Décor didactique

La statuaire fait partie intégrante d’un décorum urbain. La victoire ailée du lac Anosy en souvenir des combattants, malgaches et français, de la «guerre de 14», dont la dorure initiale a noirci jusqu’à lui valoir le sobriquet de «anjely mainty» (ange noirâtre), peut-être à la suite d’un «coup de foudre», au sens littéral. La statue de Jeanne d’Arc à Nice (bronze doré à l’or fin) qu’un tribunal administratif a ordonné de déboulonner parce que la municipalité n’aurait pas respecté la procédure d’appel d’offres et que veut accueillir une ville en Hongrie, soucieuse de défendre les racines chrétiennes de la civilisation européenne. La statue équestre de Frédéric II de Prusse sur l’Unter den Linden à Berlin, avec un grand luxe de détails (frise et panneaux en relief) assortis de drapés et plis ciselés avec minutie. 

Chez nous, le seul monument de quelque envergure, par le réalisme du rendu en trois dimensions, fut la statue équestre du général Gallieni que l’administration coloniale avait installée à Andohan’Analakely en 1935. Même après son enlèvement et son rapatriement, au début des années 1970s, elle avait laissé son nom au quartier, ne serait-ce qu’auprès des chauffeurs de taxi des années 1980s. En remplacement, on a érigé ce pilier dédié au 29 mars 1947. Définitivement moins majestueux, avec son design sommaire et son exécution rudimentaire.

Que ce soit pour la statue de la Liberté dans la baie de New York (cuivre patiné de vert-de-gris), le Christ rédempteur à Rio de Janeiro (béton armé et stéatite), le mémorial du corps des Marines à Arlington (bronze), «arts et métiers» se subliment dans la maîtrise des techniques du métier : creux, bosses, gravure, méplat, bas-reliefs, hauts-reliefs, ronde-bosse.  

Je viens d’apprendre que le sens de l’un contient le sens de l’autre : toutes les statues sont des sculptures, mais toutes les sculptures ne sont pas des statues. Cette réflexion m’est venue après avoir vu la rénovation entreprise sur le monument lapidaire qui signale l’assassinat du colonel Ratsimandrava, le 11 février 1975 : un simple triangle et même pas d’acrotère. 

Existe-t-il encore à Madagascar des artisans d’art capables de créer une sculpture monumentale ? Pourquoi pas en bois imputrescible associé à la technique du pisé des vénérables «tamboho gasy», le tout posé sur un piédestal de même minéral que nos tombes traditionnelles, surtout s’agissant d’un monument funéraire. Cette sculpture statuaire pourrait être érigée en l’honneur, et à la mémoire, du prince Ratsimamanga et du ministre Rainandriamampandry (surnommé «Ratiatanindrazana»), à Antaninarenina, «emplacement habituel des exécutions», où ils furent fusillés sur ordre de Gallieni, le 15 octobre 1896, pour «hostilité déclarée à la cause française». 

Nasolo-Valiavo Andriamihaja

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