Tantely Rakotomalala fait partie des étoiles montantes de l’entrepreneuriat malgache. À la tête de Becom, Masterlife Company et associée chez Foodmark, sa vision est de créer de la valeur et d’impacter l’écosystème économique. Co-fondatrice du CEO Summit, elle est aussi vice-présidente de Femmes Entrepreneures Analamanga (FEA/GFEM).
Vous êtes aujourd’hui une figure du leadership féminin et de l’entrepreneuriat. Quelle est votre mission à travers votre parcours de CEO ?
J’ai intégré le monde professionnel à l’âge de 19 ans après avoir fini mes études en Master. Je me suis beaucoup inspirée de mes employeurs de l’époque sur la manière dont ils géraient leurs entreprises. Cela a retenu particulièrement mon attention et m’a fait prendre conscience que créer et faire prospérer sa propre entreprise était tout à fait possible. Mon ambition balbutiante a fait son chemin et j’ai fait mes premiers pas dans l’entrepreneuriat en 2011. Avec mon mari Toky Rajaona, nous avons fondé l’agence de communication Becom en 2013, Masterlife Company en 2018 puis participé à la création de Foodmark avec notre associé en 2021. Bien que j’aie été élevée dans la capitale, il faut comprendre que mes villages d’origine sont dans des contrées profondes, loin de la richesse et de la modernité. Je pense que l’entrepreneuriat est le levier que je cherchais pour créer de la valeur, du développement et combattre plusieurs générations de précarité dans notre lignée.
Le CEO Summit 2024 a réuni des centaines de leaders de la région. Quels ont été les leviers clés de ce succès, et quel impact souhaitez-vous laisser dans l’écosystème entrepreneurial ?
C’était un pari audacieux que nous avons commencé à concevoir il y a plusieurs années. Nous avons commencé à affiner le concept en 2022, mais le contexte d’après-pandémie nous a contraints à patienter davantage avant le lancement. En 2024, nous avons décidé de nous jeter à l’eau et de concrétiser la première édition. Le Syndicat des Industries de Madagascar s’est joint à nous pour co-porter cette édition inaugurale et célébrer par ailleurs leur 65e anniversaire. Les mois de préparation en coulisses ont été rudes pour nos équipes. C’était un processus très apprenant, qui nous a fait grandir sur plusieurs plans, et dont j’en suis très reconnaissante. Aujourd’hui, nous sommes ravis que les échos aient été plus que positifs et que des résolutions régionales solides soient ressorties de ce CEO Summit. Nous sommes à pied d’œuvre pour la préparation de la prochaine édition que nous espérons encore meilleure, toujours porteuse de visions et d’impacts pour les CEOs et les dirigeants, pour les entreprises et pour les pays participants.
Quels enseignements tirez-vous de votre expérience pour transformer les obstacles en leviers de croissance ?
Créer son entreprise ne prend que quelques jours, mais les réels défis se trouvent dans la résilience et dans les efforts continus pour la faire grandir. Pour ma part, la plus grande difficulté est que, malgré l’équipe qui nous entoure, nous sommes finalement seules à prendre les décisions les plus difficiles, et ce avec rapidité, recul et lucidité. Le plus grand enseignement que j’ai pu tirer de mon parcours est celui de la clarté et du focus. L’euphorie des nouvelles idées à la seconde peut nous mener dans des directions éparpillées. Mais le revers, c’est qu’on tourne parfois en rond, on perd du temps et des ressources tant que nous ne nous sommes pas fixés une vision, des objectifs clairs et que nous y fixons notre attention. Ayant franchi la barre des 35 ans et voyant nos quatre enfants grandir rapidement, je me suis rendue compte que la vie est courte, que la force physique et mentale sont des ressources précieuses et qu’il vaut mieux n’accorder son temps qu’aux projets qui ont le plus de potentiel et y concentrer le maximum d’efficacité.
Vous êtes également vice-présidente de l’association Femmes Entrepreneures Analamanga (FEA) du GFEM, quelle est la valeur qui vous anime en vous engageant dans ce Groupement ?
La différence que le Groupement des Femmes Entrepreneures de Madagascar (GFEM) apporte par rapport à un groupement mixte ou sectoriel est cette reconnaissance que les femmes ont une cause commune à défendre et de porter ce plaidoyer à travers une voie forte et des actions impactantes en faveur de la promotion des femmes. Quand on parle de leadership économique, on pense encore trop souvent aux hommes. Parce qu’au sommet, les femmes restent l’exception. 6,25 % seulement des PDG du CAC 40 sont des femmes. 10,6 % seulement des CEO du Fortune 500. Et à Madagascar, seulement 9 % des grandes entreprises sont dirigées par des femmes. J’ai été fortement interpellée quand j’ai lu il y a quelques mois que si le rythme de progrès reste inchangé, il faudra des générations pour atteindre la parité. Le World Economic Forum parle de l’an 2234, donc deux siècles d’attente. Et pourtant, le taux d’implication des femmes aux postes de direction et de haut cadre impacte directement l’amélioration des résultats financiers des entreprises. Mon engagement au sein du GFEM est ma contribution pour combattre cette inégalité et nous soutenir mutuellement entre femmes partageant une vision entrepreneuriale.
Le leadership, c’est aussi savoir s’entourer et apprendre des plus grands. Avez-vous eu des mentors qui ont influencé votre façon de diriger ou des modèles dans l’Histoire qui comptent particulièrement pour vous ?
À mon grand regret, je n’ai jamais eu de vrai mentor attitré et peut-être que j’aurais appris beaucoup plus rapidement si j’en avais eu un. Quelques rencontres par-ci et des échanges par-là m’ont permis de m’imprégner et d’apprendre de quelques amis dirigeants expérimentés. Néanmoins, j’ai la grande chance d’être soutenue par un mari et des enfants incroyables qui m’encouragent en permanence. À titre de modèle, je suis de près les parcours de femmes inspirantes de niveau mondial comme Anna Wintour, dont j’admire le côté posé et énigmatique. Peut-être que ça rassure la grande introvertie que je suis, me disant qu’on n’a pas toujours besoin d’être bruyant et surjouer pour réussir et que je peux grandir et performer tout en restant fidèle à ma nature.
L'Express de Madagascar