Rencontre entre les Partenaires Techniques et Financiers et les parties prenantes du secteur énergie, le 24 octobre à Antananarivo. |
Dans le cadre du projet de Loi de finances initiale pour 2025, le ministère de l’Économie et des Finances note que les investissements dans les secteurs clés, notamment l’énergie, devraient tirer la croissance économique de la Grande Île vers le haut.
La ministre de l’Économie et des Finances, Rindra Hasimbelo Rabarinirinarison, a présenté devant l’Assemblée nationale, ce lundi 18 novembre 2024, le projet de loi de finances 2025. La présentation s’est articulée en quatre parties. La première a été consacrée au cadrage macroéconomique, avec une prévision de croissance fixée à 5 %. La deuxième partie a porté sur les recettes, la troisième sur les dépenses, et la quatrième sur les projets dits structurants. Parmi ces projets figurent ceux relatifs à l’autosuffisance alimentaire, aux infrastructures et à l’électricité, notamment à partir des énergies renouvelables.
Sur ce dernier volet, les autorités misent beaucoup pour atteindre les objectifs de croissance pour l’année prochaine. À noter en passant que dans ce projet de loi de finances, les budgets des institutions et des ministères ont été réduits par rapport à ceux de 2024. En revanche, les budgets alloués aux grands projets ont été augmentés. Le secteur énergétique peut ainsi s’attendre à une enveloppe de 562 milliards d’ariary de budget d’investissements au titre du ministère de l’Énergie et des Hydrocarbures. Il a également été précisé que l’État ne compte plus subventionner les achats de carburants mais renforcera les subventions d’équipements.
Les projets dans les énergies solaire et éolienne seront ainsi prioritaires. Dans cette optique, une puissance supplémentaire de 250 MW d’énergie solaire sera produite l’année prochaine. « Les projets d’achat de kits solaires seront poursuivis pour les plus démunis, alors que les foyers de la classe moyenne pourraient avoir droit à des panneaux solaires », a-t-on également fait savoir. Un budget conséquent est également prévu pour la mise en œuvre du projet de 30 MW par le biais de la transformation des déchets d’Andralanitra. De son côté, la Commission des finances de l’Assemblée nationale a rappelé que deux projets de loi ont déjà été examinés et adoptés, dont celui autorisant la ratification du statut de l’IRENA (Agence internationale pour les énergies renouvelables), qui devrait permettre à Madagascar de jouir des financements relatifs à la mise en place des énergies renouvelables.
« La transition énergétique appelle le recours impératif à l’hybridation des sources de production d’énergie afin de répondre aux besoins quotidiens de la population en général et du secteur économique en particulier », a-t-on également fait savoir avant de préciser que la politique d’installation des centrales solaires, qui a été de 50 MW en 2024, sera de 250 MW pour 2025, dont 150 MW sont à la charge de l’État à travers ce projet de loi de finances, et les 100 MW restants proviendront d’investissements directs. D’autres sources d’énergie viendront, en 2025, renforcer ces productions, notamment les projets éoliens et le centre d’incinération de déchets à hauteur de 20 à 30 MW.
Connecter 70 % de la population
Les partenaires techniques et financiers (PTF) accueillent favorablement ce choix des autorités de renforcer les investissements énergétiques dans le pays. Pour rappel, au mois d’octobre dernier, le président de la République, Andry Rajoelina, a souligné lors d’une réunion de travail avec une délégation de la Banque mondiale la nécessité de consolider la coopération autour des projets financés par l’institution dans le domaine de l’énergie et d’identifier des solutions concrètes aux défis liés à l’accès à l’électricité à Madagascar.
Le chef de l’État a également saisi cette occasion pour rappeler que 70 % de la population malgache n’a toujours pas accès à l’électricité et que le coût élevé de l’énergie demeure un fardeau pour les ménages et les entreprises. Il a aussi souligné que la subvention annuelle de la Jirama, estimée à 250 millions de dollars, pèse lourdement sur le budget de l’État, limitant les investissements dans d’autres secteurs essentiels.
Parmi les initiatives phares discutées lors de cette réunion figurent les projets LEAD (Accès à l’électricité au moindre coût) et DECIM (Connectivité numérique et énergétique), qui jouent un rôle clé dans la réalisation de la Politique générale de l’État. Le premier projet vise à densifier le réseau électrique et à étendre l’accès à l’énergie à une part significative de la population. Il inclut la distribution de kits solaires, le programme Branchement Mora, et l’électrification de tous les Centres de santé de base (CSB) du pays.
Quant au projet DECIM, financé à hauteur de 400 millions USD, il ambitionne de promouvoir les énergies renouvelables et d’étendre les services numériques en milieu rural. Selon le ministre de l’Énergie et des Hydrocarbures, Jean-Baptiste Olivier, ces deux projets permettront d’équiper près de un million deux cent mille foyers en kits solaires, réduisant ainsi la dépendance au pétrole lampant. En outre, dix-sept centrales feront l’objet d’une hybridation avec l’énergie solaire, afin d’améliorer l’efficacité énergétique. Les autorités comptent également moderniser les équipements du réseau d’électricité, notamment des sous-stations du réseau interconnecté d’Antananarivo, l’une des causes majeures des coupures fréquentes.
De leur côté, les PTF estiment que, pour doubler l’accès à l’énergie de 33,7 % à 67 % à Madagascar et ajouter 3,4 millions d’utilisateurs d’Internet supplémentaires pour promouvoir l’inclusion socio-économique, il est nécessaire de s’engager résolument dans des investissements ciblés, explorant les synergies entre les deux secteurs rendues possibles par des réformes cruciales. Au moins dix millions de personnes, dont deux millions de ménages et plus de cent cinquante villages de communautés mal desservies, devraient ainsi avoir accès à l’électricité dans les prochaines années. Quelque deux mille centres de santé et écoles devraient aussi être alimentés en énergies renouvelables.
Le projet de Loi de finances 2025 prévoit 562 milliards d’ariary de budget d’investissements au profit du secteur énergie. |
67,3 millions de la BAD
Pour la Banque africaine de développement (BAD), qui a accordé dernièrement un prêt de 67,3 millions de dollars américains à Madagascar pour mettre en œuvre la première phase de son programme d’appui à la gestion financière et à la résilience économique pour la période 2024-2025, le renforcement des infrastructures énergétiques constitue l’une des priorités dans le cadre de cet appui, qui s’inscrit dans le financement de la Facilité d’appui à la transition. « Le programme vise à contribuer à la création des conditions favorables à une croissance économique forte et inclusive par le renforcement de la gouvernance économique et financière et l’amélioration de la BAD. »
Ce dernier a ajouté que Madagascar est accompagné dans la mise en œuvre des réformes prioritaires de la Politique Générale de l’État (PGE) 2024-2028 et de la Nouvelle Politique Énergétique (NPE) de Madagascar pour 2015-2030. Le financement permettra ainsi de remédier au déficit d’investissement par l’élargissement de l’espace budgétaire en dégageant des ressources supplémentaires pour la relance économique, tout en améliorant la gouvernance du secteur de l’énergie. S’agissant de l’amélioration de la gouvernance du secteur énergétique, le programme prévoit de soutenir le Plan d’actions de la Jirama et l’amélioration de la performance technique et financière à court terme afin de réduire les transferts de l’État en direction de cette société d’État.
« Le programme bénéficiera en priorité à la population malgache en créant un meilleur cadre réglementaire de promotion des investissements et de développement de projets en partenariat public-privé (PPP), ainsi qu’une meilleure gouvernance sectorielle, notamment dans l’énergie. Cela permettra d’améliorer le climat des affaires et d’attirer les investissements dans les secteurs créateurs d’emplois », a aussi tenu à souligner la BAD.
À noter, par ailleurs, que la Stratégie Nationale d’Électrification (SNE), approuvée en 2019, définit la stratégie pour atteindre les objectifs fixés par la Lettre de Politique de l’Énergie en termes d’électrification de 70 % du pays d’ici 2030, reposant sur un mix d’extension du réseau national (70 %), de développement de mini-réseaux (20 %) et de solutions individuelles (10 %). Ce plan est mis en œuvre sur la base du constat selon lequel moins de 5 % de la population en milieu rural à Madagascar a accès à l’électricité par réseau.
ÉNERGIES RENOUVELABLES - Le « FIER » en appui aux entreprises
Madagascar compte miser davantage sur l’énergie solaire. |
Outre les investissements publics, les appuis budgétaires et les projets portés par les institutions comme la Banque mondiale, la BAD, les agences onusiennes ou encore le GIZ (coopération allemande), les efforts portent aussi sur le financement des entreprises voulant opérer dans le développement de l’écosystème de l’énergie verte. C’est dans ce cadre qu’est mis en œuvre le projet « FIER », financé par le Fonds conjoint des Nations Unies pour les Objectifs de développement durable.
À travers le FIER, les entreprises peuvent accéder à des prêts concessionnels, des garanties et des subventions complémentaires pour le financement des projets sur l’énergie renouvelable et durable à Madagascar. L’objectif, selon les promoteurs du projet, dont le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et le Fonds d’équipement des Nations Unies (UNCDF), est de développer une ligne de financement pour des projets d’énergie durable, de cuisson propre et d’efficacité énergétique à Madagascar. Car, malgré son fort potentiel en énergies renouvelables, la Grande Île, tout comme la majorité des pays en voie de développement, est caractérisée par un secteur énergétique peu développé et vulnérable aux chocs exogènes et aux changements climatiques.
« Madagascar présente un faible taux d’électrification de 26 %, un faible taux d’accès à l’électricité (35,1 %) selon les dernières estimations de la Banque mondiale, réparti de manière disproportionnée entre les
zones urbaines (60 %) et les zones rurales (15,1 %) », a tenu à rappeler le PNUD. En 2017, le pays avait une capacité de production d’électricité installée de seulement 400 MW, principalement thermique (53 %), hydroélectrique (39 %) et solaire (1 %).
Par ailleurs, plus de 92 % des ménages malgaches dépendent du bois de feu, du charbon de bois et autres biomasses pour satisfaire leurs besoins en énergie de cuisson. Seulement 0,6 % des ménages malgaches utilisent des combustibles propres et seulement 0,3 % d’entre eux utilisent des fours de cuisson améliorés. Madagascar a perdu plus de 90 000 ha de forêts par an cette dernière décennie en raison de la déforestation due à la conversion en zones de cultures, aux exploitations minières et à la forte demande en bois d’énergie.
Ces défis énergétiques constituent un obstacle majeur au développement économique et social, augmentent la pression sur la déforestation et ont un impact négatif sur la santé de la population. Malgré cela, les investisseurs dans le secteur stratégique de l’énergie durable marquent un intérêt croissant pour un marché dynamique, à fort impact mais sous-capitalisé. D’où la nécessité de mettre en œuvre un mécanisme de réduction des risques (Derisking facility) visant à fournir des capitaux aux entreprises qui sont prêtes à investir mais qui ont du mal à lever des capitaux sur le marché parce qu’elles opèrent dans des secteurs et/ou des domaines qui sont perçus comme trop risqués par les investisseurs traditionnels.
VERBATIM
Rindra Hasimbelo Rabarinirinarison, ministre de l’Économie et des Finances
« L’État, en élaborant le projet de Loi de finances initiale 2025, compte sur le potentiel de croissance de la transformation agricole et du secteur énergétique. La production électrique fait l’objet d’investissements supplémentaires, avec 562 milliards d’ariary de budget. Nous ne subventionnerons plus les achats de carburants mais consacrerons un budget important aux équipements, particulièrement dans les projets d’énergies solaires et éoliennes. »
Atou Seck, représentant résident de la Banque mondiale à Madagascar
« La coopération entre l’État malgache et la Banque mondiale dans le domaine de l’énergie prend de l’ampleur, avec un accent particulier sur le développement des énergies renouvelables. Une stratégie pour les projets énergétiques, en particulier dans le domaine de l’hydroélectricité, est déjà en place, notamment pour des projets tels que Volobe Amont, DECIM et Mini-Grid pour les zones rurales. »
LE SECTEUR ÉNERGÉTIQUE EN CHIFFRES
L'Express de Madagascar