Jamais les dégâts d’une inondation n’ont été aussi dramatiques que ceux subis par la ville espagnole de Valence. Les images, aussi bien pendant qu’après les inondations, font froid dans le dos. Des crues d’une puissance impensable charriant tout sur leur passage ont laissé place à une ville totalement défigurée et à des enchevêtrements de véhicules que le meilleur scénariste d’un thrilleur n’aurait pas imaginés.
Il est tombé en huit heures l’équivalent d’une année de pluviométrie. Une précipitation qui a surpris tout le monde, bien que presque tous les pays et tous les continents subissent les effets du réchauffement climatique. Beaucoup d’automobilistes ont été surpris en cours de route. Ils font partie des deux cent vingt victimes et des disparus du drame. La loi de proximité peut évidemment nous éloigner de ce triste événement, tout comme la guerre en Ukraine et les bombardements israéliens à Gaza et au Liban. Cela ne nous concerne pas directement, et on s’en moque éperdument. Ce n’est pas plus préoccupant que le délestage et la coupure d’électricité qui se maintiennent bel et bien en dépit des instructions du président de la République.
Mais ce qui est arrivé à Valence pourrait très bien survenir à Madagascar en général et à Antananarivo en particulier. Pour la simple et bonne raison que les deux villes ont presque la même structure. Valence est construite en partie sur une zone inondable ceinturée par un fleuve. Quand les précipitations dépassent la quantité normale, le fleuve sort de son lit et dévaste toute la ville dénuée de digue de protection.
Tana est également entourée de fleuves au Sud, au Nord, à l’Est et à l’Ouest. Dans les années 70, on a commencé à construire les digues longeant Ankadimbahoaka à Andranomena en prévision d’éventuelles inondations de l’ampleur de celles de 1959. Il était pratiquement interdit de construire sur les digues et leur proximité. Cela a duré quelques années avant que l’anarchie, l’indiscipline et la corruption s’assoient sur les réglementations en vigueur. Le boom démographique aidant, les routes-digues sont devenues aujourd’hui une grande agglomération, une ville dans la ville. Les constructions illicites y pullulent depuis qu’un stationnement de taxi-brousse a été installé de l’autre côté, sans respect d’aucune norme.
Depuis quelques temps, un projet de la Banque mondiale s’attelle au renforcement de ces digues là où il est encore possible de réaliser des travaux. Des expropriations sont inévitables. Du côté d’Ampasika jusqu’à Ambodihady, la « ville » se développe à la vitesse du vent, sans la moindre intervention des autorités. Si on n’affiche pas une détermination pour juguler ces constructions sauvages, la capitale ne sera pas à l’abri d’une catastrophe de la taille de celle de Valence. Mais si on ne le fait pas, c’est la nature qui s’en chargera. À quelque chose malheur est bon.
Sylvain Ranjalahy