La filière avicole dépend fortement de la disponibilité et du prix des matières premières. ( Src photo : MINAE) |
La filière avicole dispose d’un potentiel de croissance important mais fait face actuellement à des défis majeurs. Le ministère de tutelle estime qu’il est essentiel de redynamiser la filière en s’attaquant au problème de la baisse du volume de matières premières et à la professionnalisation des acteurs.
La production de maïs, matière première essentielle pour l’alimentation animale, a connu une baisse significative, passant de 500 000 à environ 300 000 tonnes par an, et le pays reste fortement dépendant des importations de soja, qui couvrent 95 % de ses besoins. On constate en outre que la consommation de poulet et d’œufs tend à stagner, à respectivement 2,5 kg par personne par an pour le poulet et vingt œufs par personne par an. Tous ces facteurs ralentissent le développement de la filière avicole dans le pays et justifient la mise en place d’une stratégie de redynamisation.
Les données disponibles ne permettent pas de connaître exactement l’effectif des acteurs de la filière avicole dans la Grande Île. On estime cependant que 67 % des ruraux possèdent au moins une poule. Plus de un million quatre cent mille exploitations élèvent au moins une poule, tandis qu’un éleveur dit professionnel possède plus de 70 volailles. Une enquête dans la commune rurale d’Ilaka-Centre révèle que la majorité des volailles sont achetées par des collecteurs d’Antananarivo. Le cheptel national aviaire est estimé pour sa part à plusieurs millions de têtes.
La filière avicole traditionnelle laisse progressivement la place à une filière plus industrielle. L’aviculture est la filière d’élevage la plus structurée dans le pays. Selon Andy Solotiana, un spécialiste du secteur, les entreprises avicoles sont à même d’assurer la traçabilité du produit, depuis la reproduction d’un poussin d’un jour, en passant par son engraissement et son alimentation, jusqu’à son abattage et à la fabrication des produits élaborés de volailles. La demande de produits transformés à base de poulet connaît une croissance continue. Du poulet fumé à la terrine de volaille, en passant par le jambon et la saucisse, les produits proposés sur le marché sont diversifiés.
Prenant acte des défis auxquels est confrontée la filière, le MINAE affirme mettre en œuvre une stratégie à long terme pour redynamiser l’ensemble de la chaîne de valeur avicole. Des concertations avec tous les acteurs de la filière seront organisées afin d’augmenter la production de maïs et d’autres matières premières pour l’alimentation animale, de développer des semences résistantes au changement climatique et de mettre à disposition des surfaces cultivables dédiées. La formation des éleveurs et l’appui aux entrepreneurs sont également au programme.
C’est dans cette perspective qu’une rencontre s’est tenue le 4 novembre 2024 entre le ministre de l’Agriculture et de l’Élevage et des représentants de l’Interprofession Aviaire de Madagascar (IPA). L’objectif est de définir les actions concrètes à mettre en œuvre pour relancer la filière avicole et améliorer la sécurité alimentaire en renforçant l’offre de protéines d’origine animale. « Ces initiatives s’inscrivent dans le cadre plus large de la transformation du secteur agricole à Madagascar », a-t-on précisé.
Rencontre entre le ministre de tutelle et l’InterProfession Aviaire de Madagascar (IPA). ( Src photo : MINAE) |
Importation massive de maïs
À Madagascar, le maïs est la deuxième céréale la plus consommée après le riz. Toutefois, la faiblesse de la production locale impacte directement la disponibilité de cette céréale pour l’alimentation animale et freine significativement le développement de la filière avicole. C’est pourquoi les autorités ont exceptionnellement autorisé cette année l’importation de 26 000 tonnes de maïs, destinées spécifiquement à la fabrication de provende pour nourrir les volailles.
Cette mesure gouvernementale fait suite à une requête formulée par les membres de l’IPA afin de répondre à la hausse des prix du maïs sur le marché local. En effet, les statistiques montrent que le prix du kilogramme de maïs était compris entre 1 550 et 1 600 ariary début juin, contre 1 250 à 1 300 ariary début mai, soit une augmentation de 23 % en un mois.
Par ailleurs, le Département américain de l’Agriculture (USDA) a observé que la production malgache de maïs tourne autour de 220 000 tonnes par an, tandis que la consommation annuelle de la céréale atteint près de 230 000 tonnes. Selon cet organisme, environ 40 % de la production locale est destinée à l’alimentation animale.
Malgré ces défis, les enquêtes montrent que l’élevage de poulets de chair et de poules pondeuses représente une filière porteuse à Madagascar. Afin de permettre à cette filière de prospérer, il est essentiel de mettre un terme aux activités spéculatives sur les matières premières. Le MINAE souligne également l’importance de réduire les coûts de production des éleveurs, d’autant plus que le faible pouvoir d’achat de la population limite la possibilité d’augmenter les prix.
« Les responsables publics et les partenaires doivent prendre des mesures appropriées pour inciter les éleveurs à réduire la taille de leur cheptel en raison de la rentabilité insuffisante. Certains ont même choisi de se reconvertir dans d’autres secteurs. Il est également crucial de trouver des solutions pour ajuster les prix des œufs au pouvoir d’achat des consommateurs », affirme Mira Rakotondrandria, secrétaire générale de l’IPA.
Pour un commerçant établi à Ampefiloha, les produits issus de la filière avicole doivent rester compétitifs. Si cette filière porteuse venait à se dégrader, un secteur entier de l’économie en souffrirait. Cependant, le marché local n’est pas saturé, et Madagascar a l’opportunité de répondre à la demande des îles de l’océan Indien, qui s’approvisionnent actuellement en poulets depuis le Brésil. Il convient de rappeler que des efforts importants ont été réalisés pour structurer la filière : les cheptels sont indemnes de maladies, et de nombreux acteurs, notamment les éleveurs, se professionnalisent de plus en plus.
Moderniser les outils de production
Sur le plan socio-économique, la filière avicole soutient des dizaines de milliers de ménages. « C’est une source de revenus rapide et durable qui permet de créer de nombreux emplois, car il s’agit d’un élevage à cycle court contribuant à l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire de Madagascar », expliquent les spécialistes. Ils insistent sur la nécessité d’importer à faible coût du maïs non concassé et de renforcer la production locale de maïs.
Il est également crucial d’accélérer la professionnalisation de la filière. Dans ce cadre, le ministère de tutelle, en collaboration avec le Fonds de l’élevage, soutient les exploitants du secteur avicole afin d’améliorer la production à l’échelle nationale. Par exemple, des actions ont été menées dans la commune rurale de Behenjy, située dans la région de Vakinankaratra, pour équiper les associations paysannes. « L’objectif est de permettre à Behenjy de produire jusqu’à quatre mille poulets de race locale (akoho gasy) par mois, afin que les exploitants puissent augmenter leurs revenus en accédant à un marché plus large », précise-t-on.
Ainsi, plusieurs centaines de poulets ont été remis aux éleveurs de la commune, accompagnés de 2 tonnes de produits destinés à l’alimentation. Les éleveurs ont également bénéficié d’équipements permettant d’améliorer leurs techniques d’élevage, tels qu’un groupe électrogène et des vaccins. Les membres des organisations paysannes ont par ailleurs suivi une formation. Il a été rappelé à cette occasion que l’aviculture joue un rôle économique primordial pour de nombreux ménages, notamment en zone rurale et dans les localités périurbaines.
Les données disponibles indiquent que le secteur de l’élevage représente environ 15 % du PIB national, et la part de l’élevage de volailles dans ce secteur dépasse les 60 %. Les prévisions tablent sur un doublement de la consommation malgache de viande de poulet (passant à 5 kg par habitant par an) d’ici 2030. En se basant sur la moyenne mondiale de 14 kg par habitant par an, ces projections semblent réalistes.
Il convient également de souligner l’intérêt croissant des industriels pour la filière avicole. En plus des opérateurs historiques comme la société LFL, d’autres groupes de renom ont choisi d’investir dans le secteur, à l’instar de Mabel. Spécialisée dans la transformation et la distribution de poulet, cette entreprise a récemment obtenu sa certification HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point) pour les activités d’abattage, de découpe et de transformation de volaille. Cette certification a été obtenue après un processus mené par Socotec, leader mondial du testing, de l’inspection et de la certification dans les domaines de la construction, des infrastructures et de l’industrie.
Selon les estimations, la filière avicole industrielle malgache devrait produire plus de quatre millions de poussins de ponte et vingt millions de poussins de chair d’ici cinq ans, générant ainsi un chiffre d’affaires global de plus de 200 millions de dollars. Cependant, pour atteindre ces objectifs, il est nécessaire de doubler, voire tripler les investissements et de renforcer considérablement la formation et l’accompagnement des éleveurs.
La filière avicole malgache s’industrialise progressivement. ( Src photo : MINAE) |
Fêtes de fin d’année
Une aubaine pour le secteur des volailles
En dépit d’un pouvoir d’achat de la population qui s’affaiblit, les professionnels de la filière aviaire, des industriels aux éleveurs traditionnels en passant par les collecteurs et les commerçants, misent beaucoup sur les fêtes de fin d’année pour booster leurs revenus.
À quelques jours de la célébration de la fête de Noël, les vendeurs de volailles commencent à écouler davantage leurs produits. Les marchés sont de plus en plus bondés et, si certains hésitent encore entre dindes, oies, canards ou poulets, force est de constater que nombre de Malgaches font toujours rimer fêtes et volailles.
Côté prix, les dindes vivantes peuvent atteindre 160 000 ariary l’unité. Quant aux oies, elles varient entre 80 000 et 120 000 ariary, tandis que le poulet vivant s’acquiert entre 25 000 et 40 000 ariary. Comparés à l’année dernière, pour la même période, les prix des volailles n’ont pas de changements notables. En revanche, certains marchands ont dû réviser à la hausse leurs prix en raison de l’augmentation du prix des matières premières.
Ceux qui n’ont pas les moyens, ou ne souhaitent pas acheter des volailles vivantes, peuvent acheter un demi-kilo ou un quart de kilo de viande de poulet auprès des boucheries ou des supermarchés. Selon un commerçant d’Analakely, les volailles vendues au kilo ont de plus en plus la préférence des acheteurs. Il note aussi que davantage de ménages choisissent d’élever quelques animaux de la ferme chez eux pour pouvoir assurer les fêtes de fin d’année.
VERBATIM
Mira Rakotondrandria, secrétaire générale de l’InterProfession Aviaire de Madagascar (IPA)
« La croissance et la viabilité de la filière avicole dépend en grande partie de la disponibilité et de l’accessibilité du maïs qui constitue plus de 60% des aliments pour les cheptels d’élevage. Rien que pour la fabrication de provendes, le Malagasy Professionnels de l’Elevage (MPE) et l’InterProfession Aviaire de Madagascar (IPA), enregistrent un gap de 150 000 tonnes de maïs. Nous ne pouvons pas développer la filière si les éleveurs sont contraints de réduire leur cheptel faute de rentabilité et de disponibilité des matières premières ».
L'Express de Madagascar