Martyrs perdus

Cela fait un demi-siècle aujourd’hui que le colonel Richard Ratsimandrava, chef d’État depuis six jours, a été abattu par Zimbo et Maraseta, deux éléments du GMP retranchés à Antanimora depuis quelques semaines. Zimbo et Maraseta ont été tués sur le lieu du crime, mais le commanditaire de l’assassinat restera méconnu à l’issue d’un long procès dont le principal souci a été de préserver l’unité nationale, qui a condamné cinq larbins, vite amnistiés par Didier Ratsiraka, sitôt investi président de la République en 1975.

Quelques témoins de cette triste fin de l’officier le plus populaire et le plus adulé par l’opinion sont encore vivants mais comme les autres partis avant eux, ils emporteront certainement le secret de cette affaire à jamais.

Comme les victimes des événements de 1972, le colonel Richard Ratsimandrava faisait également partie des martyrs de la lutte pour la liberté et le développement. Il a payé de sa vie sa loyauté, son engagement et son patriotisme. D’autres martyrs lui emboîteront le pas en 1991, 2002 et 2009.  Pour quels résultats? Si c’était à refaire, tous ces héros ne le referaient certainement pas.

Le déclin du pays a commencé après la mort de Ratsimandrava. L’anarchie est née avec le « Fanjakan’ny madinika », la dictature du prolétariat. La société a commencé à perdre ses valeurs. Les premières 

« cités des imbéciles », ancêtres des cartonvilles et des bidonvilles, sont apparues. Les premiers fouilleurs de bacs à ordures ont pris leurs quartiers. La pauvreté se met en relief. Les mots « mahitahita, risoriso, kolikoly » sont entrés dans les vocabulaires quotidiens. La corruption a signé un bail plus qu’emphytéotique avec la société.

Ironie de l’histoire, cela fait justement un demi-siècle que l’on est enlisé dans ce bourbier. Le grand Rado avait écrit un poème sur la mort de Ratsimandrava, espérant qu’il y aurait des milliers de Ratsimandrava à l’avenir. Hélas, visiblement, son espèce a complètement disparu.

Si l’opinion se remémore du colonel Ratsimandrava, c’est que le pays a besoin d’un homme de sa trempe et de son cran pour l’extirper de cet abîme indescriptible qui détruit tout homme et tout l’homme.

Sylvain Ranjalahy

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