DÉVELOPPEMENT AGRICOLE - Le rôle central du secteur semencier

Réunion de présentation des travaux sur les semences au Fofifa.

Le secteur des semences joue un rôle central dans la mise en œuvre de la politique agricole du pays. Il est appelé à mieux se structurer en misant sur ses atouts comme l’existence des établissements semenciers professionnels, mais aussi sur les différents projets visant à atteindre la souveraineté alimentaire.

Ces dernières années, les discours et les actions de sensibilisation tournent autour de la place centrale que tiennent les semences de qualité et produites en quantité suffisante dans l’accélération du développement agricole. Jusqu’ici, moins de 5% des producteurs agricoles de la Grande île utilisent des semences de qualité. Une situation à changer si l’on souhaite redimensionner le secteur primaire du pays. Selon les spécialistes, les semences utilisées par nos producteurs ont besoin d’être renouvelées au moins tous les trois ans et la qualité de semence impacte sensiblement sur la quantité et la qualité de la production agricole. 

Les mêmes spécialistes soulignent que le potentiel génétique des plantes devrait gagner en performance à travers l’utilisation de semences de bonne qualité. Raison pour laquelle différents projets ont été lancés pour encourager l’utilisation de semences à même d’améliorer sensiblement le rendement agricole. La mise en place de services relatifs à la production de semences de qualité auprès des Organisations Paysannes (OP) constitue ainsi un défi majeur. Différentes organisations s’y attèlent à l’image du réseau SOA qui regroupe environ mille cinq cents producteurs multiplicateurs de semences (PMS) répartis sur quatre régions dont Haute Matsiatra, Bongolava, Amoron’i Mania et Analamanga.

Dans ce cadre, le projet de développement de la filière semence est appuyé par le projet FO4FS (Farmers Organizations for Food Systems), incluant le programme d’AgriCord, en partenariat avec l’AFDI (Agriculteurs français et développement international). Le réseau SOA met en œuvre des activités pour soutenir et accompagner les producteurs de semences, en particulier les variétés de semence riz (pluvial et irrigué), maïs, arachide, haricot, sorgho, black eyes et ambérique. Mais ce n’est là qu’un exemple parmi d’autres car le secteur semencier bénéficie aujourd’hui d’une multitude d’initiatives qui visent notamment l’autonomisation de la production au niveau des organisations paysannes.

Faly Andriantsoa, un des bénéficiaires du réseau, soutient que l’accompagnement des OP vers une autonomie dans l’offre de services des membres a déjà largement porté ses fruits. Un résultat qu’il considère comme un nouvel atout de taille pour le secteur. Du côté du ministère chargé de l’Élevage, on explique que les actions entreprises accordent un intérêt particulier à la multiplication et la diffusion des semences adaptées au climat, le renforcement des services d’approvisionnement et l’adoption d’une stratégie commerciale efficace.

La participation des acteurs de la filière à des événements économiques et commerciaux est aussi renforcée. Le but étant de mieux faire connaître les produits semenciers, de multiplier les partenariats entre les producteurs et les autres acteurs du secteur agricole, et de mobiliser plus de ressources en faveur de la modernisation du système semencier du pays. On sait en outre que les PMS regroupés au sein des groupements des paysans semenciers ont aujourd’hui la capacité d’écouler 75% de leurs produits grâce aux évènements économiques. Et les producteurs envisagent de mettre en place des banques de semence pour s’assurer de l’approvisionnement en semence de qualité.

Un système semencier en mutation

«Nombre d’efforts ont été réalisés pour produire des variétés résistantes aux contraintes biotiques et abiotiques. Mais le système semencier malgache est encore à renforcer pour redonner aux zones rurales leur capacité à redevenir des forces motrices et garantes de la souveraineté alimentaire et de l’économie. Le taux d’utilisation des semences certifiées à Madagascar doit être augmenté, ce qui requiert non seulement un changement systémique dans le développement du secteur semencier, mais aussi du secteur agricole dans son ensemble. Ce défi ne concerne pas seulement le riz, mais aussi les autres cultures. À cela s’ajoute le besoin des cultures fourragères», souligne le ministère de l’Agriculture et de l’Elevage (MINAE) dans sa présentation de la Stratégie Nationale Semencière (SNS 2023 - 2028).

Il n’est plus à démontrer que l’utilisation de la semence de qualité améliore la productivité et assure la perpétuité des caractères des variétés créées et sélectionnées pour différentes raisons, dont l’adaptation à des conditions climatiques et agro-pédologiques différentes et la tolérance à des organismes nuisibles. Pour rappel, Madagascar a élaboré son premier document de stratégie pour le secteur en 2009 et une Stratégie Nationale Semencière sur le Riz en 2016. Actuellement, la mise en œuvre de la SNS 2023 - 2028 vise à mieux structurer le secteur pour permettre un approvisionnement suffisant et de qualité à l’échelle du pays.

Dans cette perspective, la production de semences certifiées (SC) devrait se renforcer. Dans ce contexte, le MINAE affirme opter pour une stratégie qui valorise de manière cohérente et complémentaire les différentes stratégies sous-sectorielles déjà élaborées et revues. La définition de ces actions et les mesures y afférentes est basée sur une analyse approfondie des différents maillons du système semencier. Celle-ci prend en compte des facteurs qui influencent la décision des producteurs, clients réels et potentiels des SC et d’autres intrants comme les engrais et les produits phytosanitaires.

Les responsables ne cessent de rappeler que le secteur semencier malgache dispose d’avantages comparatifs importants avec, entre autres, l’existence des établissements semenciers professionnels. Le niveau de réglementation des activités semencières dans le pays est aligné à celui de l’ensemble des pays de l’Afrique australe. Mais le secteur doit encore connaître des améliorations, notamment sur le plan structurel. Rappelons que la production semencière à Madagascar est encore caractérisée par la cohabitation de trois systèmes : le système informel, le système conventionnel ou harmonisé et le système de « Semence de Qualité Déclarée ». 

Le secteur semencier au cœur du dispositif agricole.

Plus de 350 établissements semenciers homologués

Le système informel ne fait l’objet d’aucune déclaration, ni de suivi, ni de certification de la part du Service Officiel de Contrôle des Semences et du Matériel Végétal (SOC). Il est pratiqué par nombre de producteurs dont certains utilisent leurs propres semences en les sélectionnant selon leur appréciation, d’autres font des échanges de semences entre eux ou achètent sur les marchés locaux sans faire de distinction entre les produits. Selon le ministère de tutelle, les conditions de certification sont aujourd’hui beaucoup plus strictes. Le système de « Semences de Qualité Déclarée » (SQD) constitue une transition informelle-conventionnelle. Respectant des critères d’inscription variétale et de certification appliqués dans le système conventionnel, mais avec des conditions moins rigoureuses, il permet aux agriculteurs de disposer des semences de qualité acceptable et plus accessibles. 

On rappelle par ailleurs que les activités de recherches s’intensifient. Dernièrement, le Fofifa a présenté ses résultats de recherche menée dans le cadre de la mise en œuvre du projet Foodsec Semence, avec l’appui de l’organisme français Cirad. Il s’agit notamment de deux nouvelles variétés de semences de maïs, à savoir « Marobaby » et « Miaritra » ainsi que deux nouvelles variétés de haricot, « Ran’omby 5 » et « Ikinimba ». 

Selon les informations chiffrées disponibles, la production nationale de semences certifiées oscille entre 1 500 et 2 100 tonnes par an. Les données plus affinées sont obtenues depuis 2020, année où la gestion de données du SOC a commencé à être numérisée. On recense en outre plus de 350 établissements semenciers homologués. Et pour une meilleure traçabilité des semences à Madagascar, le gouvernement a ouvert un site web dédié avec l’appui du gouvernement japonais à travers la JICA. «L’objectif consiste à redonner confiance aux producteurs quant à la qualité des semences à utiliser tout en présentant au grand public les établissements semenciers ayant obtenu des Permis d’activités semencières (PAS) avec QR Code, suite à leurs formations», a-t-on expliqué.

SEMENCES DE RIZ CERTIFIÉES - Au cœur du système de production rizicole 

Distribution de kits de semence grâce à l’appui du projet GIZ.

Les responsables publics et les partenaires techniques et financiers s’accordent sur le fait que l’augmentation sensible du rendement de productivité et l’approvisionnement en semences de base et certifiées constituent les principaux éléments clés permettant d’améliorer la production rizicole à Madagascar. Un constat qui a amené les parties prenantes dans le développement du système semencier du pays à lancer des programmes ciblés. C’est dans ce cadre qu’est mis en œuvre le projet PAPriz financé par l’Agence Japonaise de Coopération Internationale (JICA), sous tutelle du ministère du MINAE et travaillant en étroite collaboration avec le centre de recherche Fofifa et le SOC.

Pour PAPriz, comme pour les autres projets de ce type, l’objectif est de promouvoir l’industrialisation et la chaîne de valeur riz dans le but d’atteindre l’autosuffisance alimentaire. À terme, les efforts consentis permettront aussi d’exporter le surplus de production. Au mois de juin dernier, un atelier réunissant toutes les parties prenantes a été axé sur l’élaboration d’un plan d’action pour une augmentation de la production de semences de riz certifiées dans le pays. Cette rencontre a aussi permis de savoir que le pays prévoit de produire 8 400 tonnes de semences de riz certifiées d’ici 2027. Ce qui permettra d’obtenir une production d’environ 7,7 millions de tonnes de paddy.  

Le projet PAPRiz a souligné pour sa part que son appui au Centre national de recherche appliquée au développement rural Fofifa constitue une pièce essentielle du plan visant à augmenter la production de semences de riz de qualité et adaptées aux conditions climato-pédologiques dans les zones de production. Quant au Service Officiel de Contrôle des semences et de matériel végétal, sa mission est d’améliorer et d’étendre le contrôle des semences de riz produites et celles à multiplier au niveau des centres multiplicateurs de semences répartis sur tout le territoire national. Leur certification s’impose afin de garantir les semences de riz qui seront mises à la disposition des producteurs.

Les données récentes montrent que les semences certifiées de riz irrigué restent les plus importantes car elles représentent 65 % de la production totale. Elles sont suivies par le maïs, le riz pluvial, l’arachide, le sorgho et les plantes amélioratrices. Selon les explications fournies, la baisse de la production de semences certifiées constatée en 2021 faisait suite à l’application de la loi semencière qui stipule l’obligation de l’agrément de tous les établissements, qui est une étape incontournable pour la réforme du secteur. Mais elle est aussi due en partie aux impacts de la crise pandémique et à la flambée des prix des engrais minéraux. Aujourd’hui, les prévisions sont beaucoup plus optimistes. À noter également la distribution des semences de riz hybride et des intrants agricoles supervisée par le secrétariat d’État chargé de la Souveraineté alimentaire. 

VERBATIM


Tahian’Ny Avo Razanamahefa, secrétaire d’État auprès de la Présidence chargée de la Souveraineté alimentaire  

« Grâce aux paramètres exogènes, l’on peut atteindre un rendement de productivité de douze tonnes à l’hectare tout en offrant jusqu’à trois récoltes par an. Nous n’avons ainsi plus besoin d’importer de semences de riz hybride étant donné que l’État lance la production locale de cette variété dans le Menabe. Ce projet constitue une étape clé dans la transformation agricole de Madagascar. Nous prévoyons ensuite de vulgariser cette technologie agricole à l’échelle nationale »


Pr Hery Lisy Tiana Ranarijaona, directrice générale de la Recherche scientifique auprès du Mesupres 

« Une nouvelle étape a été franchie dans le domaine semencier avec la présentation par le Fofifa de deux nouvelles variétés de semences de maïs ainsi que deux nouvelles variétés de haricot. Elles sont déjà homologuées, soit conformes aux normes requises. Les expérimentations et les tests d’adaptabilité qui ont été réalisés depuis plusieurs années via le projet Foodsec Semence sur le site de Kianjasoa ont été concluants. Il est ainsi temps de procéder à la vulgarisation de ces résultats de recherche au profit des agriculteurs »

LE SECTEUR SEMENCIER EN CHIFFRES

L'Express de Madagascar

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