Le Fonds Monétaire International a différé le déblocage de la Facilité élargie de crédit (FEC) et de la Facilité pour la résilience et la durabilité (FRD). Prévu pour fin novembre, le FMI a décidé de reporter à décembre le décaissement d’un prêt de 103 millions de dollars (474 milliards d’ariary), première tranche de ces deux fonds d’un montant total de 658 millions de dollars (3026 milliards d’ariary). La mise à disposition de cette somme aurait du être faite lors des assemblées générales de la Banque mondiale et du FMI à Washington, en octobre, mais cela n’a pas eu lieu. Pour la simple raison que le gouvernement n’a pas tenu ses engagements d’appliquer le mécanisme du prix des carburants à la pompe. Du coup, la FEC ne sera débloquée qu’en février 2025 s’il y a des changements lors de la première revue ou contrôle des engagements par le Conseil d’administration du FMI.
La fameuse vérité des prix est l’un des points exigés par le FMI pour atteindre l’équilibre macroéconomique. Depuis 2020, le prix des carburants est gelé par l’État. Une mesure tout à fait compréhensible, étant donné qu’une hausse du prix des carburants entraîne une cascade de hausses des autres produits de même que les services. Mais le gel des prix crée un manque à gagner aux compagnies pétrolières et aussi à l’État à travers les taxes. C’est également contraire au principe de l’économie de marché et de la concurrence. D’ailleurs, depuis la privatisation des sociétés d’État, dont les compagnies pétrolières, et la libéralisation du commerce, l’intervention de l’État est interdite, en particulier sur les prix.
L’intérêt des bailleurs de fonds et la priorité de l’État ne se rejoignent jamais. Le FMI et la Banque mondiale ne pensent qu’à assainir les finances de l’État, quitte à prendre des mesures restrictives, voire draconiennes, quel que soit le prix à payer pour la population. Des mesures très difficiles à appliquer pour l’État dans un contexte de pauvreté chronique où l’effritement du pouvoir d’achat ne supporterait pas de nouvelles hausses et aggraverait la pauvreté.
Toutes les mesures imposées par les bailleurs de fonds, appelées “ conditionnalités” depuis quarante ans ont eu des conséquences néfastes sur les conditions de vie de la population. Ces mesures sont d’autant plus compliquées à appliquer que la conjoncture sur le plan social, économique et politique ne s’y prête pas. La population étouffe sous le délestage et la coupure d’eau, une hausse du prix des carburants pourrait les “achever”. En outre, le contexte électoral déconseille de procéder à une hausse des prix, sous peine d’un faible taux de participation ou d’un vote sanction.
La divergence de vue entre l’État est aussi perceptible à travers le redressement de la Jirama. La Banque mondiale a nommé un DG israélien à la tête de la compagnie nationale d’eau et d’électricité pour arrêter la gabegie, dont le recours à des prestataires privés dont la facture grève le budget de la Jirama. Une décision dont la conséquence directe est l’amplification du délestage. L’État a dû intervenir pour désamorcer une manifestation de mécontentement de la population.
Il faut donc faire la part des choses dans ce bras de fer entre les bailleurs de fonds et l’État. Les préoccupations divergent et il n’est pas facile de trouver un terrain d’entente. Il faut espérer que l’histoire ne finisse en un compte Fec.
Sylvain Ranjalahy