Participation de Madagascar au Forum multilatéral sur la politique industrielle de l’Onudi. |
Le Pacte pour la Programmation Industrielle de Madagascar, signé en juillet 2023 par les représentants du secteur privé et du secteur public, définit l’ambition de doubler le poids de l’industrie dans l’économie du pays, pour le porter à 30 % du PIB à l’horizon 2040. Un objectif ambitieux, mais réalisable selon les parties prenantes.
Pour parvenir à multiplier par deux la part du secteur industriel dans son économie, Madagascar dispose désormais d’une stratégie et d’une trajectoire de mise en œuvre pour cinq secteurs prioritaires, à savoir l’agribusiness, les mines, l’énergie, le textile et les huiles essentielles. Selon les explications fournies, la stratégie retenue anticipe l’impact des développements industriels à venir, et a stratégiquement intégré les enjeux de production durable dans sa conception.
À savoir que le Conseil National pour l’Industrialisation de Madagascar (Cnim), actuellement présidé par Christian Rasoamanana, assure le pilotage stratégique et le suivi de la mise en œuvre du Pacte d’Industrialisation. C’est dans ce cadre que cette plateforme a produit un guide des bonnes pratiques de production durable pour le secteur agroalimentaire, pour signifier l’importance de démarrer cette dynamique en intégrant la durabilité dès le début, et pour faciliter ce process pour les nouveaux investisseurs dans ce secteur.
« Les leaders historiques de l’industrie ont activement développé des pratiques durables, avec des niveaux d’intensité liés à leurs priorités et leurs capacités ; leurs initiatives peuvent inspirer des opérateurs plus récents, y compris les startups et nouveaux entrants dans cette industrie », a-t-on expliqué. Le guide identifie les meilleures pratiques de l’industrie agroalimentaire à Madagascar et présente une démarche évolutive, pratique, pour les entreprises qui veulent se développer de façon durable. On sait en outre que les autres secteurs prioritaires devraient aussi bénéficier à l’avenir d’un guide de bonnes pratiques.
Rappelons que pour développer e tissu productif du pays, l’objectif fixé par le président de la République, Andry Rajoelina, est de produire localement ce dont la population a besoin au quotidien. Et les observateurs sont unanimes sur le fait que l’industrialisation est inévitable si le pays veut se développer. Madagascar possède de nombreux avantages comme la main-d’œuvre compétitive et les matières premières que l’on retrouve dans toute l’île et de nombreuses zones de production encore exploitables. Pour le Syndicat des Industries de Madagascar (SIM), présidé par Tiana Rasamimanana, le pays dispose d’atouts importants pour booster son industrie, mais il est tout aussi urgent de lever certains obstacles de taille dont le déficit énergétique et la dégradation des infrastructures, notamment routières.
Des mesures pour encourager l’investissement indu-striel à Madagascar ont été identifiées à l’instar de la mise en place d’une plateforme dynamique de dialogue entre le gouvernement et le secteur privé pour revoir notamment les mesures fiscales et douanières. Il y a eu également le lancement des programmes pour stimuler la filière petite industrie comme l’ODOF (One District One Factory). Lors de la « Table Ronde Economique » organisée le 17 octobre dernier à Antananarivo avec l’Union européenne, l’occasion s’est encore présentée pour se pencher sur les opportunités permettant de renforcer l’industrialisation qui, a-t-on souligné, « constitue le deuxième pilier du développement économique ».
Une question de souveraineté
Mais la politique d’industrialisation de Madagascar est aussi considérée comme un moyen de renforcer la souveraineté économique du pays. « Madagascar doit s’activer pour voir émerger suffisamment de champions industriels nationaux à même de satisfaire en qualité et en quantité les besoins de la population en produits transformés », a-t-on souvent entendu ces dernières années. Mais comment fonder une souveraineté industrielle nationale, condition essentielle pour que le pays ne soit plus trop dépendant des produits étrangers ? Pour le secteur privé, Madagascar doit faire face plus efficacement aux défis structurels à différents niveaux, principalement en matière de capacités de production, de ressources humaines, d’accès au financement et d’infrastructures.
Bien que le pays soit doté de ressources et de capacités importantes, la croissance de son économie reste insuffisante, avec une dépendance très forte vis-à-vis de l’étranger et des marchés mondiaux. Et la situation s’est compliquée ces dernières années suite à la succession de crises sanitaire et économique ainsi que les tensions géopolitiques. Mais les entreprises reconnaissent que des efforts ont été consentis par le partenaire public pour aller vers la souveraineté industrielle. Parmi ceux-ci, justement, la signature du Pacte pour l’industrialisation et la mise en orbite du Cnim.
À noter également le projet de mise en place du Fonds National de Développement Industriel (FNDI). Selon le patronat, cette initiative devrait contribuer à transformer le paysage industriel du pays. Du côté des autorités, on insiste sur le fait que l’heure est au renforcement du cadre légal et le lancement des « initiatives concrètes » pour transformer l’écosystème industriel. On rappelle également la remise sur les rails de grands projets comme la mise en place d’une Zone industrielle (ZI) de 668 hectares à Moramanga.
Le ministère en charge de l’Industrialisation se félicite pour sa part que le développement industriel figure en bonne place parmi les priorités inscrites dans le Programme Général de l’État (PGE). « Madagascar dispose d’une population jeune et dynamique, de richesses importantes qui restent peu exploitées et dont les ressources ne sont pas bien valorisées. Le secteur privé doit être engagé pour accompagner cet essor. De nombreux secteurs stratégiques sont à investir, comme l’agro-industrie », souligne ce département dirigé actuellement par David Ralambofiringa.
Les autorités souhaitent multiplier les unités industrielles dans les districts. |
Soutien actif des partenaires
Outre la volonté affichée des entreprises et de l’État d’avancer ensemble pour accélérer et rendre plus inclusif l’industrialisation du pays, l’activisme des partenaires techniques et financiers est aussi à constater. De la Banque mondiale à l’Union européenne en passant par la Banque africaine de Développement (BAD), les projets d’appuis en faveur de l’industrialisation se multiplient. « Le secret de la richesse des nations est clair : les nations développées ajoutent de la valeur à tout ce qu’elles produisent, les nations pauvres exportent des matières premières », soutient la BAD qui estime que l’Afrique ne doit plus être au bas des chaînes de valeur.
À noter que l’industrialisation est au cœur des « High 5 » de la BAD qui s’est engagée à mobiliser des capitaux, à réduire les risques d’investissement pour le secteur privé et à tirer parti des marchés des capitaux. « Autant de mesures indispensables pour mettre en œuvre l’agenda industriel du continent et construire une Afrique du XXIe siècle bien armée pour prendre sa place dans les chaînes de valeur mondiales », selon le président de cette institution, Akinwumi Adesina.
La BAD, qui finance entre autres le Projet d’Appui à l’Industrialisation et au Secteur Financier (PAISF), fait remarquer que la Grande Ile se caractérise par une population jeune, une demande croissante de biens de consommation, de produits alimentaires et de services financiers. « Ensemble, ces facteurs font du pays un créneau commercial et industriel attrayant pour le secteur privé ». Notons par ailleurs que les partenaires techniques et financiers s’accordent sur le fait qu’aucune région du monde n’est devenue une économie industrialisée sans avoir transformé son secteur agricole. « Une agriculture alliée à l’industrie est synonyme d’un développement durable, de création de richesses et de souveraineté industrielle ».
L’Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel (Onudi) rappelle souvent ce constat tout en soulignant la nécessité pour chaque pays de se doter d’une véritable politique industrielle. « Peu de pays ont connu une croissance économique soutenue sans industrialisation, et aucun pays ne s’est industrialisé sans politiques industrielles, généralement définies comme toute tentative de réorienter l’affectation des ressources par rapport à une situation découlant de la liberté des marchés », note cette organisation.
Selon toujours l’Onudi, la politique industrielle peut être définie comme « tout type d’intervention ou de politique gouvernementale qui vise à améliorer l’environnement des entreprises de transformation ou à modifier la structure de l’activité économique en faveur de secteurs, de technologies ou de tâches susceptibles d’offrir de meilleures perspectives de croissance économique ou de bien-être social que ce qui se produirait en l’absence d’une telle intervention ». Ainsi définie, la politique industrielle ciblerait, outre l’industrie à proprement parler, divers secteurs essentiels à l’industrialisation, comme l’agriculture, la finance ou les transports.
Ainsi, le succès d’une politique industrielle exige à la fois une orientation sectorielle et la mise en place de fondamentaux. Il est donc essentiel que les pays identifient des combinaisons optimales de mesures politiques à prendre pour soutenir un programme industriel. Autre remarque : l’architecture économique mondiale permet actuellement aux pays en développement comme Madagascar de sauter les étapes et d’accélérer leurs efforts d’industrialisation à la condition d’étudier soigneusement ce qui a donné de bons résultats ailleurs et de l’adapter à leurs conditions locales.
INDUSTRIALISATION
Le grand rendez-vous de Riyad
L’industrialisation passe aussi par la modernisation des outils de production. |
Madagascar a pris part au Forum multilatéral sur la politique industrielle de l’Onudi (MPIF), qui s’est tenu à Riyad, en Arabie saoudite, du 23 au 24 octobre 2024, sous le thème « Faire en sorte que la politique industrielle serve les ODD ». L’événement est présenté comme un rendez-vous de premier plan pour le discours et les échanges sur la politique industrielle entre les États membres et les parties prenantes concernées à tous les niveaux.
Lors du MPIF, la délégation malgache a partagé avec les autres participants les approches et des solutions innovantes pour le développement industriel. « Le forum sert de plateforme mondiale d’apprentissage mutuel sur les thèmes de la politique industrielle, soulignant la contribution des politiques industrielles à l’accélération de la réalisation des Objectifs de Développement Durable (ODD) », a-t-on souligné.
Sous l’égide des autorités saoudiennes et de Gerd Müller, Directeur général de l’Onudi, le MIPF 2024 a attiré des milliers de participants, notamment au niveau ministériel, des délégations des pays les moins avancés (PMA) et des intervenants distingués d’organisations internationales, du monde universitaire, de l’industrie et des partenaires de développement de l’Onudi.
Les représentants des pays, dont Madagascar, ont participé à des sessions dédiées pour discuter et élaborer des solutions concrètes aux défis du développement industriel qui les concernent particulièrement. Le ministre chargé de l’Industrialisation, David Ralambofiringa, a partagé les expériences, les opportunités et les défis de Madagascar ainsi que les outils existants et les progrès réalisés pour faire progresser l’industrialisation du pays, qui est l’un des trois piliers de son plan de développement. Il a aussi rappelé l’ambition de Madagascar de doubler le poids économique de son industrie d’ici 2040.
« Le Forum a offert aux parties prenantes une plateforme pour partager des approches et des solutions innovantes pour le développement industriel, en mettant l’accent sur la contribution de la politique industrielle à la réalisation des ODD », a-t-on aussi précisé. Pour Volatiana Rakotondrazafy, représentante de l’Onudi à Madagascar, le MIPF a été une opportunité de mettre notamment en avant la fonction analytique et le rôle de rassembleur de l’Onudi, ainsi que ses offres de coopération technique aux États membres, en mettant l’accent sur ses services de conseil en politique industrielle.
VERBATIM
David Ralambofiringa, ministre chargé de l’Industrialisation
« L’industrialisation est aujourd’hui l’une des grandes priorités de Madagascar. Dans cette perspective, nous devons promouvoir les investissements directs nationaux et étrangers, particulièrement dans la transformation locale des produits, afin de réduire la dépendance aux importations et d’ajouter de la valeur aux produits malgaches. Nous multiplions aussi les collaborations pour stimuler la production et les exportations et comptons renforcer les projets comme le One District, One Factory (ODOF) ».
Volatiana Rakotondrazafy, représentante de l’Onudi à Madagascar
« Outre la nécessité d’accroitre la part de l’industrie dans le PIB du pays, il y a aussi la nécessité à ce que les femmes et les hommes, sur un pied d’égalité, dirigent, participent et bénéficient ensemble d’un développement industriel inclusif et durable, contribuant directement à l’Agenda 2030 et à ses Objectifs de Développement Durable. Il faut également renforcer les capacités et les mesures qui contribuent à la création d’un environnement résilient et durable pour les PME dans l’ensemble des chaînes de valeur. »
L’INDUSTRIALISATION EN CHIFFRES
L'Express de Madagascar