboration à court, moyen et long terme pour renforcer la résilience économique du pays ». Le sursis de 90 jours accordé par Donald Trump devrait ainsi permettre de finaliser ces orientations et de les mettre en œuvre. Dans l’immédiat, la situation impose à Madagascar de diversifier ses débouchés.
Garry Fabrice Ranaivoson