CONSOMMATION  - Les friperies fragilisent l’industrie textile

Le marché de friperies à Analakely.

Le marché des friperies, bien ancré à Madagascar, met en péril l’industrie textile locale. Face à cette situation, des mesures de régulation sont à l’étude pour protéger le secteur tout en préservant la libre concurrence. 

Avec seulement 500 ariary, Jeanne, mère de famille, peut acheter un tee-shirt pour son fils, alors que dans un magasin de vêtements classique, un article neuf coûte environ 10 000 ariary. Cette disparité illustre les contraintes du pouvoir d’achat à Madagascar, où plus de 92 % de la population vit avec moins de 2 dollars PPA par jour, selon la Banque mondiale.

Chaque année, Madagascar importe près de 80 000 tonnes de friperies, d’après les Nations unies. Ce marché en pleine expansion représente un défi pour l’industrie textile locale, déjà fragilisée. « Nous ne voulons pas interdire brutalement les friperies, mais nous plaidons pour un contrôle de leur qualité et une régulation progressive de leur importation », souligne Jean-Baptiste Malsch, directeur général de Somacou, lors d’un atelier sur la stratégie textile de l’habillement. Outre l’impact économique, l’afflux massif de vêtements de seconde main soulève des préoccupations environnementales et sanitaires. 

Cependant, une interdiction pure et simple n’est pas envisageable. « Madagascar a fait le choix d’adhérer à la libre concurrence au sein du marché mondial », rappelle Isidore Razanakoto, directeur général du Commerce. 

Relance en cours

Tout en maintenant cette ouverture, des mesures comme l’instauration d’un quota d’importation sont envisagées pour permettre aux entreprises locales de s’adapter et de renforcer la production artisanale et industrielle. 

Malgré ces défis, le secteur textile malgache connaît un regain d’activité, notamment grâce au statut d’Entreprise Franche. L’Economic Development Board of Madagascar (EDBM) observe une progression des investissements : neuf nouvelles entreprises ont été enregistrées en 2024, contre six en 2023 et trois en 2022. L’investissement prévu pour 2024 s’élève à 34 millions de dollars, en forte hausse par rapport aux 22,5 millions de dollars de 2023. Le textile reste le principal bénéficiaire de ce statut, avec 66,67 % des agréments accordés cette année. 

Un projet d’envergure prévoit l’installation de 20 lignes de production sur 25 000 m² dans la région Analamanga, avec un investissement de 30 millions de dollars et la création de 6 445 emplois. Pour soutenir cette dynamique, l’EDBM travaille à renforcer le cadre juridique des zones franches et à garantir que seuls les acteurs conformes bénéficient des avantages fiscaux. Une réforme législative pourrait être soumise aux sessions parlementaires de 2025. 

Dans ce contexte, la relance du secteur textile pourrait jouer un rôle clé dans la création d’emplois et la réduction de la dépendance aux importations de vêtements. La mise en place de quotas sur les friperies, couplée à un soutien accru à la production locale de tissus et de matières premières, apparaît comme une solution pour rééquilibrer le marché et renforcer la compétitivité des entreprises malgaches.

Irina Tsimijaly

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