SOINS - Le secteur du bien-être en pleine croissance

Le bien-être est en passe de devenir une industrie de premier plan. ( Src photo : Tour Mad)

Le bien-être est en passe de devenir une industrie de premier plan à Madagascar. Des produits certifiés bio à l’habitat en passant par la remise en forme ou encore le sport anti-stress, les divers segments qui composent ce secteur connaissent une croissance continue. 

Le marché du bien-être est en plein essor. Les consommateurs, notamment ceux de la classe moyenne et supérieure, sont de plus en plus disposés à continuer à dépenser plus pour des produits qui améliorent leur santé, leur forme physique, leur nutrition, leur apparence, leur sommeil et leur pleine conscience. Généralement, la notion de bien-être renvoie à un ensemble de facteurs considérés de façon séparée ou conjointe : la santé, le plaisir, la réalisation de soi, l’harmonie avec soi-même et avec les autres... Elle a fait l’objet d’un intérêt accru de la part notamment de psychologues se rattachant au courant de la psychologie positive. 

« À Madagascar, malgré la faiblesse du pouvoir d’achat et les difficultés économiques, le secteur du bien-être se développe de manière significative », constate un gérant de salle de sport. Que ce soit dans le tourisme visant à satisfaire les besoins du corps et à apaiser l’esprit, l’offre alimentaire axée sur le bio, les soins par les plantes, le sport pour combattre le stress ou encore les tendances architecturales, les produits estampillés bien-être ne cessent de gagner du terrain. De plus, les structures d’accompagnement et de coaching, misant sur ce marché en plein essor, se multiplient rapidement dans la Grande Île.

Une enquête menée en 2024 estime notamment que dans le domaine de l’hôtellerie, plus de 30% des établissements en activité proposent aujourd’hui des produits et des services de bien-être. Ces derniers vont des salles de spa aux séances de yoga en passant par les zones de fitness et les boutiques spécialisées.  Aussi, le pays s’arrime-t-il progressivement aux tendances identifiées par le Global Wellness Institute (GWI) et qui confirment que l’industrie du bien-être figure parmi les secteurs les plus prometteurs au monde, puisqu’elle a enregistré une croissance d’un peu plus de 10 % depuis 2013, et représente aujourd’hui plus de 4 milliards d’euros de revenus. 

On sait en outre que le secteur mise sur plusieurs marchés clés dont le tourisme de bien-être qui, ces 10 dernières années, a enregistré une croissance de 14 %. Ce tourisme représente aujourd’hui 15,6 % du marché global (soit près d’un euro sur un total de six euros dépensés par un touriste). Ceci est dû en partie au fait que les voyageurs bien-être dépensent beaucoup plus par voyage : un touriste de bien-être international dépense 61 % de plus qu’un touriste international classique. 

Du hammam au yoga 

Un hôtel situé à Antaninarenina soutient que son centre de bien-être et spa, en mode cosy, est aménagé afin que les clients puissent « s’accorder un moment de détente pour se poser et se ressourcer dans les meilleurs conditions ». L’espace de bien-être et de relaxation occupe 350 m2, propose une décoration intimiste et épurée, une lumière tamisée et un fond musical discret vous invitant à l’apaisement. Les clients peuvent aussi profiter de la piscine chauffée toute l’année, le jacuzzi, le sauna, le hammam et la salle de fitness pour, dit-on, « une expérience sensorielle qualifiée d’unique ». Au menu : aquagym, aquazumba, massages aux pierres chaudes, au bambou ou aux noix de coco, sauna… 

Un autre établissement, aujourd’hui présent à Antananarivo, à Mahajanga et à Toamasina, a choisi de parier sur la qualité de ses produits 100 % naturels élaborés à partir des meilleures ressources offertes par la nature malgache. Chaque spa propose un large éventail de soins professionnels pour le visage et pour le corps (massages, enveloppements, gommages, manucure, pédicure, épilation...) en plus de séances de relaxation (hammam, sauna, balnéothérapie aux plantes). Du côté d’une enseigne hôtelière internationale qui dispose de trois établissements à Antananarivo, on explique que le volet bien-être est au cœur de sa stratégie de développement. Le groupe mise sur un ensemble « reflétant le confort et l’esthétique scandinave caractéristique de la marque ».

À Toamasina, le secteur du bien-être est aussi sur le haut de la vague. Un centre spécialisé a investi plusieurs centaines de millions d’ariary pour pouvoir proposer, entre autres, des clubs de gym, des hammams et des bains turcs. Sur l’île de Nosy Be, principale destination touristique du pays, les hôtels proposant des centres de bien-être et de remise en forme se sont multipliés ces dernières années. L’île au parfum dispose même d’une structure de charme offrant à ses résidents des sessions de yoga, de méditation et de (r)évolution spirituelle, personnelle et professionnelle.

Il y a aussi les stations thermales de Ranomafana et d’Antsirabe. Ces structures sont fréquentées aussi bien par la clientèle touristique internationale que les locaux. Santé et tourisme se conjuguent dans ces endroits qui méritent d’être mieux connus. On y vient pour faire des cures de traitement ou de bien-être. Pour Antsirabe, les fonds recueillis servent au développement du centre lui-même, de la ville d’Antsirabe et de la région Vakinankaratra. Pour Ranomafana, la piscine thermale fait la réputation de la région. Ses sources thermales attirent de nombreux touristes. La station, très ancienne, bénéficie d’une eau chaude ferrugineuse naturelle à 38 °C. Les bains thermaux proposés révèlent de grandes capacités curatives et apportent des bienfaits dans diverses affections tel le rhumatisme. 

Les sources viennent tout simplement des collines avoisinantes du parc de Ranomafana qui compte parmi les sites naturels protégés les plus importants et renommés de Madagascar. Il a vu le jour en 1991 à la suite de la découverte du lémure au bambou d’or ou Hapalémur doré. Couvert par la forêt pluviale d’Atsinanana, le parc abrite douze espèces de lémuriens, cent quinze espèces aviennes dont une trentaine strictement forestière, quatre-vingt-dix espèces de papillons, près d’une centaine d’espèces d’amphibiens, une soixantaine d’espèces de reptiles, à savoir des lézards et des caméléons, près de trente espèces de mammifères et également des poissons rencontrés dans les cours d’eau sillonnant le parc.

Les richesses naturelles de l’île sont très prisées par l’industrie du bien-être. ( Src photo : Tour Mad)

Eldorado pour les multinationales de la beauté

La Grande île est devenue un fournisseur de premier plan pour nombre d’entreprises internationales opérant dans l’industrie de la beauté. De grands groupes cosmétiques, mais aussi nombre de PME européennes, misent sur le formidable potentiel naturel de Madagascar. Les uns sont directement présents dans le pays si les autres travaillent avec les opérateurs locaux. Peu de gens sont au courant que le « longoza » (aframomum augustifolium) est cultivé à Madagascar « spécialement » pour la célèbre Maison Dior. Il est l’ingrédient signature des soins « Capture Totale ». Le groupe LVMH, quant à lui, met en avant l’ylang-ylang, dont Madagascar représente plus de 25% de la production mondiale. 

Mais l’économie de la beauté verte ne concerne pas seulement les grandes entreprises internationales. Lova Mirella Rakotomalala-Ramandimbiarison, dans un ouvrage intitulé « L’écolabellisation des cosmétiques naturels à Madagascar. Un marché de niche vers un marché de masse », explique que la forte croissance des produits écolabellisés sur le marché international et sur le marché malgache a fait que les niches, seulement accessibles à un segment étroit de consommateurs convaincus et plutôt nantis, sont en train de laisser la place à un grand marché plus ouvert. 

Plus d’une centaine de marques sont aujourd’hui présentes sur le marché local. Ces nouvelles marques ont su se faire une place au fil du temps sur un marché de moins en moins dominé par les produits importés. Elles se sont surtout démarquées grâce à leur touche «verte » garantissant des produits sains et d’origine naturelle. Ainsi, même si la majorité des clients continuent encore d’utiliser les produits cosmétiques conventionnels produits à l’étranger, ils plébiscitent de plus en plus les produits locaux et écologiques. 

Outre le contenu, l’on a toujours reproché aux produits de beauté verte « made in Madagascar » leurs contenants. Ils n’étaient pas assez jolis et attractifs. Désormais, ils peuvent parfaitement rivaliser avec les produits d’ailleurs. « Les entrepreneurs ont beaucoup investi dans le packaging de leurs produits pour que les consommateurs soient conquis dès le premier regard. Mais c’est aussi une manière de montrer que l’industrie de la beauté de la Grande île est tout aussi capable de produits de qualité tant sur le fond que la forme », a fait remarquer l’Economic Development Board of Madagascar (EDBM).

Selon l’économiste du développement, Rivo Rasolo, cette montée en puissance de l’industrie de la beauté verte devrait impacter significativement sur l’économie du pays en termes de recettes en devises et d’emplois. Et lui d’ajouter que le marché profite de la naissance d’une véritable conscience écologique. Une industrie qui prospère sur la vague du « naturel » et de la tendance du « mieux consommer ».  Une vague sur laquelle Madagascar peut surfer activement vu que le pays possède les matières premières nécessaires et le savoir-faire. Avec 80% de plantes endémiques, la Grande île a tout pour réussir sur ce créneau. 

TENDANCES-Bien-être rime fortement avec bio 

La pratique du yoga gagne  du terrain dans la Grand île. ( Src photo : Tour Mad)

Le développement du bio s’arrime avec celui du secteur du bien-être. Selon le Syndicat Malgache de l’Agriculture Biologique (Symabio), il est désormais acté que les produits bio sont synonymes de bien-être accru. Que ce soit dans l’alimentaire ou le cosmétique, les consommateurs privilégient de plus en plus les produits respectant des critères environnementaux stricts. 

Aujourd’hui, le Symabio compte une trentaine de membres exerçant des activités dans la filière bio et disposant de certificats de conformité de leurs produits biologiques. Le réseau compte cinq mille partenaires producteurs en milieu rural localisés dans différentes régions de Madagascar. Les opérations de cueillette constituent aussi une source de revenu pour d’innombrables villageois dans les zones répertoriées bio. Le syndicat rappelle qu’il y a 30 ans, à la demande et pour le compte d’importateurs européens, quelques opérateurs économiques ont pratiqué le mode de production en agriculture biologique à Madagascar. 

Des organismes d’appui intervenant alors à Madagascar ont ensuite apporté leur contribution pour que les premiers opérateurs bio puissent obtenir la certification de leurs produits et accéder aux marchés extérieurs. Depuis, l’agriculture biologique a pris un essor tangible : le nombre d’opérateurs certifiés bio à Madagascar est passé de sept en 1996 à une centaine aujourd’hui. Et selon toujours le Symabio, actuellement présidé par Heriniaina Ramboatina, le pays peut encore augmenter sensiblement sa part de marché en tirant parti de l’avantage qu’il a d’être l’un des principaux fournisseurs de produits organiques et de qualité. 

Par ailleurs, le Symabio mène campagne afin que la population malgache puisse consommer mieux et améliorer son bien-être. Car constat est fait que de plus en plus de légumes, de fruits, des œufs, du lait et même de la viande sont produits avec des pesticides, herbicides, engrais synthétiques et autres matières artificielles. Et peu de consommateurs le savent. « Tout comme la production biologique, l’industrie agro-alimentaire, maillon indispensable de la filière bio, doit répondre aux mêmes exigences réglementaires du cahier des charges bio, appliqué de façon identique aux très petites entreprises (TPE) et aux grandes entreprises transformant ou distribuant des matières premières et des produits transformés certifiés », souligne l’organisation.

VERBATIM

Vera Songwe,   économiste et ancienne secrétaire générale adjointe des Nations unies

« En Afrique, le secteur de la santé et du bien-être a le potentiel de créer seize millions d’emplois. D’ici 2030, environ 14% de toutes les opportunités commerciales dans le secteur de la santé et du bien-être dans le monde se situeront en Afrique, à la deuxième place derrière l’Amérique du Nord avec 21%. C’est une énorme opportunité pour le secteur privé ».

Heriniaina Ramboatiana, président du Conseil d’administration du Symabio

 Nous devons continuer à promouvoir la production biologique à Madagascar pour renforcer notre position sur le marché international mais aussi pour développer le marché intérieur. L’industrie du bien-être en général et le secteur du bio en particulier ont encore de grandes marges de développement ici comme ailleurs. Les consommateurs malgaches doivent aussi pouvoir profiter en nombre du bien-être apporté par les produits bio ».

LE SECTEUR DU BIEN-ÊTRE EN CHIFFRES

L'Express de Madagascar

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